- Le 2 mai 2025, la République démocratique du Congo et le Rwanda devraient présenter un accord qu’ils se sont engagés à rédiger en guise de la paix à leurs frontières.
- La déclaration préliminaire conjointe effectuée à Washington fin avril prévoie notamment une coopération économique entre les deux pays.
- Mais au Congo où l’armée rwandaise soutient le groupe armé 23, la méfiance s’installe.
L’idée d’une coopération économique avec le Rwanda sur les minerais 3T (tantale, tungstène et étain), n’est pas du goût de plusieurs personnes en RDC. 43 intellectuels parmi lesquels figure le Prix Nobel de la paix, Dr Denis Mukwege, mettent en garde le président Félix Tshisekedi contre un accord qui consacrera « le pillage », selon eux, des ressources naturelles du pays.
Dans une lettre ouverte, publiée le 30 avril 2025, les signataires interpellent Félix Tshisekedi : « Nous vous exhortons, Monsieur le Président, à ne pas brader nos ressources, et celles des générations futures au régime de Kigali dans le cadre de l’intégration économique régionale en gestation promue sous l’égide du parrain américain ».
Ces personnalités réagissent ainsi à la Déclaration de principes en vue d’un accord avec le Rwanda, signée à Washington, le 25 avril dernier. Les deux pays ont convenu de développer un cadre d’intégration économique avec une promesse d’investissements du secteur privé américain, et en toile de fond les minerais 3T.
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À l’annonce de cette déclaration, la ministre congolaise des affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba, a insisté sur le fait que la paix « doit être poursuivie selon une séquence rigoureuse : sécurité d’abord, confiance ensuite, et coopération en dernier ressort ».

Une « transaction » américaine et rwandaise de la paix au Congo ?
Pour les auteurs de la lettre à Tshisekedi, cette précision de la ministre ne suffit pas. Ils l’invitent à éviter des arrangements de nature à « sacrifier les minerais congolais », de peur d’être accusé de haute trahison et de pillage des ressources naturelles ; une infraction punie de réclusion à perpétuité par la loi congolaise.
L’enjeu de cette démarche citoyenne est la transparence, selon le juriste et défenseur des droits humains, Jean-Claude Katende, l’un des 43 signataires de la lettre. Pour ce dernier, Kinshasa n’a pas la meilleure connaissance géologique des gisements miniers qui font l’objet de « transactions » au nom de la paix.
« Dans une négociation où vous ne maîtrisez pas ce que vous voulez donner à l’autre partie, il est clair que c’est la partie ayant les moyens financiers, la capacité d’imposer la paix et la sécurité dans votre pays, qui va faire en sorte que la transaction se tourne à son avantage », dit Katende.
Quant à son compatriote Alphonse Maindo et défenseur des droits humains, il exige la levée de toute opacité. « Pourquoi le Congo devrait-il partager ses ressources naturelles avec d’autres pays ? En l’occurrence ici le Rwanda. Et les autres pays, pourquoi eux ne partageraient-ils pas leurs ressources avec nous ? Le Congo ne devrait pas être le premier pays au monde à devoir partager ses ressources avec d’autres pays. C’est au nom de quel principe ? ».

Ne pas oublier les préjudices subis au Congo
Les auteurs de la lettre ouverte suggèrent d’« inclure la justice transitionnelle dans tous les efforts déployés pour restaurer et consolider la paix, faciliter des consultations nationales impliquant toutes les forces vives de la Nation, y compris les élus de l’Assemblée nationale », cela, avant de s’engager « au nom du peuple congolais, et à défendre exclusivement les intérêts du peuple congolais souverain ».
Pour Martin Ziakwau, docteur en Relations internationales et chercheur sur les dynamiques sécuritaires dans l’Est de la RDC, interrogé par le média congolais Actualite.cd, il faut se demander désormais « si la RDC, tant d’en haut que d’en bas, est prête à vite tourner la page sur les souffrances des victimes des violences armées dans l’Est du pays, afin de s’engager dans un accord de principes dépourvu de garanties préalables concernant la sécurité de l’État. Nous comptons beaucoup sur nos négociateurs à cet effet », a-t-il déclaré.
La paix durable, selon les auteurs de la lettre ouverte, peut impliquer une meilleure gouvernance des parcs nationaux et des ressources naturelles, dont regorge le Congo. Mais, c’est à condition qu’ils profitent aux Congolais, disent-ils.
Image de bannière : Mine de Coltan de Luwowo près de Rubaya, Nord-Kivu en RDC. Image de MONUSCO/Sylvain Liechti via Flickr (CC BY-SA 2.0).
La RDC entre espoir de la paix et menace sur les aires protégées
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