- Le renforcement des structures ornithologiques émergentes en Afrique reste un élément clé pour pérenniser les efforts actuels visant la conservation des oiseaux terrestres migrateurs.
- Il existe au total quelques 2 601 sites naturels depuis lesquels on peut observer les oiseaux migrateurs en Afrique.
- Environ 2,1 milliards d'oiseaux chanteurs et de quasi-passereaux quittent chaque année les continents européen et asiatique vers l’Afrique, et sont reparties en 16 espèces distinctes.
- La fragmentation des habitats naturels par l’homme constitue l'une des principales menaces qui pèsent sur les oiseaux migrateurs en Afrique.
Une nouvelle initiative sous régionale dénommée Fridays4Birds concentre son attention sur le suivi des oiseaux terrestres migrateurs en Afrique, en vue de soutenir la préservation de leurs habitats naturels, notamment en Afrique centrale et de l’Ouest.
Grâce à cette mobilisation en cours dans 40 pays, dont plus de la moitié se trouve en Afrique centrale et de l’Ouest, les chercheurs travaillent en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales (ONG), ainsi que les communautés locales, notamment les jeunes, à travers divers programmes de renforcement des capacités.
Elizabeth Yohannes, chercheuse à l’Institut ornithologique suisse et initiatrice de cette campagne, affirme que le renforcement des structures ornithologiques émergentes en Afrique, à travers la mise en place des réseaux collaboratifs, reste un élément clé pour pérenniser les efforts actuels visant la conservation des oiseaux terrestres migrateurs.
« Ces sessions interactives permettent de stimuler la collaboration et d’encourager le partage de connaissances pratiques et scientifiques, pour l’observation et la protection des oiseaux migrateurs et leur habitat », explique-t-elle à Mongabay.
L’importance biologique de ces oiseaux dans la sous-région, selon les promoteurs de cette initiative, est réside dans leurs avantages économiques, sociaux, culturels et par leurs valeurs écologiques, scientifiques et économiques.
Yohannes affirme qu’en éduquant différents acteurs et en encourageant les pratiques écologiquement responsables en matière de conservation, ces connaissances contribuent à protéger les oiseaux migrateurs de la sous-région.
En plus des compétences requises pour l’identification des différentes espèces, Yohannes dit que cette initiative vise également à permettre aux acteurs de la conservation d’obtenir une connaissance élargie indispensable, pour comprendre les oiseaux migrateurs terrestres et leurs écosystèmes.

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), estime à plusieurs millions d’oiseaux, qui migrent chaque année le long de voies de migration mondiales entre les continents, notamment vers des zones d’alimentation plus chaudes en Afrique subsaharienne.
Dans son rapport publié en 2017, le PNUE et ses partenaires affirmaient alors que leurs voies de migration intercontinentales incluent notamment des sites d’escale essentiels, pour leur repos et leur réapprovisionnement avant de continuer leur voyage.
Le Plan d’action pour les oiseaux terrestres migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEMLAP), constitue jusqu’ici, la seule plate-forme mondiale, pour la conservation et l’utilisation durable des animaux migrateurs et de leurs habitats. Ce plan couvre dans l’ensemble des espèces mondialement menacées, certaines présentant une tendance à la baisse et d’autres à la hausse.
Campagnes d’éducation environnementale
Une autre étude, publiée en 2021, dans la revue scientifique Global Change Biology, conjointement par l’ONG Wetlands International en collaboration avec plusieurs autres organisations partenaires, dont notamment l’initiative de l’Accord sur les oiseaux d’eau d’Afrique-Eurasie (AEWA), a montré qu’il existe au total quelques 2 601 sites naturels depuis lesquels on peut observer les oiseaux migrateurs en Afrique.
Dans l’ensemble, l’étude révèle qu’au moins 55 % de sites récences le long de la voie de migration Afrique-Eurasie, se trouvent en Afrique centrale et de l’Ouest, et sont particulièrement menacées.
Les résultats de l’étude suggèrent que la plupart de ces sites identifiés, se trouvent dans les pays où les conditions sont très peu adéquates, pour une conservation efficace avec un faible niveau d’économie, sans oublier l’absence de bonne gouvernance, considérées comme principaux facteurs qui compromettent aux efforts de conservation au niveau de la sous-région.
Les promoteurs de cette nouvelle initiative de conservation affirment que, parmi les menaces les plus importantes pesant sur ces oiseaux terrestres migrateurs, figurent la dégradation et la perte de l’habitat sur les sites de reproduction et les zones utilisées en dehors de la reproduction, ainsi que sur le réseau de sites dont dépendent ces espèces pendant la migration.
Camille Tchankpan, responsable de l’ONG « Oiseaux et Horizons » au Bénin, mobilisée dans cette campagne en Afrique de l’Ouest, affirment qu’une large partie de la population d’oiseaux terrestres, sont particulièrement vulnérables, car elles traversent les territoires de différents pays, et effectuent ces déplacements cycliques sur un large front ; leur distribution étant diffuse à travers divers habitats.

Pour endiguer cette menace, l’ONG « Oiseaux et Horizons » est à pied d’œuvre pour tenter de trouver des solutions par le biais de campagnes d’éducation environnementale, la protection de la biodiversité, et la lutte contre les menaces, qui pèsent sur les oiseaux à travers des programmes de sensibilisation et de renforcement des capacités, en particulier chez les jeunes. « Nous chercherons à éduquer les populations en Afrique sur l’importance des oiseaux terrestres et la joie d’apprendre à les connaître », explique Tchankpan à Mongabay.
Selon lui, des inquiétudes croissantes portent sur le nombre d’espèces d’oiseaux terrestres migrateurs qui séjournent au sud du Sahara en dehors de la période de reproduction, dont la population présente une tendance au déclin aux niveaux national et sous régional.
Lors de leurs longs voyages, Tchankpan affirme que ces oiseaux sont confrontés à de plus en plus de menaces telles que le braconnage, la chasse non-durable, la perte d’habitat, l’empoisonnement et le changement climatique.
Plus particulièrement en Afrique, les experts dans le domaine de la conservation affirment que les zones humides du continent sont plus menacées que celles d’Eurasie, où les conditions climatiques appropriées se déplaceront vers le nord. En Eurasie, les oiseaux s’adaptent déjà aux conditions climatiques adéquates en déplaçant leur aire de répartition vers le nord.
Formation des liens étroits entre plusieurs continents
D’après une autre étude publiée en 2009, dans la revue scientifique Oikos, par un groupe de chercheurs de la station ornithologique suisse, une fondation privée et indépendante qui travaille sur l’étude et la protection des oiseaux, environ 2,1 milliards d’oiseaux chanteurs et de quasi-passereaux, qui quittent chaque année les continents européen et asiatique vers l’Afrique, sont reparties en 16 espèces distinctes.
Pour cette étude, les scientifiques ont voulu tester une hypothèse avancée pour la première fois, selon laquelle la migration automnale des oiseaux de leurs aires de reproduction européennes, en passant par la Turquie et la Russie, pour passer l’hiver en Afrique centrale et de l’Ouest, notamment.
Dr Steffen Hahn, auteur principal de cette étude et chercheur au département de Biologie de l’université de Lettonie, affirme que les oiseaux migrateurs peuvent former des liens étroits entre plusieurs continents, car ils peuvent servir à la fois de vecteurs de parasites et autres maladies.
« Connaître le nombre de ces oiseaux s’avère indispensable si ces liens peuvent être quantifiées », affirme-t-il.

Toutefois, selon les récentes estimations du PNUE, les oiseaux migrateurs, tels que la sarcelle d’été sont chassés à des fins de subsistance dans le Sahel africain et jouent un rôle significatif, afin de garantir la sécurité alimentaire des populations de la région.
Par exemple, le PNUE montre que les vautours, une espèce inestimable qui agit comme une police sanitaire, subit un déclin alarmant là où l’empoisonnement, ainsi que le commerce pour la médecine traditionnelle, sont responsables de 90 % des décès de vautours en Afrique.
Si le PNUE tire la sonnette d’alarme sur la menace qui pèse sur des oiseaux migrateurs terrestres, les activistes de la conservation comme Tchankpan, déplorent l’ampleur de l’activité humaine notamment la conversion des habitats pour l’agriculture et la construction. « La chasse incontrôlée, le trafic illégal et la destruction des nids constituent l’une des principales causes qui contribuent au déclin sans précédent de ces espèces », affirme Tchankpan à Mongabay.
En Afrique de l’Ouest, les membres de l’ONG « Oiseaux et Horizons », constituées en grande partie d’amateurs, mais aussi de professionnels de l’ornithologie organisent, grâce à l’appui technique de Fridays4Birds, des campagnes de sensibilisation ciblant les communautés locales sur l’utilisation intelligente des terres, les modèles économiques durables et l’éducation à la nature, avec un accent particulier sur la biodiversité.
La Convention sur les espèces migratrices (CMS), aussi connue sous le nom de Convention de Bonn, réunit les États traversés par les animaux migrateurs, et établit les bases juridiques sur lesquelles s’appuient les mesures de conservation coordonnées sur le plan régional et international.
Wenceslas Gatarabirwa, chercheur en ornithologie d’origine rwandaise, actuellement établi au Royaume Unie, affirme dans une interview exclusive par téléphone et par courriel, que la fragmentation des habitats naturels par l’homme, constitue l’une des principales menaces qui pèsent sur les oiseaux migrateurs. « En Afrique, il y a un besoin pressant de renforcer les collaborations institutionnelles, afin d’améliorer le transfert de connaissances et de promouvoir une participation plus équitable à la recherche ornithologique », dit-il.
Image de bannière : Le héron cendré (Ardea cinerea) en chasse matinale. Cet échassier est répandu en Afrique et en Eurasie. Cet oiseau est migrateur sous les latitudes septentrionales, tandis qu’il devient sédentaire dans les zones tropicales. Île de Mahé, Anse Forbans, avril 2019. Image de Yulia Kolosova via Wikimédia Commons (CC BY 4.0).
Citations :
Liechti, F. (2009). « The natural link between Europe and Africa – 2.1 billion birds on migration », Oikos. Wiley Online Library. doi: 10.1111/j.1600-0706.2008. 17309.x
Morten, J. M., Buchanan, P., Egevang, C., Glissenaar, I., Maxwell, S. M., Parr, N. & Thurston, W. P. (2023). Global warming and arctic terns: estimating climate change impacts on the world’s longest migration. Global Change Biology, 29(19), 5596-5614. https://doi.org/10.1111/gcb.16891
La disparition inquiétante des oiseaux indigènes affecte la vie humaine en Afrique
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