- Les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint de nouveaux records, ce qui risque d'entraîner des hausses de température en Afrique centrale.
- Des températures extrêmes vont éventuellement avoir un impact néfaste, en réduisant notamment le potentiel de rendement et perturber les cycles de vie des plantes.
- Les forêts d’Afrique centrale, qui comprend principalement le bassin du Congo, séquestrent environ 40 gigatonnes de carbone, chaque année.
- L’adoption de bonnes pratiques donnant la priorité à la conservation, à la restauration et à la gestion durable des ressources, dans la sous-région, demeure un enjeu crucial.
Les forêts tropicales d’Afrique centrale, plus précisément dans le bassin du Congo, qui constituent pourtant le second plus grand massif forestier tropical du monde, figurent désormais parmi les régions les plus exposées aux températures en hausse progressive dans les prochaines décennies.
D’après une récente étude, publiée en avril 2025, par un groupe de scientifiques provenant de plusieurs institutions de recherche sur le climat au Royaume Uni, les pires scénarios à fortes émissions restent de plus en plus probables pour les forêts et les populations d’Afrique centrale, là où cette région reste concernée par une modification de la distribution des précipitations.
L’étude montre que des températures extrêmes, qui vont influencer l’intensité des précipitations en dans la sous-région, sont susceptibles de provoquer une augmentation de l’exposition de plusieurs certaines espèces d’arbres, à des épisodes de gel et de sécheresse, avec des conséquences négatives sur la santé des animaux et la reproduction des plantes.
Selon les pires scénarios énoncés dans cette étude publiée dans la revue Royal Meteorological Society, le réchauffement est encore plus rapide en Afrique centrale.
Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que, malgré les mesures en cours visant à atténuer ou à éviter les impacts du changement climatique ou à s’adapter à ses conséquences, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint de nouveaux records en 2023, ce qui risque d’entraîner à coup sûr des hausses de température au niveau de la sous-région.

En effet, les travaux des chercheurs ont montré qu’au niveau du bassin du Congo, des températures extrêmes vont éventuellement avoir un impact néfaste, en réduisant notamment le potentiel de rendement et perturber les cycles de vie des plantes.
« On observe une forte réduction des arbres fruitiers sauvages, ce qui impacte les animaux frugivores – éléphants de forêt, primates, oiseaux, etc. – ainsi que d’autres types d’arbres sur lesquels ils dispersent les graines », observe Dr Adam Higazi, co-auteur de l’étude et chercheur au Jardin botanique royal d’Édimbourg, au Royaume-Uni.
Les chercheurs ont généré de multiples simulations, sur les tendances des précipitations en Afrique centrale, en analysant plusieurs sources de données climatiques et d’autres revues scientifiques.
Leurs travaux se sont focalisés notamment sur la biodiversité dans les forêts du bassin du Congo, afin d’évaluer les risques climatiques sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers, sur cette large zone transfrontalière, qui s’étend sur quelques 240 millions d’hectares.
Toutefois, Dr Higazi, également chercheur au Jardin botanique royal d’Édimbourg au Royaume-Uni, souligne qu’il est encore tôt pour déterminer le taux de précipitations, pour chaque entité géographique, en Afrique centrale, en raison de plusieurs facteurs liés à la répartition de différents types de forêts pour chaque zone.
« Les conséquences du changement climatique [en Afrique centrale] vont certainement se manifester en fonction de la répartition des types de forêts pour chaque région indiquée », dit Dr Higazi à Mongabay.

Perte irréparable de la biodiversité
Par exemple, l’étude montre que la particularité offerte par le mont Cameroun (4 070 m d’altitude), dont les précipitations annuelles moyennes s’échelonnent autour de 4000 millimètres, est totalement différente de la situation qu’on observe au niveau des forêts situées dans des zones marécageuses de la Cuvette centrale qui ne reçoivent que moins de la moitié de ce volume.
« Le changement climatique en cours met ainsi en péril les ressources forestières et leur contribution attendue pour préserver la biodiversité en Afrique centrale », affirme Dr Higazi, pour qui la hausse des températures et les variations de précipitations observées auront des impacts sur tous ces types de forêts.
En ce qui concerne les scénarios de risques climatiques, notamment dans le bassin du Congo, Dr Higazi et son équipe craignent qu’avec le phénomène en cours de fragmentation forestière, la disparition de plusieurs espèces de plantes et d’animaux qui en découle entraîne ainsi une perte irréparable de la biodiversité.
La région d’Afrique centrale concernée par cette étude comprend plusieurs pays, notamment le Cameroun, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République du Congo, la République démocratique du Congo et l’Angola.
Le tout dernier rapport « État des Forêts (EDF) 2021 », publié par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), montrent que les forêts de la sous région de l’Afrique centrale, qui comprend principalement le bassin du Congo, séquestrent environ 40 gigatonnes de carbone chaque année, soit environ l’équivalent total des émissions annuelles de carbone produites par les êtres humains.
Selon ce rapport officiel, la déforestation dans la sous-région, principalement causée par l’agriculture extensive sur brûlis, l’exploitation forestière illégale, l’expansion des infrastructures et le développement de l’agro-industrie, met en péril la biodiversité régionale.
Selon les scientifiques, les forêts fragmentées en Afrique centrale sont plus exposées aux effets de la désertification et à la dégradation, car elles sont moins résilientes, ce qui les rend plus vulnérables face aux vagues de chaleur et autres phénomènes climatiques.
Une analyse climatique sur mesure a été réalisée dans quatre zones d’analyse spatiale nouvellement définies, et les chercheurs ont établi comme paramètre les données sur les précipitations.
Aux yeux des auteurs de cette étude, il semble évident que le nombre d’espèces végétales et animales dans une forêt diminue fortement à mesure que la taille de la forêt est réduite, perturbant l’écosystème.
C’est la première fois que des chercheurs tirent une sonnette d’alarme sur les risques de disparition de vastes zones forestières, dans le bassin du Congo, qui jouent pourtant un rôle mondial de tout premier ordre dans la séquestration du carbone, grâce à leurs écosystèmes.

Solutions créatives de reforestation
Les chercheurs ont observé plusieurs variables en tenant compte que les forêts du bassin du Congo sont à l’origine des précipitations, non seulement au niveau de la sous-région, mais également dans plusieurs parties à travers le continent, pour mieux lutter contre le réchauffement climatique.
Toutefois, l’étude souligne que si le changement climatique continue d’entraîner une baisse des précipitations dans la sous-région d’Afrique centrale, remplacer la forêt tropicale humide par une savane dans certaines régions, est le scénario le plus probable.
En République démocratique du Congo, certaines solutions, de reforestation cherchent actuellement à inspirer les initiatives locales en se demandant comment les projets de reforestation peuvent inverser la tendance actuelle vers les phénomènes de réchauffement climatique.
Jurgen Heytens Fajalobi, fondateur de « Faja Lobi », une ONG engagée dans des initiatives de reforestation et l’agroforesterie pour lutter contre le réchauffement climatique en République Démocratique du Congo, reconnait que des millions de personnes habitant le bassin du Congo dépendent des forêts pour leur subsistance.
« L’adoption de bonnes pratiques, donnant la priorité à la conservation, à la restauration et à la gestion durable des ressources dans la sous-région, demeure un enjeu crucial, qui doit être pris en compte par tous les acteurs », affirme-t-il au téléphone à Mongabay.
Toutefois, l’étude souligne que la meilleure approche pour faire face aux éventuels risques climatiques en Afrique centrale est de protéger la biodiversité et de préserver les forêts.
« La gestion durable des forêts est d’une importance cruciale pour faire face aux éventuelles menaces climatiques dans la sous-région », affirme Dr Higazi.
Image de bannière : Les experts proposent de protéger la biodiversité et de préserver les forêts pour faire face aux éventuels risques climatiques en Afrique centrale. Image de Ahtziri Gonzalez/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Citation :
Burgin, L., Amy, D., Higazi, A., Katy, R. and Calow, R. (2025). Insights on Climate Risks to the Central African Forest Ecosystems: An Interdisciplinary Review. Royal Meteorological Society (RMetS). Volume 4, Issue 1. https://doi.org/10.1002/cli2.70010
La chute progressive des réservoirs de carbone en Afrique requiert de reconstruire la biodiversité
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