- Les arbres poussant dans les cours d’école des deux plus grandes villes du Niger aident à rafraîchir les classes et à illustrer la valeur des forêts urbaines.
- Une étude des espaces verts dans 60 écoles à Niamey et à Maradi a conclu que la présence d’arbres dans les écoles aide à atténuer les chaleurs extrêmes, est source de nourriture et de revenus et favorise l’apprentissage.
- Les cours d’école sont une forme de zone protégée au sein des villes et les auteurs de l’étude encouragent les autorités municipales et éducatives à intégrer la foresterie urbaine dans les projets d’infrastructure scolaire.
JOHANNESBOURG — Une matière inattendue se retrouve au programme des écoles nigériennes : les arbres. La valeur de la foresterie urbaine gagne de plus en plus de reconnaissance, alors que les autorités municipales de ce pays du Sahel s’efforcent de s’adapter aux chaleurs extrêmes, entre autres effets du changement climatique.
« C’est vraiment une opportunité pour combattre le changement climatique et la pauvreté au niveau de l’établissement. Et en même temps éduquer les élèves, les leaders de demain, pour comprendre l’importance des arbres dans les villes », explique à Mongabay Moussa Soulé, professeur à l’université Dan Dicko Dankoulodo de Maradi, la deuxième plus grande ville du Niger. Soulé, dont les travaux se concentrent sur le changement climatique et l’usage des terres, a mené plusieurs études sur les arbres à Maradi et dans la capitale, Niamey, dont une sur l’environnement écologique dans les cours d’école.
D’après ses résultats, la présence d’arbres dans les écoles a une multitude d’effets positifs sur les élèves, dont l’amélioration de la qualité de l’air et de l’éducation et la régulation des microclimats. Les zones ombragées, sous les arbres, peuvent également être utilisées pour faire cours, en particulier dans les établissements surchargés ou manquant de ressources.
« Et on s’est dit on va aller voir quelle est la fonction de cette forêt dans les espaces scolaires et l’importance de cette forêt pour nous, c’est de casser la chaleur pour les élèves, parce qu’il y a le changement climatique qui est en train d’impacter la qualité de l’éducation », raconte Soulé.
Le Sahel s’étend à travers l’Afrique de l’Ouest, du Sénégal et de la Gambie à la République centrafricaine. Cette région, constituée d’un mélange de prairies, de forêts sèches et de zones désertiques, est caractérisée par des températures élevées et une saison sèche longue et intense. Ces dernières années, le Niger, qui se trouve au cœur du Sahel, a subi des canicules fréquentes et soutenues avec des températures dépassant parfois les 45 °C.
D’après la recherche, la présence d’arbres dans les villes améliore la qualité de vie en régulant la température, en réduisant la pollution de l’air et en favorisant la santé publique. Une couverture végétale plus importante a été associée à des taux de mortalité plus faibles et à un plus grand bien-être général. Elle peut également contribuer à de meilleures performances académiques chez les étudiants.
La foresterie urbaine a été reconnue comme étant un outil efficace pour atténuer les effets du réchauffement climatique dans les villes africaines, où l’urbanisation rapide a exercé une pression accrue sur les espaces verts restants.

Dans le cadre de ses travaux, Soulé a évalué la biodiversité et le potentiel de séquestration du carbone des arbres poussant dans les cours d’école urbaines à Niamey et à Maradi. Il a ainsi recensé un total de 62 espèces ligneuses appartenant à 31 familles à travers 60 établissements scolaires. Environ 40 % d’entre elles étaient des arbres fruitiers. Les margousiers (Azadirachta indica) représentaient toutefois près de deux tiers des arbres catalogués.
Originaire d’Inde, le margousier a été introduit au Niger dans les années 1960, afin de lutter contre la désertification grandissante. Très populaire en foresterie urbaine à travers le monde, cette espèce à croissance rapide, est adaptée aux sécheresses et fournit de l’ombre.
Mais Soulé ne s’est pas uniquement intéressé à la diversité et à l’abondance d’arbres, il s’est également penché sur la sensibilisation des élèves aux arbres et à la biodiversité locale. Il a constaté que beaucoup d’entre eux ne connaissaient pas grand-chose aux arbres et aux animaux. Selon lui, cela peut s’expliquer par le fait que les établissements n’ont pas encore intégré les élèves dans la plantation d’arbres, ni utilisé les espaces verts des cours d’école comme outils d’éducation botanique.
L’école Décroly, à Niamey, qui utilise une approche éducative alternative centrée sur l’enfant, a intégré les arbres à son programme. L’école introduit donc des concepts tels que le compostage, la santé du sol et l’entretien des arbres auprès de ses élèves. Le but est de cultiver des connaissances écologiques et une connexion plus profonde à l’environnement, explique Hama Ramatou, la fondatrice de l’établissement :
« On parle de la plante, on parle du sol, de comment préparer un compost, comment entretenir un arbre tout ça, ça fait partie du programme d’éducation ».
Pour elle, les arbres dans les cours d’école sont également un moyen de rendre l’enseignement plus pratique. « Je vous dis les enfants sont très intéressés, et il y en a qui préfèrent même ces pratiques que la théorie en classe. Et il faut enseigner les deux, théorie et pratique ».
Au-delà de permettre une meilleure éducation « verte », les espaces verts dans les écoles peuvent également aider à compléter l’alimentation des élèves et servir de sources de revenus ou de matériaux de construction pour les établissements.
En saison, les arbres fruitiers comme le manguier, le goyavier ou le moringa apportent un supplément nutritif bienvenu aux repas scolaires.
« Je pense que les arbres dans les écoles représente beaucoup de choses pour les étudiants. Premièrement, ce sont des arbres fruitiers, qui permettent aux étudiants d’en profiter, si on prend les mangues, ça permet de les manger. C’est un avantage. Deuxièmement, les étudiants peuvent s’asseoir au-dessous de ces arbres pour se reposer quand ils n’ont pas de cours », affirme Almoustapha Souley Bilali, un étudiant de l’École supérieure des sciences de la communication et des médias.
L’expansion urbaine est souvent en conflit direct avec la création et l’entretien de forêts dans les villes. Soulé a ainsi identifié les écoles comme des lieux stratégiques pour favoriser la protection et le développement du couvert végétal dans les villes du pays.
« C’est [dans les cours d’école] où on trouve un grand espace dans l’environnement urbain. On est en train de comprendre qu’il y a une végétation qui est en train de revenir parce qu’il y a ça, il y a cette protection, il y a le management, la gestion, parce que leurs arbres sont toujours arrosés, ils sont toujours avec les élèves et tout ça ».
Il recommande que toutes les écoles intègrent la plantation d’arbres dans leur planification environnementale et d’infrastructure, et que les élèves participent activement à leur plantation et à leur entretien.
Ainsi, les écoles nigériennes pourraient devenir des foyers de restauration écologique et de résilience, capables de faire face aux pressions croissantes de l’urbanisation. « Il faut penser à comment nous nous protégeons contre la désertification. Pour arrêter la désertification, nous devons penser à planter », affirme Ramatou.
La directrice de l’école Décroly a expliqué que les élèves avaient encore besoin de mieux comprendre le rôle essentiel des arbres et les avantages qu’ils offrent : procurer de l’ombre, purifier l’air, fournir de la nourriture. « Notre pays est un pays désertique, donc les arbres ont vraiment une grande valeur pour protéger nos sols ».
Brah Souleymane a contribué à la rédaction de cet article depuis Niamey. Il est membre du Réseau Africain des Journalistes Environnementaux Francophones (RAJEF), créé par les lauréats de la bourse en journalisme environnemental de Mongabay Afrique.
Image de bannière : Des enfants sur le chemin de l’école à Niamey, au Niger (2013). Image de Gus-tave Deghilage via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Cet article a été publié initialement ici en anglais le 26 mai, 2025.