- Les générations de défenseures de la biodiversité se développent, avec la mission de protéger la planète contre les menaces croissantes liées au réchauffement climatique sans précédent.
- Salimata Ciss fait partie de cette génération de jeunes femmes engagée. Militante du palétuvier rouge, elle habite à Joal-Fadiouth, une commune du Sénégal située à l'extrémité de la Petite-Côte, au sud-est de Dakar. Elle participe activement à la préservation de la biodiversité en reboisant des hectares de rhizophora.
- Passionnée par l’éducation environnementale, aujourd’hui, elle a contribué au projet de reboisement de 6 000 hectares de rhizophora à Joal-Fadiouth, aux îles du Saloum.
Elle se bat pour préserver la biodiversité et sensibiliser sa communauté à l’urgence de protéger notre planète. Salimata Ciss est membre de l’Association pour la gestion intégrée des ressources naturelles et de l’environnement de Joal-fadiouth (Agire), une association regroupant neuf jeunes femmes.
Chargée de l’éducation environnementale au sein de cette association de défense et de protection de l’environnement depuis 2022, elle joue un rôle clé dans la formation et l’éveil des consciences au sein de sa communauté. Engagée et dynamique, la jeune femme de 33 ans, se consacre activement à des activités telles que l’apiculture, l’aquaculture, le reboisement et l’éducation environnementale.
Ce samedi de mai 2025, elle se rend sur le terrain pour effectuer le suivi des plantations de rhizophora. C’est un arbre d’une dizaine de mètres de hauteur au maximum, qui pousse souvent au front de la mangrove. Ses racines tombent verticalement de ses branches.
Vêtue de bottes, d’un pantalon noir et d’un polo bleu, elle marche avec précaution, évitant la boue qui accroche parfois ses chaussures. Pour accéder à la zone de reboisement, elle doit traverser les mangroves, souvent sombres, où la végétation est dense.

Son parcours témoigne d’une motivation née de rencontres et d’expériences formatrices, qui ont éveillé en elle une conscience environnementale profonde. « Avant d’intégrer l’association « Agire », j’étais présidente d’un regroupement de femmes. Grâce à cette expérience, je participais à des séminaires et ateliers de formation. C’est lors de ces rencontres que j’ai fait la connaissance des femmes de « Agire », dont j’ai été profondément fascinée par leurs actions et leur détermination », confie Salimata à Mongabay.
Elle ajoute : « Ce fut une véritable révélation pour moi, qui m’a convaincue de rejoindre l’association pour contribuer, à mon tour, à la protection de notre environnement ». Sa passion pour la reforestation, notamment le reboisement de la rhizophora, la conduit à intervenir activement sur le terrain, mobilisant jeunes et populations pour restaurer ces écosystèmes vitaux. Elle voit dans ses actions, non seulement une nécessité écologique, mais aussi une opportunité économique, à travers des activités de subsistance comme l’aquaculture ou l’apiculture.
Sur le plan académique, elle n’a pas fait de longues études. « J’ai arrêté mes études en secondaire en raison des problèmes de papiers ». Avant de rejoindre « Agire », elle était femme au foyer, mère d’un petit garçon, et consacrait son temps à s’occuper de sa famille. Souriante, elle se décrit comme la première de sa famille à œuvrer pour la protection de l’environnement.
Lorsqu’elle a rejoint « Agire », elle a commencé à acquérir une petite indépendance financière. « Depuis que j’ai rejoint cette association, je commence à gagner en indépendance financière. Je parviens désormais à gérer certaines de mes dépenses personnelles, ce qui n’était pas le cas auparavant ». Aujourd’hui, sa routine est rythmée par ses prières, sa famille, puis ses activités au sein de « Agire », où elle participe régulièrement à des programmes de reboisement, notamment la restauration de la mangrove par le reboisement de la rhizophora.

La rhizophora, un palétuvier aux caractéristiques essentielles
La particularité de la rhizophora, c’est qu’elle a des racines échasses, selon Salimata. Des racines échasses, ce sont des racines qui sortent vers le haut pour aller vers le bas. La jeune dame informe que « la rhizophora aussi, réduit le taux de salinité, à travers ses feuilles qui jaunissent. Quand elles aspirent le sel, ses feuilles deviennent jaunâtres et tombent. Et ce sont ces feuilles qui tombent réparent le sol. » L’autre particularité, c’est que « ses racines se fixent directement sur le sol », dit Salimata.
Concernant l’importance du reboisement de la rhizophora, Salimata insiste sur ses bénéfices pour l’environnement. D’après elle, « la mangrove est l’un des écosystèmes les plus riches au monde ». « Le reboisement de la rhizophora fixe le sol, protège la mangrove contre les marées, les vents et les inondations, et réduit la salinité, permettant ainsi à une grande variété d’espèces comme les poissons, les crustacés, les mollusques et les crabes de prospérer ». Elle explique le processus de reboisement de la rhizophora : « Tout d’abord, il faut déterminer où et quand reboiser, en se référant à l’importance environnementale et sociale ». Salimata informe que « la saison des pluies est privilégiée, notamment pendant les vacances scolaires où il y a une forte présence des jeunes qui participent aux reboisements ». Ensuite, il faut préparer le matériel comme les « pirogues, les équipements de sécurité comme les gilets, les boîtes à pharmacie, les sacs de propagules triés, entre autres ».
Elle explique que les zones à reboiser sont choisies à partir de cartographies réalisées avec des logiciels spécialisés. Sur le terrain, une prospection est effectuée pour confirmer la faisabilité. Une fois le site sélectionné, Salimata et ses collègues procèdent à la « pause des placettes », un marquage pour repérer le lieu lors d’interventions futures. Pour reboiser, l’équipe utilise principalement des seaux, des bâtons pour le traçage, des outils, de l’eau, et éventuellement des moyens de transport comme la pirogue. « La technique consiste à placer les propagules dans des sacs, puis à les planter dans des zones protégées, où les marées sont moins destructrices. Une propagule, une cellule ou un ensemble de cellules servant à la multiplication de l’espèce ». Elle précise que, lors des périodes de forte marée ou en période de sécheresse, il faut éviter de reboiser dans des zones trop exposées, surtout pour la rhizophora.
En termes de surface, Salimata et ses collègues reboisent par hectares, cartographiant généralement entre 3 et 10 hectares à la fois. Depuis le début du projet 2019, elles ont reboisé plus de 6 000 hectares, ce qui représente environ 60 millions d’arbres. Concernant le suivi, elle indique que la croissance des jeunes plants est relativement simple à surveiller, surtout si le site est bien choisi. La croissance peut prendre jusqu’à dix ans pour atteindre leur maturité. Pour finir, Salimata évoque l’impact positif du reboisement sur la vie des communautés. « La mangrove sert de nurserie pour les poissons, ce qui augmente leur abondance et profite directement aux pêcheurs », dit-elle. « Elle aide également les femmes, notamment celles qui collectent et vendent des huîtres et autres produits, améliorant leur quotidien. La protection de cet écosystème permet aussi de préserver toutes ces activités essentielles à leur subsistance ».

« La Rhizophora fait partie des espèces les plus importante »
Abdou Karim Sall, écologiste, explique que la plantation de la rhizophora offre un habitat essentiel à de nombreuses espèces et joue un rôle-clé dans la lutte contre les effets du changement climatique, grâce à la capacité de ces arbres à stocker le carbone.
La rhizophora fait partie des espèces les plus importantes, car elle se distingue par ses racines de soutien en forme d’arche. Pour l’écologiste, « ces zones constituent d’abord un lieu de nidification, de nourrissage et de reproduction pour une grande diversité d’organismes, tels que les crabes, les crustacés, les reptiles, les mollusques, mais aussi des oiseaux comme le crabier blanc, et des poissons comme le périophtalme ». Cependant, l’un des principaux obstacles à la réussite des projets de reboisement de mangroves, notamment celles de la rhizophora, est la plantation dans des zones fortement habitées, c’est-à-dire une zone où il n’y a pas beaucoup d’activités humaines. Sall souligne que « pour maximiser leurs chances de succès, il faut privilégier des zones calmes, où il n’y a pas beaucoup de déplacements humains, afin de permettre aux jeunes plants de s’établir durablement ».
Impact sur la communauté locale
Trouvée à « khelcom », un célèbre marché de poissons à Joal-Fadiouth, Awa Diouf est vendeuse de fruits de mer. Selon elle, le reboisement de la rhizophora a un impact positif. Pour elle, cette espèce a favorisé « le développement de l’arche, qui revient désormais en plus grande quantité dans la zone. Cependant, Diouf note qu’à une certaine période, il était difficile de trouver ces arches ».
Pour Ouseynou Diop, pêcheur, « le reboisement de la rhizophora a permis de ravitailler la population en poissons, qui avaient tendance à disparaître. Aujourd’hui, nous pouvons pêcher tranquillement avec nos filets, car les poissons sont de retour dans la zone ». Pour soutenir les activités de l’association « Agire », la communauté locale encourage la participation de leurs enfants aux projets de reboisement.
Image de bannière : Salimata Ciss, membre de l’Association « Agire », en train de cueillir des propagules pour les replanter. Photo de Ndiémé Faye pour Mongabay.