- Le bassin du Congo attire beaucoup de multinationales en raison de sa richesse, de ses minerais les plus convoités au monde.
- Il existe plusieurs zones à haute valeur en termes de biodiversité dans les territoires des communautés autochtones.
- Avec l’octroi des titres fonciers, les communautés autochtones vont engager un dialogue pour leur indemnisation et pour recouvrer leurs droits sur des territoires affectés.
- Ces communautés ont été toujours exclues des solutions climatiques.
Au lendemain de la clôture du premier congrès mondial des peuples autochtones des forêts tropicales, tenu du 26 au 30 mai 2025, à Brazzaville, au Congo, Joseph Itongwa Mukumo, coordinateur régional du réseau des peuples autochtones et locaux pour la gestion durable des écosystèmes forestiers en Afrique centrale (REPAELAC) donne son aperçu sur les résolutions de ce forum et souligne l’importance de sécuriser les territoires des peuples indigènes pour mieux préserver les écosystèmes forestiers du bassin du Congo.
En marge de ce congrès, les représentants des peuples autochtones et les communautés locales ont appelé les gouvernements, la communauté internationale et les partenaires à reconnaître, garantir et protéger leurs droits fonciers et leur droit à la vie, au même titre que les autres communautés.
Les congressistes ont par ailleurs plaidé pour un accès direct aux financements, sans aucun intermédiaire, y compris les financements destinés à la lutte contre le changement climatique et à la protection de la biodiversité.

Mongabay : Pourquoi la promotion des droits des peuples autochtones sur leurs terres et leurs ressources reste cruciale au niveau du bassin du Congo ?
Joseph Itongwa : La protection des territoires des peuples autochtones revêt une importance capitale, car cette région figure parmi les plus riches en biodiversité au monde. C’est le deuxième massif forestier au niveau mondial, juste après l’Amazonie. En termes de superficie, le bassin du Congo n’est pas si vaste que l’Amazonie, mais c’est la région la plus riche en termes de biodiversité et de séquestration de carbone.
Le couvert forestier et les tourbières du bassin du Congo séquestrent l’équivalent de dix années d’émissions mondiales de CO 2, parce qu’il y a moins de menaces par rapport à d’autres forêts tropicales. Aussi, le bassin du Congo attire beaucoup de multinationales en raison de sa richesse, parce qu’il renferme certains des minerais les plus convoités au monde, mais quant à sa richesse en termes de biodiversité, il y a les bois, et d’autres ressources.
Cela veut dire que c’est une région qui se trouve chevauchée sur les territoires des peuples autochtones. Il existe plusieurs zones à haute valeur en termes de biodiversité dans les territoires autochtones. Ce qui veut dire qu’il est important de sécuriser les territoires et les terres des peuples autochtones, pour les protéger contre la destruction et les menaces évidentes, qui pèsent sur les richesses des sous-sols, la biodiversité et les forêts naturelles.
La nécessité de sécuriser ce territoire reste crucial pour mieux préserver sa biodiversité. Mais avant tout, les peuples autochtones ont le droit de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler ces ressources à leur disposition, parce qu’elles leur appartiennent. En garantissant ces droits à cette catégorie de la population, on préserve en même temps ces forêts tropicales.
Par rapport à d’autres régions du monde abritant les peoples autochtones, le bassin du Congo reste moins menacé par les activités humaines pour plusieurs raisons.
Il faut mettre en place un système garantissant un régime foncier coutumier des peuples autochtones et des communautés locales. Reconnaître les droits de ces communautés indigènes établies dans les aires protégées restent important pour mieux préserver les forêts tropicales du bassin du Congo.
Mongabay : Le congrès qui vient de s’achever recommande de reconnaître les peuples autochtones comme les gardiens les plus efficaces de la biodiversité. Quelles sont les attentes de la récente décision de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité, pour établir un corps subsidiaire, qui inclut les peuples indigènes pour ce qui est des prochaines décisions sur la conservation de la nature ?
Joseph Itongwa : L’adoption de l’organe subsidiaire au sujet l’article 8.8.J est un espoir pour nous, parce que les décisions officielles de l’ONU, notamment celles relatives à la conservation de la biodiversité et à la reconnaissance des savoirs traditionnels peuvent servir de base dans la mise en exécution de plusieurs initiatives variées, telles que la conservation de la biodiversité.
Ces décisions sont importantes pour nous et cela interpelle déjà les États à protéger nos territoires et nos systèmes de gouvernance des territoires.
Cela reste très important pour assurer la protection de nos territoires traditionnels. Nos connaissances traditionnelles et nos savoirs constituent déjà la base importante de la sécurisation, la protection de la biodiversité. Et cela n’était pas jusqu’ici reconnu.
Cela a été longtemps ignoré, mais l’espoir est permis avec la mise en place de cet organe subsidiaire [de l’ONU]. C’est important, parce que tout ce que nous allons apporter comme priorité en termes de reconnaissance des systèmes traditionnels, tels que la reconnaissance des savoirs traditionnels, reconnaissance de nos territoires, sera déjà pris en compte dans les décisions des États au niveau de l’ONU et au niveau local. Cela sera implémenté par nos États, notamment dans les programmes, dans les stratégies et dans les lois sur la conservation.

Et que dans les lois sur la conservation, ces décisions soient prises en compte. Il serait réellement important que les territoires soient sécurisés et que la biodiversité aussi soit sécurisée. Je crois que c’est vraiment notre souhait et c’était notre espérance. Et surtout, c’est un succès pour nous d’avoir cet organe subsidiaire, parce qu’à un moment donné, nous étions des observateurs.
Mais, pour le moment, avec l’organe subsidiaire, nous sommes des parties prenantes dans les décisions sur la biodiversité et tout ce qui concernées éléments et les mécanismes de la biodiversité au niveau international.
Mongabay : Les industries extractives constituent une source importante de revenus, notamment au niveau du bassin du Congo. Quelles sont les meilleures stratégies pour renforcer les systèmes traditionnels de gestion des ressources, et protéger le droit des communautés autochtones ?
Joseph Itongwa : Au niveau des territoires occupés par les peuples autochtones, il y a tout d’abord un besoin pressant de faire un plaidoyer et de démontrer réellement la superficie et la taille de l’influence des systèmes et des gestions traditionnels des peuples autochtones dans ces zones-là. Cela s’avère être un aspect important dont il faut tenir en compte, parce que c’est avec les cartes, avec ces moyens, avec les évidences, avec les données que nous pouvons engager les plaidoyers et démontrer aux États l’importance de protéger et sécuriser nos terres d’une part.

S’agissant de la législation en vigueur, qui est le deuxième élément, nous devons plaider pour que les terres soient sécurisées, parce que si nous avons droit aux titres fonciers, on peut déjà les confronter avec d’autres usages, parce que l’État peut affecter nos territoires pour ces usages. Avec les titres, nous pouvons engager un dialogue d’indemnisation, un dialogue pour réellement recouvrer nos droits sur ces territoires qui sont affectés, parce que quand nos territoires sont affectés pour d’autres activités comme les activités extractives, il faut réellement les confronter avec nos titres de sécurisation. Le troisième élément se rapporte aux plaidoyers par rapport à la conservation.
Le développement des partenariats et d’alliances est une stratégie efficace pour pérenniser les efforts actuels de conservation et protéger nos terres ancestrales contre l’exploitation minière illégale. Quand, par exemple, nous disons que les territoires des peuples autochtones sont des zones, où il y a la biodiversité, et qu’il y a des engagements pris au niveau international pour mieux assurer sa préservation, cela représente une solution en faveur des peuples autochtones, pour mieux lutter contre ces exploitations minières, ainsi que plusieurs autres formes de crimes contre la nature.
D’un côté, il y a le monde qui a besoin de la conservation de la biodiversité pour les bénéfices mondiaux sur le climat et de l’autre côté, les peuples autochtones vont se mobiliser dans des activités de conservation durable au niveau de ces territoires.
Privilégier l’intérêt de l’argent, l’économie, l’extraction de ces zones reste la meilleure voie de sortie, pour mieux tirer profit des activités de la conservation, qui constitue l’un des facteurs pouvant mobiliser les peuples autochtones dans la protection de leurs territoires.
Parce que tout le monde ne compte pas investir dans des activités d’extraction minière, il y a des partenaires au niveau international qui soutiennent également ces efforts de conservation.
Le changement climatique constitue l’un des plus grands défis à relever, mais il y a des solutions fondées sur la nature, qui misent sur la biodiversité pour améliorer la résilience des communautés autochtones, car leurs modes de vie sont en harmonie avec la nature.
Ces communautés ont été toujours exclues des solutions climatiques, déplacées par celles-ci et privées des ressources nécessaires pour montrer la voie.
L’heure est venue pour elles de faire valoir leurs droits fonciers, que ce soit dans le contexte de l’agro-industrie, des industries extractives, du développement, de la conservation au niveau du bassin du Congo.
Image de bannière : Joseph Itongwa Mukumo, coordinateur régional du réseau des peuples autochtones et locaux pour la gestion durable des écosystèmes forestiers en Afrique centrale (REPAELAC). Image de Norlando Meza (Alliance mondiale des communautés territoriales – GATC), fournie par Aimable Twahirwa.
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