- En Côte d'Ivoire, une nouvelle génération d’acteurs locaux (start-ups, ONG, entreprises) développe des solutions innovantes pour faire face aux effets du changement climatique, de l’agriculture durable à l’énergie solaire.
- À l’occasion du Salon « Climat et Innovation », ces initiatives ont mis en lumière des approches concrètes et résilientes qui allient transition écologique, inclusion sociale et développement économique.
- Portée par une volonté politique affirmée, cette dynamique locale place l’innovation au cœur de l’action climatique et renforce la contribution ivoirienne à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Alors que les effets du changement climatique s’intensifient en Côte d’Ivoire avec les inondations récurrentes, la dégradation des sols et la pression sur les ressources naturelles, une nouvelle génération d’acteurs locaux s’efforce d’apporter des réponses concrètes. Face à l’urgence climatique croissante, de nombreux innovateurs s’attellent à concilier développement économique et résilience environnementale. Start-ups, organisations non gouvernementales (ONG) et petites entreprises locales, sont en première ligne, concevant des solutions pour s’adapter aux effets du changement climatique et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Ces initiatives, touchant à la construction durable, aux énergies renouvelables, à l’agriculture écologique ou encore aux mécanismes de financement vert, témoignent d’une dynamique en pleine croissance. À l’occasion du Salon de l’Innovation « Climat et Innovation – Partageons les solutions », tenu les 12 et 13 juin 2025 à Abidjan, ces pionniers ont partagé leurs projets au micro de Mongabay.

Vers une agriculture zéro carbone et des villes vertes
La décarbonisation de l’agriculture est au cœur des préoccupations de la start-up Avocetagri. Son responsable des opérations techniques, Koné Youssouf, a présenté Agricarbone Plus, une solution qui aide les coopératives et entreprises à mesurer, suivre et valoriser leurs réductions de gaz à effet de serre. « Nous réalisons le bilan carbone des entreprises, élaborons des stratégies bas carbones et formons aux pratiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre », explique Youssouf, précisant qu’une application est en développement pour faciliter le calcul de l’empreinte carbone.
Dans une veine similaire, Corinne Ntapké, cofondatrice d’Akwaponics, promeut l’aquaponie, une technique agricole vertueuse combinant aquaculture et culture de plantes en circuit fermé. « L’eau des poissons, chargée de leurs déjections, va vers la zone hydroponique. Les déjections sont transformées en nutriments pour les plantes, qui filtrent ensuite l’eau avant qu’elle ne retourne dans le bassin. Nous sommes ainsi dans un cercle vertueux, utilisant la même eau en permanence, économisant 90 % d’eau et valorisant les déchets des poissons », explique-t-elle. Cette solution offre une voie vers la souveraineté alimentaire et la végétalisation des villes, particulièrement pertinente face à l’urbanisation et à la raréfaction des terres arables. « Nous avons une ferme aquaponique à Bingerville Eloka, où nous faisons des cultures maraîchères et élevons des tilapias. C’est une technique que nous voulons vulgariser en zone urbaine et périurbaine pour reverdir nos villes et aider les ménages à atteindre la souveraineté alimentaire. C’est une agriculture très résiliente au changement climatique : quelles que soient les saisons, les cultures peuvent se poursuivre. Cela renforce notre résilience climatique », dit-elle.
Forêts et bâtiments : nouveaux piliers de la réduction carbone
L’aménagement forestier joue un rôle crucial dans la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui motive Eva Lafont, représentante d’AETS Afrique, une start-up développant des projets carbones forestiers, agroforestiers et mangroves. Travaillant sur plus de 5 000 hectares de forêts classées, l’entreprise valorise les arbres séquestrés via des crédits carbone, en intégrant des dimensions sociales, la biodiversité et parfois l’élevage. « Nous restaurons les forêts, non seulement pour la nature, mais surtout pour les communautés qui en dépendent, afin que les générations futures puissent en bénéficier », insiste Lafont.
Le secteur de la construction se réinvente également grâce à Ohel International. Sa commerciale environnementaliste, Princesse Yao, a présenté les Blocs de Terre Comprimée Stabilisée (BTCS), composés de 80 % de latérite locale, 10 % de ciment et 10 % de sable. « Ce produit est une solution à la crise climatique, car il nécessite moins de ciment. L’industrie du ciment est l’une des plus émettrices de CO₂ ; en réduisant son usage dans nos blocs, nous participons à la décarbonisation », explique-t-elle. Avec plus de 500 logements et plusieurs hôpitaux construits en Côte d’Ivoire, cette solution offre une alternative durable et économique, réduisant les coûts de construction de 20 à 30 %.

Sécuriser les acteurs agricoles et ruraux
La vulnérabilité des agriculteurs face aux aléas climatiques est une préoccupation majeure. Augustin Dago, gérant de la start-up Oko, propose une assurance climatique indicielle protégeant les planteurs contre la sécheresse ou les excès de pluie. Grâce à la détection satellitaire des sinistres, Oko indemnise rapidement les agriculteurs via leurs portefeuilles électroniques. « Nous avons déjà aidé plus de 700 planteurs à hauteur de 36 millions de francs CFA [soit 62 820 USD] », déclare Dago, appelant à un soutien accru de l’État et des partenaires privés pour subventionner ces primes essentielles à des populations rurales aux revenus faibles et saisonniers.
Énergie propre et impact social au quotidien
Emile Nguessan d’Energy Power Innovations a présenté l’EcoSmart, une armoire solaire rendant les feux tricolores autonomes, ainsi que des ombrières de recharge pour véhicules électriques. Son projet le plus impactant, selon lui, reste le remplacement des pompes à eau manuelles dans les villages par des pompes solaires électriques. « Cela améliore les conditions de vie en réduisant l’effort physique et la transmission bactérienne liée à l’eau manipulée », explique-t-il.
Pour l’éclairage domestique, Fabrice Botocou, cofondateur de Be Creator Afrique, autonomise les femmes rurales avec des lanternes solaires de qualité. Son modèle inclut une « académie mobile de formation », où les femmes apprennent l’entrepreneuriat et les techniques solaires, devenant ensuite des distributrices locales. « Notre réseau de 375 femmes actives au Bénin a déjà éclairé plus de 10 000 ménages », se réjouit Botocou, soulignant l’impact sur l’éducation des enfants et les revenus des femmes dans les zones rurales. Il espère un déploiement prochain en Côte d’Ivoire.

Financement vert et économie circulaire
Le financement durable est un levier essentiel. Christian Boa, Directeur général de Growth Partners Africa, indique que 80 % des PME africaines n’ont jamais réalisé d’évaluation ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Présentée comme la première agence de notation extra-financière en Afrique francophone, sa structure aide à obtenir une notation ESG claire, indispensable pour accéder à des financements verts. « Nous évaluons les entreprises et leur créons un cadre clair d’évaluation pour lever des fonds, notamment sur les marchés étrangers où les exigences ESG sont fortes ». Il ambitionne de fédérer les acteurs du climat en Afrique et de tisser des partenariats stratégiques avec les institutions publiques, financières et les entreprises.
L’économie circulaire trouve également sa place avec Sikili. Sa responsable commerciale, Stéphanie Agoa, explique : « Nous récupérons des iPhones usagés, les diagnostiquons, les reconditionnons et les revendons à un prix attractif avec une garantie d’un an ». Cette activité, explique-t-elle, prolonge la durée de vie des téléphones et réduit les déchets électroniques, tout en offrant une alternative économique et écologique.
Lors du salon, le ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, Jacques Konan Assahoré, dont le pays compte aujourd’hui plus de 160 start-ups vertes, générant près de 5 000 emplois directs et contribuant à une réduction annuelle de plus de 80 000 tonnes de CO₂ équivalent, a souhaité voir cet événement devenir un catalyseur de transformation climatique en Afrique. « L’heure est à l’innovation, à la responsabilité et à l’action collective. Ensemble, avançons avec détermination vers un avenir plus vert, plus équitable et plus inclusif, en plaçant l’innovation au cœur de notre réponse au changement climatique », a-t-il dit.
Image de bannière : Fabrice Botocou, cofondateur de Be Creator Afrique, forme et équipe des femmes rurales au Bénin avec des lanternes solaires, ayant déjà permis d’éclairer plus de 10 000 foyers et de renforcer leur autonomie économique dans les zones non électrifiées. Image de Gaël Zozoro pour Mongabay.
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