- Chaque année, à partir du mois de mars, le Niger subit des vagues de chaleurs intenses. Des températures, pouvant atteindre 43°C en journée, influant sur les écosystèmes du pays, notamment sur l’habitat des dernières girafes de l’Afrique de l’Ouest, dans la zone de Kouré, une commune rurale située à 60 kilomètres, à l’Est de Niamey.
- La chaleur intense entraîne un dessèchement accéléré des cours d’eau et une raréfaction de la végétation, poussant les girafes peralta à migrer vers d’autres zones.
- Si certaines girafes parviennent à recoloniser d’anciens habitats, d’autres s’aventurent dans des régions hostiles, où elles sont menacées par la chasse, les activités humaines et l’insécurité.
- La translocation de girafes vers de nouvelles réserves et la restauration de leur habitat sont des initiatives en cours, mais insuffisantes face aux aléas du climat.
Depuis le début du mois de mars 2025, le Niger est entré dans sa saison habituelle de forte chaleur, avec des températures oscillantes entre 28°C la nuit et 43°C en journée. Selon des données recueillies sur le site officiel de la Direction de la météorologie nationale, cette période devrait se prolonger jusqu’en mai. Toutefois, les températures enregistrées déjà dépassent les moyennes saisonnières habituelles à Niamey (environ 39°C en mars), illustrant une tendance à l’augmentation de la chaleur dans le pays.
Cette hausse des températures ne reste pas sans conséquence sur les écosystèmes, notamment dans la zone centrale de Kouré, principal habitat des girafes peralta, les toutes dernières de l’Afrique de l’Ouest, estimées à environ 700 individus en 2024, selon le rapport de Giraffes Conservation Foundation, une ONG internationale basée en Namibie, qui œuvre dans 21 pays de l’Afrique.
En effet, selon Dr Hamadou Oumarou, chercheur et responsable de suivi écologique à l’Association pour la sauvegarde des girafes du Niger (ASGN), la montée des températures, affecte directement la végétation, qui constitue leur principale source d’alimentation, ainsi que les cours d’eau qui s’assèchent plus rapidement. Confrontés à ces conditions, les girafes se voient contraintes d’émigrer vers d’autres zones, avec des conséquences parfois dramatiques.

La migration, une alternative risquée pour les girafes
Dr Hamadou Oumarou pense que ces migrations peuvent être bénéfiques lorsqu’il s’agit de recoloniser leurs anciens habitats. « Les individus de girafe quittent leur habitat naturel ou zone centrale (plateaux forestiers de Kouré et le Dallol Bosso) vers des zones excentrées comme Gaya, Tahoua, Doutchi, Simiri, Dingazi et Fandou où l’habitat reste écologique », dit-il. « A Fandou, par exemple, quelques individus se sont inféodés et y vivent depuis quelques années », précise-t-il.
Toutefois, certaines d’entre elles s’éloignent parfois vers des régions où elles ne sont pas les bienvenues. Elles deviennent ainsi vulnérables aux activités humaines. Outre le risque de chasse, certaines girafes s’aventurent dans des zones marquées par des conflits, où leur sécurité est compromise.

Quelques solutions à l’épreuve du climat
Pour limiter ces risques, le gouvernement nigérien, à travers la Direction nationale de la Faune, de la chasse et des aires protégées (DFC/AP), a déjà mis en place plusieurs initiatives au nombre desquelles la translocation vers de nouvelles zones jugées propices, comme la réserve de Gadabéji, située dans la région de Maradi, au sud du pays.
« Quelques individus pilotes y ont été relogés avec succès et nous avons même observé des naissances », dit le Colonel Salifou Zoumari, directeur de la DFC/AP. « Nous prévoyons également une autre translocation vers Timia, dans la région d’Agadez, qui semble aussi être favorable à l’épanouissement des girafes ».
D’autres efforts sont menés en parallèle, notamment la restauration de l’habitat par l’aménagement des points d’eau et la restauration des terres dégradées dans la zone centrale de Kouré. Cependant, ces initiatives restent confrontées à la réalité du changement climatique. « Malgré nos efforts, nous constatons que l’intensification des vagues de chaleur complique la préservation des habitats naturels des girafes », dit le Colonel Salifou Zoumari.
À Kouré, les girafes ne sont pas seulement protégées par la nature, mais aussi par l’homme. Ce modèle unique de coexistence, bâti sur des décennies de sensibilisation, se trouve de plus en plus fragilisé par l’inévitable réalité du changement climatique. « Ici, les girafes cohabitent en toute tranquillité avec les habitants. Elles vont même jusqu’à entrer dans les concessions lorsque des arbres qui les intéressent s’y trouvent », témoigne au téléphone Soumana Zodi, animateur communautaire dans la commune de Kouré.
Technicien de développement rural de formation, il travaille dans cette zone depuis près de vingt ans. « Comme tout animal sauvage, les girafes causent parfois des dégâts dans les champs des villageois. Mais ces derniers, conscients de leur importance, ne leur font aucun mal et les acceptent volontiers. Les habitants ont fini par réaliser que leur principale richesse, c’est la girafe, tout comme l’or ou les ressources minières le sont pour d’autres régions. C’est pourquoi, elles occupent une place essentielle au sein de la communauté », dit-il.
Image de bannière : Un troupeau de girafes sur le plateau forestier de Sina Koira (village rattaché à la Commune rurale de Kouré, Région de Tillabéry). Image de Dr Hamadou Oumarou, de l’Association pour la Sauvegarde des Girafes du Niger (ASGN) avec son aimable autorisation.