- Le gouvernement intérimaire du Bengladesh a décidé de remettre, à Madagascar, un lémur catta mâle, rescapé du vol dans un parc dans ce pays asiatique.
- Son rapatriement doit se conformer aux règles édictées par une convention internationale.
- L’espèce de lémurien en question est parmi les 25 primates les plus menacés au monde.
- En mars dernier, deux bébés makis jumeaux sont nés dans un zoo américain.
ANTANANARIVO, Madagascar — Même un seul individu d’une espèce menacée d’extinction est au cœur d’une coopération bilatérale dans le contexte mondial de perte de biodiversité accélérée. Tel est le cas actuellement entre le Bengladesh et Madagascar.
Sous l’impulsion de son Premier ministre, le lauréat du Prix Nobel de la paix, en 2006, Muhammad Yunus, le gouvernement intérimaire de ce pays asiatique a informé les autorités malgaches de son intention de restituer, à son pays d’origine, un maki mococo ou maki catta (Lemur catta Linnaeus) mâle âgé de 6 ans, en captivité sur le sol bangladeshi.
À ce propos, Ahmad Rubaiya, fondateur et président de l’organisation à but non lucratif Bangladesh Animal Welfare Foundation, a écrit au président du Groupe d’étude et de recherche sur les primates de Madagascar (GERP), l’éminent primatologue Jonah Ratsimbazafy, le 21 avril dernier. Des chercheurs de l’université d’Antananarivo travaillant sur les lemurs ont aussi reçu le même message.
Au cours de la dernière semaine de mars, trois makis ont été volés au Parc national de Bhawal à Gazipur, situé à 40 kilomètres au nord de la ville de Dhaka et sous l’autorité du ministère bangladeshi de l’Environnement, des Forêts et du Changement climatique. Un seul du trio subtilisé a pu être récupéré. Les responsables du parc, en concertation avec le ministère de tutelle, ont alors jugé opportun de le retourner à son pays d’origine, en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
« Je vous écris en espérant que votre organisation est en mesure de le recevoir, de s’occuper de lui et de lui fournir les soins dont il aura besoin quand il sera de nouveau chez lui », a dit Rubaiya à Ratsimbazafy, qui a, sur-le-champ, mis au courant le ministère de l’Environnement et du Développement durable.
Une fois le contact établi, Antananarivo et Dhaka se sont échangé des informations pratiques sur la démarche à suivre. Les deux ministres chargés de l’environnement ont eu des discussions en ligne. « J’apprécie et je loue le plus la bonne foi de Bengladesh », a dit à Mongabay Ratsimbazafy.
Par respect des clauses de la Convention, une procédure stricte doit être observée pour le cas de figure. « Le pays destinataire [Madagascar] doit sortir un permis d’importation et vice versa. Les espèces à rapatrier sont en situation irrégulière si elles ne font pas l’objet de documents valables », explique Eric José Robsomanitrandrasana, point focal de la CITES à Madagascar.

La Convention concerne plus particulièrement les espèces vivantes, car celles-ci ont toute leur importance dans les efforts de conservation. Les deux pays doivent ainsi se mettre d’accord sur la modalité de rapatriement avec la question logistique mise sur la table.
Dans sa correspondance, Rubaiya a dit que les autorités intérimaires de Bengladesh s’engagent à faire le nécessaire pour faciliter le transfert du lémurien malgache à Antananarivo. « Parallèlement à un tel accord, le pays qui a confisqué nos espèces doit ouvrir une enquête, selon sa propre loi, pour identifier les éventuels trafiquants », a dit à Mongabay Robsomanitrandrasana.
En principe, l’auteur ou les auteurs de l’infraction doivent supporter les frais de rapatriement. Le cas échéant, l’assistance des partenaires du domaine de laconservation est sollicitée, l’opération étant onéreuse. Les lémuriens en captivité au Bengladesh ont été confisqués, en 2018, à l’aéroport international de Dhaka, le pays étant un important hub du trafic des espèces sauvages.
L’an passé, la confiscation en Thaïlande de plus d’un millier d’animaux sauvages clandestinement exportés de la Grande île, dont seize makis, suivie de leur retour définitif à leur pays d’origine, a créé moult débats. Il a même fallu, à l’époque, la venue, dans la capitale malgache, d’une délégation judicaire thaïe conduite par un procureur d’investigation spéciale.
Les Bangladeshis ignorent que les lémuriens viennent de Madagascar
Selon des explications, le pays qui détient les espèces, avec l’avis de l’autorité scientifique désignée, décide de leur placement dans des centres de sauvegarde ou des parcs dans le cas où le rapatriement s’avère impossible. « Pour le maki catta au Bengladesh, son retour au pays est déjà accordé », a affirmé le point focal. Mais cela ne veut pas dire que l’opération va de soi.
L’animal qui rentrera au pays sera obligatoirement accompagné d’un certificat sanitaire pour prévenir des contaminations éventuelles des animaux sains. À son arrivée, il sera mis en quarantaine. « Sa réintroduction dans la nature ou non sera précédée d’une décision scientifique prise en aval. Ceci doit se conformer à un canevas de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) », a précisé l’informateur.

La majorité des Bangladeshis ignorent que les lémuriens viennent de Madagascar, d’après Shariar Caesar Rahman, président de la Creative Conservation Alliance, une ONG bangladeshie dédiée à la préservation écologique et culturelle. Contacté sur WhatsApp, il a dit : « Je ne suis pas impliqué dans le processus de rapatriement. Mais je comprends la position du gouvernement intérimaire. Par le passé, des espèces sauvages confisquées étaient mortes dans le parc et aucune tentative de rapatriement n’avait été entreprise. La présente initiative serait un bon exemple ».
Le maki est une espèce de lémuriens parmi les plus étudiées. Ceux-ci sont à 100 % endémiques de Madagascar, qui abrite 20 % de la faune primate mondiale. Près de 95 % des lémuriens sont aujourd’hui menacés. Le maki figurait en 2016-2018 parmi les 25 primates les plus menacés au monde. Ce statut n’a pas beaucoup changé au fil des ans, d’où sa mise en Annexe I de la CITES. La survie des espèces dans cette catégorie est la plus compromise.
Le mammifère est de loin le plus terrestre de tous les lémuriens. Il vit dans les forêts tropicales sèches et la forêt du Sud et du Sud-Ouest de Madagascar. Malgré les mesures de protection, des trafiquants en puissance écument les écosystèmes des régions, qui s’y trouvent, en extrayant jusque dans des aires protégées des animaux sauvages. À cause de la perte d’habitat naturel et de la chasse notamment, le nombre de makis dans la nature est estimé à moins de 2 000 à ce jour.
Selon les auteurs du volumineux ouvrage intitulé Lémuriens de Madagascar (Edition 2014), le maki est un lémurien relativement de grande taille et facilement reconnaissable à sa queue annelée noire et blanche. Sa longueur tête-corps est de 39 à 46 centimètres, sa queue mesurant 56 à 63 cm. Sa longueur totale, de la tête à la pointe de la queue, fait 95 à 110 cm pour un poids total de 2,2 kilos.
Entre autres, le Naples Zoo at Caribbean Garden, en Floride, aux Etats-Unis, contribue activement à la conservation du lémur catta sur la Grande île, depuis trois décennies environ. Dans ce zoo et jardin botanique américain, une femelle adulte a, le 25 mars dernier, donné naissance à deux bébés makis jumeaux nommés Rano (Eau) et Afo (Feu).
Image de bannière : Le pauvre maki en captivité rescapé d’un vol au Bangladesh attend son rapatriement à Madagascar. Image fournie par Rubaiya Ahmad.
Citations :
LaFleur, M., Clarke, T., Ratsimbazafy, J.H., & Reuter, K. (2017). Ring-Tailed Lemur (Lemur catta) (Linnaeus 1758). In: Primates in Peril: The World’s 25 Most Endangered Primates 2016-2018. Schwitzer, C., Mittermeier, R.A., Rylands, A.B., Chiozza, F., Williamson, E.A., Macfie, E.J., Wallis, J., & Cotton, A. (Eds). IUCN SSC/Primate Specialist Group (PGS), International Primatological Society (IPS), Conservation International (CI), Bristol Zoological Society (BZS). pp: 35-37.
Russel A. Mittermeir, Edward E. Louis Jr., Olivier Langrand, Christoph Schwitzer, Claude-Anne Gautier, Anthony B. Rylands, Serge Rajaobelina, Jonah Ratsimbazafy, Rodin Rasoloarison, Frank Hawkins, Christian Roos, Matthew Richardson, Peter M. Kappeler (2014). Lémuriens de Madagascar. Publications scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris ; Conservation International, Arlington, VA, USA.
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