- D’après une étude axée sur l’impact du changement climatique sur la survie et la santé des enfants en Afrique, ces derniers porteront l’un des plus lourds fardeaux, leur survie et leur santé sont menacées.
- L’étude, publiée dans la revue Nature Climate Change, met notamment en exergue le rôle des facteurs non climatiques comme la pauvreté, les conditions de logement, les conflits et les violences, ainsi que les déplacements et migrations.
- Des experts proposent notamment le renforcement des systèmes éducatifs, l’inclusion des initiatives spécifiques, pour les enfants, dans la mise à jour par les pays des Contributions déterminées au niveau national et leurs plans nationaux d'adaptation et plus de soutien financier à l’action climatique pour les enfants.
Selon une étude, les enfants paieront l’un des plus lourds tributs des dommages engendrés par le changement climatique. Publiée en mars 2025 dans la revue Nature Climate Change.
L’étude indique qu’environ 1 milliard d’enfants vivent dans des pays considérés comme extrêmement à risque, ce qui signifie que près de la moitié de la population infantile mondiale vit dans des zones fréquemment touchées par les aléas climatiques. « Les enfants souffrent de près de 90 % de la charge de morbidité liée au changement climatique et les projections indiquent que les impacts climatiques aggraveront les cinq principales causes de décès chez les enfants de moins de 5 ans : la malnutrition, la mortalité néonatale, les maladies respiratoires aiguës, la diarrhée et le paludisme », écrivent les auteurs dans leur étude.
Les enfants vivent cette situation particulièrement dans les pays les plus vulnérables de la planète, au nombre desquels le continent africain. « Les événements climatiques et les facteurs de stress font ici référence à l’éventail des chocs ou des risques climatiques (par exemple, les tempêtes, les vagues de chaleur) et aux conditions changeantes à plus long terme, qui aggravent ces risques (par exemple, l’élévation du niveau de la mer, la perte de biodiversité), qui affectent le plus durement l’Afrique», affirme dans un courriel à Mongabay, Priti Parikh, Professeur d’ingénierie des infrastructures et de développement international et co-auteur de l’étude.
Il ajoute: « Les pays d’Afrique sont déjà gravement touchés par des événements climatiques extrêmes, dont la fréquence et l’intensité ne cessent d’augmenter, en grande partie, en raison de l’accélération des effets du changement climatique. Par exemple, le cyclone Idai a frappé le Mozambique, le Zimbabwe et le Malawi en 2019 ».
« Des facteurs socio-économiques et politiques préexistants aggravent la vulnérabilité des enfants. Ainsi, par exemple, le fait d’avoir des logements insalubres, au départ, signifie une réduction du niveau de vie des enfants, lorsque le parc immobilier est affecté par des inondations, des vagues de chaleur et d’autres événements extrêmes. La pauvreté signifie une réduction de la sécurité alimentaire et de l’accès aux ressources pour les soins de santé », dit Professeur Parikh.

Ce dernier et ses collègues soulignent que l’Afrique, qui a une population plus jeune, renforce également sa vulnérabilité au changement climatique. Ce, d’autant plus que les populations d’enfants ont tendance à avoir moins de capacités pour faire face au stress dû à leur expérience de vie plus courte.
D’après Laurent Keoul, expert régional au Projet de Conservation du bassin du lac Tchad, la vulnérabilité des enfants face aux aléas, chocs et stress climatiques et environnementaux en Afrique est multidimensionnelle et résulte de plusieurs facteurs, notamment, la pauvreté et les inégalités, l’accès limité à l’éducation, la proximité à des environnements naturels vulnérables, sans oublier des indicateurs comme la santé, la nutrition, les déplacements et conflits.
« Beaucoup d’enfants en Afrique vivent dans des situations de pauvreté extrême, ce qui limite leur accès à des ressources essentielles comme la nourriture, l’eau potable et des soins de santé. Cette précarité les rend plus sensibles aux impacts des crises environnementales. L’éducation est un facteur clé de résilience. Dans plusieurs régions d’Afrique, l’accès à une éducation de qualité est restreint, ce qui empêche les enfants d’acquérir les compétences nécessaires pour s’adapter ou réagir face aux changements climatiques », dit Keoul, à Mongabay au téléphone.
« De nombreux enfants vivent dans des zones exposées à des risques climatiques, comme les zones côtières vulnérables aux inondations et aux tempêtes, ou les régions arides sensibles à la sécheresse. Leur proximité géographique à ces risques augmente leur exposition (…) Les chocs environnementaux peuvent aggraver les conflits existants ou en créer de nouveaux, poussant des milliers d’enfants à se déplacer et à vivre dans des conditions précaires », ajoute Keoul.

L’Indice des risques climatiques pour les enfants (IRCE), élaboré par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), s’appuie sur des indicateurs relatifs aux aléas, aux chocs et aux stress climatiques et environnementaux, ainsi qu’à la vulnérabilité des enfants.
Leur gravité est « très élevée » ou « élevée » dans une vingtaine de pays d’Afrique sub-saharienne. De même, 17 pays africains figurent en tête du classement des 20 pays, où les enfants sont le plus exposés aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement. Deux pays d’Afrique centrale, la RCA et le Tchad, occupent la tête de ce classement, tandis que le Cameroun est classé dixième.
L’IRCE fournit par ailleurs des données concernant le nombre d’enfants exposés à divers types d’aléas climatiques et environnementaux. Entre autres, 820 millions d’enfants sont fortement exposés à des vagues de chaleur, 400 millions à des risques de cyclone, 570 millions à des risques d’inondation fluviale et côtière, 920 millions d’enfants à des pénuries d’eau et 600 millions à des maladies à transmission vectorielle comme le paludisme et la dengue, etc.
Une situation qui risque de s’aggraver, compte tenu de facteurs climatiques, tels que l’augmentation des précipitations, la hausse des températures moyennes et l’imprévisibilité des régimes météorologiques, l’augmentation de la fréquence des cyclones de forte intensité, la fonte des glaciers et l’augmentation du niveau de la mer, la fréquence et la gravité des sécheresses, du stress hydrique, etc.
Un autre rapport de l’UNICEF indique, qu’en 2024, au moins 242 millions d’élèves dans 85 pays ont vu leur scolarité perturbée par des phénomènes climatiques extrêmes. En Afrique, plus de 20 millions d’enfants, dans une vingtaine de pays, dont environ 12,5 millions en Afrique centrale et de l’Ouest, ont également vu leur scolarité perturbée, dont plus de 103 000 au Cameroun, et 893 000 au Tchad, suite aux inondations.
Briser le cycle de vulnérabilité des enfants
Afin de briser le cycle de vulnérabilité des enfants, Professeur Parikh cible trois domaines prioritaires pour l’action climatique. Tout d’abord, des plans et des politiques centrés sur l’enfant. Ensuite, un soutien financier à l’action climatique pour les enfants et des installations publiques intelligentes face au climat, telles que les écoles et les centres de santé.
« Cela signifie qu’il faut s’assurer que les politiques nationales sont centrées sur l’enfant et que les CDN pour l’action climatique ont des domaines prioritaires axés sur l’enfant. Reflétant cet écart, seules 35 des 103 contributions déterminées au niveau national (CDN) à l’échelle mondiale seraient considérées comme sensibles aux enfants. Pour garantir la fourniture de services de base aux enfants, il est nécessaire d’élaborer des stratégies de financement climatique centrées sur l’enfant, qui envisagent la diversification des instruments financiers avec des subventions, des garanties et des accords mixtes pour l’alimentation, l’énergie et l’eau et l’assainissement », dit Professeur Parikh.

L’investissement dans les écoles, les centres de santé et de jeunesse, les installations d’urgence et l’infrastructure sociale au sens large, pour créer des espaces résilients et adaptés au changement climatique, devrait soutenir tous les enfants, quel que soit leur statut socio-économique », précise-t-il.
Pour leur part, Stu Solomon, référent climat chez Plan International et Juli-Colette Nsah, responsable de la recherche pour l’Afrique centrale et de l’Ouest, pense que pour répondre aux besoins des enfants et des jeunes, « les politiques doivent inclure des actions spécifiques pour défendre les droits des enfants, en reconnaissant l’impact disproportionné sur les enfants et les filles ».
« Par exemple, lorsque les pays mettent à jour leurs contributions déterminées au niveau national et leurs plans nationaux d’adaptation, ils devraient inclure des initiatives spécifiques concernant la continuité de l’éducation, la localisation des plans de réponse au climat, afin d’impliquer les jeunes et la nécessité de veiller à ce que les besoins des enfants soient satisfaits en cas de catastrophe », disent-ils dans un courriel commun à Mongabay.
« Les politiques devraient également prévoir des dispositions spécifiques pour que les enfants et les jeunes soient consultés lors de l’élaboration des plans, qu’ils soient impliqués dans le suivi de la mise en œuvre de ces plans et qu’ils participent à l’élaboration d’un budget transparent », indiquent-ils.
Keoul y ajoute le renforcement des systèmes de protection sociale et les infrastructures résilientes. « Il faudrait établir des filets de sécurité sociale pour soutenir les familles vulnérables en période de crise. Cela pourrait inclure des allocations financières, des programmes de nourriture d’urgence et un accès facile à l’eau potable. De même, investir dans des infrastructures résilientes aux aléas climatiques, comme des systèmes d’irrigation, des logements sécurisés et l’amélioration des conditions d’accès à l’eau », dit-il.
Image de bannière : Enfants vus dans leur maison de fortune submergée dans un camp de déplacés de Kismayu en Somalie. Image de AMISOM Public Information via Wikimedia commons.
Citation :
Diep, L., Godfrey, S., Tunhuma, F. et al. (2025). Cascading impacts of climate change on child survival and health in Africa. Nat. Clim. Chang. 15, 254–261. https://doi.org/10.1038/s41558-024-02197-7
Les inondations menacent la sécurité alimentaire en Afrique centrale et de l’Est
FEEDBACK : Utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’éditeur de cet article. Si vous souhaitez publier un commentaire public, vous pouvez le faire au bas de la page.