- L’étude évalue les impacts socio-économiques (travail des enfants, travail forcé…) et écologiques (climat, eau, biodiversité), des principales filières d’importation agricoles vers la France. Elle est également une évaluation du potentiel d’impact des législations européennes sur la durabilité des filières d’importation.
- Le cacao, le soja, l’huile de palme, la vanille, le sucre de canne et le café, sont parmi ceux dont les impacts socio-économiques et écologiques sont les plus négatifs. Le cacao et le soja notamment ont un impact important sur le climat, d’importants taux de déforestation et de pollution des eaux. Six filières majeures (cacao, vanille, riz, huile de palme, sucre de canne, café) sont indexées pour des violations des droits humains : travail des enfants, travail forcé, salaires indécents.
- Greenpeace, Max Havelaar France et de l’Institut Veblen appellent les décideurs à, entre autres, appliquer rigoureusement les textes européens, notamment le Règlement sur la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE).
Selon une étude, des importations agricoles à destination de la France ont des impacts écologiques et socio-économiques non négligeables dans les pays de provenance, comme l’Afrique.
Cette étude commanditée par Greenpeace France, Max Havelaar France et l’Institut Veblen, a été réalisée par le Bureau d’analyse sociétale d’intérêt collectif (BASIC), une coopérative spécialisée dans l’analyse des impacts des modes de production et de consommation sur la société et l’environnement, basée à Paris en France.
Elle a évalué les impacts socio-économiques (travail des enfants, travail forcé…) et écologiques (climat, eau, biodiversité), des principales filières d’importation agricoles vers la France.
Il ressort de cette évaluation que le cacao, le soja, l’huile de palme, la vanille, le sucre de canne et le café sont parmi les cultures dont les impacts socio-économiques et écologiques sont les plus négatifs. Le rapport indique que « la filière cacao est la plus impactante du point de vue du climat ».

Le cacao est une culture produite, notamment en Afrique de l’Ouest, principalement en Côte d’Ivoire et au Ghana.
Selon Dr Durand Oboue, Coordonnateur national de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA-Côte d’Ivoire), la culture de cacao, est à la base de la déforestation en Côte d’Ivoire. Le pays, a-t-il dit à Mongabay, a perdu environ 90 % de sa couverture forestière depuis les années 1900 à 2021. « En 1960, le pays disposait encore d’environ 16 millions d’hectares de forêts. Mais le dernier inventaire forestier et faunique national (IFFN) a montré qu’en 2021, la couverture forestière nationale est désormais estimée à 2,9 millions d’hectares, ce qui représente environ 9,2 % du territoire. La majeure partie de ces forêts se trouvaient encore dans les forêts classées, les parcs nationaux et les réserves naturelles. En dehors de ces cadres, il est difficile de percevoir encore des forêts naturelles comme auparavant », dit Dr Oboue à Mongabay au téléphone.
« En termes d’émission des gaz à effet de serre, la culture du cacao et les autres utilisations des terres restent un secteur prioritaire au niveau de la Côte d’Ivoire. D’abord par la déforestation, ensuite par le transport des fèves à partir des plantations jusqu’au port de San-pédro et enfin le transport du port de San-pédro vers la France et le reste du monde entier. La cacaoculture est à la fois un moteur de la déforestation et une source de revenu financiers pour les populations qui la pratiquent », ajoute Dr Oboue.

La production du cacao est pratiquée par environ un million de planteurs et fait vivre six millions de personnes, soit environ 25 % de la population ivoirienne. Cette culture est vitale pour les populations et pour l’économie du pays. Elle représente 10 % du Produit intérieur brut (PIB).
Toutefois, Dr Oboue pense que la richesse produite par le cacao n’est pas suffisamment profitable aux planteurs et aux régions productrices, même s’il reconnaît que des efforts sont aussi fournis pour assurer la durabilité de la filière cacao, à travers la mise en place de nouvelles variétés hybrides résistantes aux perturbations climatiques et à la déforestation, et la promotion de l’agroforesterie pour limiter la déforestation.
Des filières agricoles posent également des problèmes pour assurer un niveau de vie décent aux agriculteurs et aux travailleurs. L’étude du BASIC indexe, entre autres, les filières vanille, huile de palme et sucre de canne. « Au sein de la filière vanille, les travailleurs ne perçoivent que 40 % de la somme qui leur serait nécessaire pour atteindre un niveau de vie décent. Cette valeur a été calculée pour un pays de production, Madagascar, qui représente 84 % du total des importations à destination de la France », indique l’étude.

La vanille est principalement cultivée à Madagascar. « Les acteurs de la filière vanille se regroupent de manière inclusive et participative au sein du Conseil national de la vanille. Des mesures de protection et d’amélioration de la filière ont été appliquées par le gouvernement, telles que le contrôle de qualité relatif au taux de vanilline et à l’humidité avant toute exportation. Par contre, ces mesures n’avaient pas d’impacts positifs au niveau des producteurs et travailleurs de la filière. Le constat est que le prix des vanilles vertes au niveau des producteurs et des vanilles travaillées au niveau des transformateurs n’a cessé de dégringoler depuis un peu plus de cinq ans », affirme à Mongabay au téléphone, Professeur Ramanankierana Heriniaina, Directeur de recherches au Centre national de recherches sur l’Environnement.
« Les impacts écologiques de la production de vanille concernent surtout l’augmentation des zones de culture (via la déforestation) qui est souvent pratiquée pour obtenir des surfaces de culture sous-bois (sous forme d’agroforesterie) ; la surexploitation de certaines espèces de bois utilisées comme tuteurs et la non maîtrise des techniques d’association culturale ou culture en intercalaire », dit Pr Ramanankierana, qui n’a pas participé à l’étude. « Ces trois points, si on n’arrive pas à les maitriser, constitueront des menaces, non seulement pour la biodiversité végétale, mais aussi pour la biodiversité microbienne du sol », ajoute-t-il.
L’étude relève d’autres cas de précarité dans la filière tomate au Maroc, où la culture sous serre pèse sur les ressources en eau et les écosystèmes locaux. Il en est de même dans la filière avocat (Kenya et Pérou). « Les principales commodités africaines liées à la déforestation importée sont le cacao (Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun), le café (Éthiopie, Ouganda), l’huile de palme (Nigeria, Ghana) et la noix de cajou (Côte d’Ivoire, Bénin) », dit Jules Montané, Chargé des relations médias chez Max Havelaar France, dans un courriel à Mongabay.

Assurer l’application des règlements de l’Union européenne
En dehors de l’analyse des impacts des principales filières d’importation françaises, l’étude a également fait une évaluation du potentiel d’impact des législations européennes sur la durabilité des filières d’importation, notamment le Règlement sur la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE). À ce niveau, Dr Oboue pense que suivant les directives de l’UE, « d’ici à 2030, si des efforts considérables ne sont pas fournis, le cacao ivoirien risque d’être placé sous embargo », et le pays et les cultivateurs risquent de payer un lourd tribut face à cette tendance de déforestation si elle n’est pas corrigée.
Montané liste trois conditions indispensables pour que les textes européens aient un impact réel sur le terrain à savoir des mécanismes de traçabilité robustes, un dialogue avec les producteurs et un appui technique et financier. Selon Montané, « les textes européens doivent s’accompagner d’un dialogue équitable avec les coopératives et les structures agricoles locales, afin de garantir leur mise en œuvre sans exclusion injuste du marché ».
Il ajoute que « sans financement de la transition, ces textes risquent d’être perçus comme des barrières commerciales. L’Europe doit investir dans l’accompagnement des producteurs africains, notamment en matière de traçabilité, de digitalisation et d’agroforesterie ».
Mais toute la charge ne doit pas peser sur les producteurs. « La responsabilité ne peut pas reposer uniquement sur le terrain. Il faut un partage équitable des efforts, depuis les multinationales jusqu’aux consommateurs européens. Les règlements européens peuvent être des leviers de transformation. Mais ils ne seront efficaces que s’ils s’accompagnent d’un soutien réel aux producteurs africains, d’un dialogue de terrain et d’une exigence vis-à-vis des entreprises européennes », conclut Montané.
Image de bannière : La cacaoculteurs sont appelés à se tourner davantage vers l’agroforesterie pour limiter la déforestation. Image de J. Campos, Presidency of East Timor via Wikimédia Commons.
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