- Un récent classement présente Cotonou comme la ville la plus propre dans la sous-région ouest-africaine.
- Pour parvenir à ce résultat, plusieurs actions ont été menées par différentes structures étatiques et non étatiques. Grâce à une organisation, des centaines de tonnes de déchets sont régulièrement enlevés des artères et maisons de la ville.
- Seulement, l’annonce du paiement des prestations de la société créée pour jouer ce rôle est diversement appréciée.
En décembre 2024, le magazine panafricain Jeune Afrique a classé Cotonou comme la sixième ville la plus propre sur le continent derrière Kigali, Rabat, Alexandrie, Gaborone et Le Cap, puis la première dans la région ouest-africaine.
Selon le classement, 2 000 personnes ont été interrogées pour exprimer leur perception de l’état de saleté dans 30 pays. Un total de 26 indicateurs répartis dans cinq catégories, que sont la qualité de vie, les infrastructures et le logement, l’entreprise, l’emploi et les services essentiels, a été présenté à l’échantillon identifié.
Cette reconnaissance passe aux oubliettes les longues années, où la capitale économique du Bénin, était réputée pour son niveau élevé de saleté, d’inondations récurrentes et de voies dégradées. Ce qui lui a valu l’appellation « Cototrou », au milieu des années 90.
Pour en arriver à cette toilette, il aura fallu les actions combinées du gouvernement à travers le ministère du Cadre de vie et des transports, chargé du développement durable et ses structures déconcentrées et des projets et programmes, ainsi que la partition de la mairie de Cotonou et des populations de la ville.
Dans sa stratégie, le Secrétaire général adjoint et porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, explique, lors d’un point de presse, que depuis l’avènement du régime du président Patrice Talon, l’accent a été mis sur la diversification des sources de financements des projets. Cette stratégie, selon lui, a été marquée particulièrement par une présence plus accrue sur le marché financier.
De la même manière, une importance capitale a été accordée à l’assainissement des finances publiques, d’après Houngbédji. Ce qui a facilité la mobilisation des ressources.
À en croire le porte-parole du gouvernement, les ressources financières mobilisées, sont investies dans la réalisation des grands travaux dans les différentes villes, notamment à Cotonou. En témoignent l’avenue de la Marina toute embellie et les nombreuses rues asphaltées.
À la manœuvre, la Société de gestion des déchets et de la salubrité (SGDS), joue un rôle central dans l’atteinte de cet objectif de propreté de la capitale économique.

Principal acteur
La SGDS, bras opérationnel du gouvernement en matière de gestion de la propreté de six villes, a joué un rôle central dans l’assainissement de Cotonou. La quantité de déchets collectés à Cotonou en 2024 illustre l’ampleur des efforts consentis pour améliorer la salubrité urbaine. La SGDS a collecté, au cours de l’année dernière, une moyenne mensuelle de 14 091,07 tonnes de déchets solides ménagers.
Par ailleurs, ce sont près de 39 491 283 mètres carrés de rues revêtues et d’espaces publics qui ont été balayés, désherbés et piquetés. En matière d’assainissement pluvial, 59 196,98 mètres linéaires d’ouvrages ont été curés et 40 201,21 mètres linéaires régulièrement entretenus.
À travers son dispositif, la SGDS a réorganisé la collecte et le traitement des ordures ménagères, mis en œuvre un programme intensif de propreté urbaine, notamment le balayage, le désherbage et le curage des caniveaux. Elle a aussi mené des campagnes de sensibilisation citoyenne. « Cette action coordonnée, en partenariat avec les communes et les services déconcentrés de l’État, a permis d’améliorer durablement le cadre de vie. Le classement de Cotonou comme ville la plus propre d’Afrique de l’Ouest est pour nous un encouragement et la preuve qu’il faut poursuivre dans cette dynamique », explique Gilles Amoussou, directeur général de la SGDS.
Il indique dans son courriel à Mongabay que le véritable déclencheur du changement à Cotonou a été la volonté politique affichée par le gouvernement. C’est cette impulsion qui a permis de repenser en profondeur la gestion des déchets et de la salubrité urbaine, tout en rendant possible la réalisation d’infrastructures modernes.
Elle a également favorisé une collaboration étroite entre la SGDS et les autorités municipales, ainsi que l’adhésion progressive des citoyens à travers des actions de sensibilisation. L’ensemble de ces efforts, a permis de transformer durablement le visage de la ville.
Dans la pratique, l’organisation du travail d’assainissement repose sur une approche articulée autour de plusieurs services spécialisés. On retrouve un service chargé de la gestion des déchets solides ménagers, un autre dédié à la salubrité urbaine, qui englobe le nettoyage des rues, des espaces publics, ainsi que le curage et l’entretien des ouvrages d’assainissement.
Un service est également en charge de la gestion des eaux usées et des boues de vidange, tandis que d’autres services assurent la gestion du matériel, de la logistique et des infrastructures.
La SGDS collabore étroitement avec des entreprises privées, notamment des Petites et moyennes entreprises sous contrat, qui interviennent sur le terrain pour les opérations de précollecte et de salubrité.
Elle assure elle-même la collecte des déchets, le contrôle global du dispositif et une supervision quotidienne des prestations, afin de garantir la qualité du service rendu aux populations.
En complément, des équipes mobiles mènent des actions de sensibilisation pour encourager les bonnes pratiques en matière d’hygiène et de gestion des déchets.

Pérenniser les acquis
Selon Dr Rosaire Attolou, directeur départemental du Cadre de vie et des Transports, chargé du développement durable du Littoral, « en matière d’écocitoyenneté, le ministère est désormais dans l’approche Information-Promotion-Sanction (IPS).
Concernant le « I », nous informons, nous communiquons et nous sensibilisons ». Dans cette dynamique, poursuit-il, les enfants ont été ciblés, car jugés plus réceptifs. Il explique qu’il s’agit donc de voir comment intégrer des curricula de l’environnement au niveau des programmes de nos écoles. « La SGDS a déjà démarré cet exercice et nous voulons que cela s’étende à d’autres écoles », dit Attolou, à Mongabay.
« Le P, c’est la promotion. Pendant longtemps nous avons dénoncé les mauvais comportements des citoyens face à l’environnement. Mais désormais, il est aussi utile de promouvoir et de célébrer ceux qui font bien, les présentant ainsi comme des modèles », ajoute Dr Attolou.
Enfin, il définit le S comme sanction. « La sanction, c’est que nous faisons au quotidien ».
La société civile est aussi engagée dans le maintien des acquis. Félix Adégnika, rudologue, environnementaliste, membre du Cadre des acteurs non étatiques des secteurs de l’eau et de l’assainissement, un regroupement d’ONG locales, créé en novembre 2011, tout en exprimant des résultats obtenus, appelle à mettre davantage l’accent sur la sensibilisation. « C’est une fierté de constater l’état de la propreté de la ville de Cotonou. Fort de mes expériences à travers les différentes tournées dans plusieurs villes africaines, il est évident que Cotonou fait partie des plus propres. Il est nécessaire que chacun contribue à ce que cette propreté soit maintenue. Pour ce faire, il faudrait que les populations aient l’information à travers des sensibilisations », dit-il.
Pour sa part, Roland Amoussou, volontaire pour l’environnement et responsable de l’opération « Bon citoyen », une vaste opération de sensibilisation des populations, qui s’est déroulée il y a quelques années, invite à accentuer la collaboration avec les organisations de la société civile engagées dans la protection de l’environnement. « Nous avons fait un grand pas dans l’assainissement de Cotonou et d’autres villes. Grâce à nos actions, nous avons pu sensibiliser les communautés pour qu’elles contribuent à la propreté de l’environnement. Il faudrait encourager les associations de volontariat et appuyer leurs actions qui impactent directement les populations », dit le jeune volontaire, au micro de Mongabay.

Contribution de tous
Le maintien de la propreté de Cotonou ne se fera pas sans la contribution des citoyens de la ville. Si depuis la création de la SGDS en 2018, l’enlèvement des ordures dans les maisons est gratuit, le gouvernement a décidé désormais de rendre cette opération payante.
Selon l’article premier de l’arrêté interministériel 2024-2433/MCVT/MEF/MDGL/DC/SGM/DGI/SGDS/SA du 20 septembre 2024 portant tarifs, modalités de recouvrement et affectation de la redevance d’enlèvement des déchets, « les bénéficiaires des prestations d’enlèvement et de traitement des déchets solides ménagers s’acquittent d’une contribution financière auprès de la Société de gestion des déchets et de la salubrité, sous forme de redevance, dont les montants et les modalités de recouvrement sont déterminés… ».
Ces redevances sont fixées selon les prestations reçues par les propriétaires des maisons, le niveau d’aménagement de la zone et du type de biens immobiliers et propriétés bâties. Les montants des factures varient ainsi de 3000 francs CFA (5,22 USD) à 30 000 francs CFA (52,17 USD). Mais des contrats spécifiques sont réservés aux entreprises industrielles, celles à forte production de déchets et les propriétés bâties générant une grande quantité de déchets.
Si les populations ne cessent de se réjouir de la propreté de la ville, l’annonce du paiement de l’enlèvement des déchets ménagers fait un peu grincer les dents. « Nous sommes très contents de l’aménagement actuel de la ville. Elle est plus vivable et honore les résidents. Nous aurions voulu que la gratuité perdure, mais nous devrons faire face aux dépenses qui y sont liées, puisque cela participe à la propreté de notre environnement », dit Nancy Guèguèzo, juriste dans une institution à Cotonou.
Cécil Guèdègbé, enseignant et résident à Cotonou, n’est pas du même avis. Pour lui, c’est le devoir régalien de l’État de collecter les ordures devant les maisons pour la destination finale. Elle désapprouve donc le paiement imposé par le gouvernement.
Mais, quels qu’en soient ses sentiments, la mesure est entrée en vigueur depuis janvier dernier et les premières factures sont déjà parvenues à leurs destinataires.
Image de bannière : L’avenue de la Marina à Cotonou, récemment réhabilitée, s’impose par sa verdure et sa propreté. Image de Joël C. Tokponou pour Mongabay.
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