Nouvelles de l'environnement

Bénin : Le changement climatique menace la survie de douze espèces d’arbres polyvalents

  • Douze espèces d’arbres polyvalents agroforestiers clés sont menacées par le changement climatique au Bénin.
  • Plusieurs espèces, dont le baobab africain, l’anacardier et le karité sont susceptibles de disparaitre, en particulier dans les zones protégées.
  • Des zones périurbaines sont identifiées comme des points chauds de conservation critiques émergents, indiquant un changement des priorités de conservation vers ces régions.
  • La résilience des espèces indigènes par rapport aux espèces non indigènes suggère que les efforts de conservation devraient donner la priorité aux espèces indigènes, tout en gérant soigneusement les espèces non indigènes, pour soutenir la biodiversité sans perturber les écosystèmes locaux.

Une récente étude indique que plusieurs espèces d’arbres, dont le baobab africain (Adansonia digitata), l’anacardier (Anacardium occidentale) et le karité (Vitellaria paradoxa), sont susceptibles de disparaitre, en particulier dans les zones protégées. Tandis que d’autres espèces telles le palmier à huile (Elaeis guineensis) et le rônier (Borassus aethiopum) font preuve de résilience, avec des expansions potentielles dans des habitats appropriés, leur permettant de s’adapter aux conditions climatiques futures.

Publiée dans la revue Elsevier, l’étude s’est concentrée sur les zones périurbaines des villes de Cotonou, Abomey, Savalou, Parakou, Natitingou, Kandi et le réseau d’aires protégées au Bénin, notamment le Parc national de la Pendjari, le Parc national du W, la Réserve forestière de la Lama, la Vallée de l’Ouémè et les zones humides de la Bouche du Roi.

Elle a permis d’évaluer les variables environnementales influençant leur distribution, de projeter les changements d’habitat, d’identifier les points chauds et de comparer les impacts sur les espèces indigènes et non indigènes.

Les chercheurs ont modélisé les futurs habitats propices aux douze espèces d’arbres étudiés, selon deux scénarios climatiques.

Les projections effectuées, à l’horizon 2070, ont indiqué un déclin des habitats appropriés pour 67 % des espèces, des changements mineurs pour 8 % et des augmentations pour 25 %. L’efficacité des aires protégées était mitigée, les espèces montrant des réponses variées.

Les arbres polyvalents agroforestiers sont utilisés dans les systèmes agroforestiers pour leur capacité à fournir plusieurs bénéfices, tels que la production de nourriture, de bois, de fourrage, de fruits, et/ou pour leur capacité à améliorer les conditions environnementales des sols. Image de Ange Banouwin pour Mongabay.
Les arbres polyvalents agroforestiers sont utilisés dans les systèmes agroforestiers pour leur capacité à fournir plusieurs bénéfices, tels que la production de nourriture, de bois, de fourrage, de fruits, et/ou pour leur capacité à améliorer les conditions environnementales des sols. Image de Ange Banouwin pour Mongabay.

L’étude souligne également l’insuffisance potentielle des aires protégées actuelles pour la sauvegarde des espèces d’arbres polyvalents, car de nombreux points chauds d’habitats appropriés sont situés en dehors de ces zones, en particulier dans les zones soudano-guinéennes inférieures et guinéennes supérieures.

« Les zones périurbaines de Savalou et d’Abomey sont apparues comme des points névralgiques de conservation clés, soulignant la nécessité de déplacer l’accent de conservation vers ces zones. Les espèces indigènes ont montré une plus grande résilience aux conditions climatiques futures, soulignant l’importance des espèces indigènes et des stratégies de conservation spécifiques aux espèces dans le cadre de climats changeants », indique l’étude dirigée par Sèdoami Flora Dogbo, chercheuse spécialisée en agroforesterie et en écologie végétale du Programme de recherche supérieure WASCAL sur le changement climatique et la biodiversité de l’université Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire).

« Ces résultats sont pertinents pour la promotion des espèces d’arbres à usages multiples en Afrique subsaharienne pour un développement écologique et socio-économique durable », précise Dogbo, qui est aussi membre du Laboratoire de biomathématiques et d’estimations forestières de la Faculté des sciences agronomiques de l’université d’Abomey-Calavi (Bénin).

Des impacts du changement climatique

Les auteurs de l’étude ont noté que les facteurs climatiques, en particulier l’isothermie et les précipitations annuelles, ont principalement influencé la distribution des espèces étudiées.

Les espèces indigènes ont montré une plus grande résilience aux conditions climatiques futures, soulignant leur importance et des stratégies de conservation spécifiques dans le cadre du changement climatique.

Une perspective que soutient, Dr Peter Neuenschwander, chercheur émérite à l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA). « Les arbres non-adaptés au régime climatique local vont disparaître », dit-il à Mongabay dans un courriel. Tout en relevant que ces arbres ne sont pas sur la liste rouge pays de l’UICN, sauf le karité. « Ils sont tous communs, mais leurs futures est différent ».

« L’impact du changement climatique sur la biodiversité au Bénin est déjà perceptible. La régression de certaines espèces végétales, la perturbation des régimes phénologiques (floraison, fructification) et la modification des aires de distribution sont des signaux forts. Sur le plan environnemental, cela compromet l’équilibre des écosystèmes et la régénération naturelle. Économiquement, les communautés rurales, fortement dépendantes des ressources forestières (bois d’œuvre, produits non ligneux, plantes médicinales), se retrouvent fragilisées », dit dans un courriel à Mongabay, Rodrigue Idohou, Enseignant-chercheur à l’université nationale d’Agriculture du Bénin.

« Il y a aussi un enjeu social, car ces arbres sont souvent liés à des pratiques culturelles et spirituelles. Face à ces menaces, il devient impératif de mettre en place des stratégies d’adaptation fondées sur la science, le renforcement des capacités locales et l’aménagement durable du territoire ».

Palmeraie à Glodjigbé dans la commune d’Abomey-Calavi au Bénin. Image de via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).
Palmeraie à Glodjigbé dans la commune d’Abomey-Calavi au Bénin. Image de via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).

Ces travaux de recherche portent principalement sur la biodiversité végétale, la modélisation de la distribution des espèces, l’impact des changements climatiques sur les écosystèmes, ainsi que la valorisation des ressources naturelles à travers des approches intégrées alliant sciences écologiques, savoirs locaux et politiques de gestion durable.

Durabilité écologique et stratégies de gestion

Des stratégies de gestion adaptative peuvent améliorer la conservation des 12 espèces d’arbres à usages multiples étudiées dans les conditions climatiques futures au Bénin.

Les auteurs de l’étude indiquent que leur intégration dans les pratiques de verdissement urbain et d’agroforesterie dans les zones périurbaines, soutenue par des cadres politiques stratégiques, peut améliorer la connectivité des habitats, promouvoir la résilience des écosystèmes et contribuer au développement urbain durable.

Eu égard à la résilience des espèces indigènes par rapport aux espèces non indigènes, ils suggèrent que les efforts de conservation donnent la priorité aux espèces indigènes tout en gérant soigneusement les espèces non indigènes, pour soutenir la biodiversité sans perturber les écosystèmes locaux.

« C’est une bonne nouvelle, cela voudrait dire que ces espèces seraient préservée au Bénin malgré le changement climatique. Il serait alors utile d’investiguer le scénario des espèces autochtones dans leur globalité pour le Bénin, afin de savoir comment ils se comporteraient avec les différents scénarios du changement climatique. Sur cette base, l’ingénierie forestière pourrait développer des programmes de conservation éclairés », dit dans un courriel à Mongabay, Mariano Houngbédji, Ingénieur forestier, spécialisé dans la gestion de la faune et des parcours naturels, également Directeur technique à l’Organisation pour le développement durable et la biodiversité (ODDB ONG).

« L’observation selon laquelle les espèces indigènes sont plus résilientes aux conditions climatiques futures est capitale. Elle nous invite à repenser nos stratégies de conservation et de reforestation. Je recommande de prioriser les espèces locales dans les politiques de gestion forestière, car elles sont mieux adaptées aux conditions écologiques du pays, possèdent une forte valeur socioculturelle, et soutiennent une riche biodiversité associée. Cela implique également de promouvoir la recherche sur l’écologie et la génétique de ces espèces, pour mieux guider les choix techniques », dit Idohou.

Les zones périurbaines de Savalou et d’Abomey sont apparues comme des points névralgiques de conservation clés des espèces d’arbres menacés par le changement climatique au Bénin. Image de Ange Banouwin pour Mongabay.
Les zones périurbaines de Savalou et d’Abomey sont apparues comme des points névralgiques de conservation des espèces d’arbres menacés par le changement climatique au Bénin. Image de Ange Banouwin pour Mongabay.

Des approches de solutions pour la conservation

« Bien évidemment, il faudra tenir compte de ces changements futurs pour la restauration forestière. Il faudra également tenir compte des changements d’affectations des terres (agriculture, pâturage, aquaculture, etc) qui auront cours dans les nouvelles zones propices à ces espèces. Les espèces les plus vulnérables doivent être priorisées dans les campagnes de reboisement particulièrement dans les régions ou zones où ces espèces trouveraient des conditions écologiques favorables. Il faudra également développer les références techniques de levée de dormance des espèces et leurs cultures en pépinière pour assister les régénérations naturelles des peuplements », dit Houngbédji.

« Oui, il est crucial de tenir compte de ces résultats dans les campagnes de reboisement. Aujourd’hui, on constate encore l’usage massif d’espèces exotiques supposées à croissance rapide, qui ne répondent pas toujours aux enjeux locaux. Je plaide pour un reboisement intelligent, qui intègre les espèces indigènes résilientes notamment les espèces fruitières autochtones, les besoins des communautés locales et les objectifs écologiques à long terme. Il faut aussi accompagner cela par une éducation environnementale, et des mécanismes de suivi et d’évaluation pour assurer la survie des plants », dit Idohou.

Pour sa part, Neuenschwander, fait observer que les milliers d’arbre qui sont plantés depuis des décennies au Bénin lors des campagnes de reboisement devraient être perceptibles dans le paysage. « On ne les voit pas, parce que ce n’est pas suivi. Et maintenant, y mélanger des arbres qui sont rares (ou menacés), non! Cela ne peut pas être mélangé avec le reboisement. Il faut les distribuer dans les places où ils peuvent survivre, et les suivre », dit-il, invitant les forestiers à orienter leurs actions dans ce sens.

Image de bannière : Palmeraie à Glodjigbé dans la commune d’Abomey-Calavi au Bénin. Image de via Wikimédia Commons (CC BY-SA 4.0).

Citation :

Dogbo, S.F., Salako, K. V., Agoundé, G., Dimobe, K., Adiko, A. E. G., Gebauer, J., Yao, C. Y. A., Glèlè Kakaï, K. (2024). Potential impacts of future climate on twelve key multipurpose tree species in Benin: Insights from species distribution modeling for biodiversity conservation. Elsevier. https://doi.org/10.1016/j.tfp.2024.100744

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