- De jeunes innovateurs et problem-solvers malgaches s’engagent avec détermination dans la lutte contre l’élimination des déchets plastiques.
- Le comportement écoresponsable et les bonnes pratiques, qu’ils suggèrent, profitent à la nature, à l’économie, à la santé et à la communauté.
- Les pollutions plastiques restent un enjeu majeur pour la planète, tant que le commerce mondial de plastique se chiffre, chaque année, en plusieurs centaines de milliards de dollars.
- Tout geste positif, aussi petit soit-il, aura sûrement des effets salvateurs dans le contexte actuel de lutte globale contre les grandes menaces.
ANTANANARIVO, Madagascar — Le monde a inventé les plastiques pour de multiples usages et c’est à lui aussi de s’en débarrasser en raison de ses inconvénients parfois trop nocifs pour la nature, la santé voire le développement. A Madagascar, comme ailleurs, la croisade contre les déchets plastiques est bien en route. En innovateurs et problem-solvers, des jeunes mettent la main à la pâte face à l’ampleur toujours croissante des menaces globales.
Plastikôo est une start-up fondée en juin 2024 par Sarobidy Nombatsitoha, un jeune résident de la banlieue nord d’Antananarivo. Son entreprise a décroche le premier prix de l’édition 2025 de l’Orange Summer Challenge, organisée par Orange Afrique et Moyen Orient (OMEA), pour avoir mis au point une technique de transformation des déchets plastiques en matériaux de construction durables, réduisant la pollution tout en favorisant le développement durable des communautés locales.
« Un jour, sur ma moto, j’ai été fâché contre les déchets amoncelés jusqu’en pleine chaussée des rues et dans les canaux d’évacuation d’eaux usées. Je me suis alors demandé si je pouvais contribuer à la résolution du problème au lieu de m’en prendre à la municipalité et à l’administration », a dit Nombatsitoha à Mongabay. Les bouteilles en plastique jetées partout particulièrement ont retenu son attention. C’était le déclic pour celui qui, depuis l’université, fait du numérique son grand dada.
La problématique de la gestion des déchets au niveau national est telle que la promotion du comportement écoresponsable s’impose. L’île produit annuellement quelque trois millions de tonnes de déchets, un peu moins le rendement annuel de la production rizicole, le riz étant l’aliment de base pour la grande majorité de la population. Environ 10 % du volume est constitué de déchets plastiques.

Plastikôo table sur des données, entre ses mains, disant que le pays produit chaque année 68 985 tonnes de déchets plastiques déversées dans la nature. Dans la ville d’Antananarivo et ses environs, leur ramassage représente un défi permanent pour la municipalité qui doit s’occuper d’une moyenne journalière de 800 tonnes de déchets, avec un pic de 1 500 tonnes durant la saison des pluies, de décembre à avril.
Des projets innovants portés par des jeunes germent dans ce contexte sous l’impulsion des urgences écologiques et des promesses de l’économie circulaire. Nombatsitoha et ses neuf associés, tous des étudiants de la capitale et âgés de 19 à 26 ans, en sont ainsi venus à l’idée de recycler les déchets de bouteilles en plastique.
Ils ont alors conçu un procédé, faisant intervenir des machines à la pointe des technologies, dont ils ont eux-mêmes inventé le prototype, pour les transformer en briques modulaires, solides et écologiques. A leurs yeux, les déchets plastiques sont nocifs pour le climat, et lutter contre eux revient à agir en faveur de celui-ci. « Le processus de leur production émet des gaz à effet de serre, car les plastiques sont à base de pétrole », rappelle Irina Asandratra Randrianarinaivo, ingénieur en génie électrique, responsable RD au sein de Plastikôo.
Transformation des déchets plastiques en briques
Pour responsabiliser les habitants afin qu’ils consentent à ne plus jeter ici et là leurs déchets plastiques, les jeunes, à travers leur innovation, arborent une idée mirifique. Les broyeurs des déchets plastiques, pour obtenir des granules nécessaires à la fabrication des briques, génèrent automatiquement des tickets avec QR code permettant aux ménages fournisseurs de faire des achats auprès des magasins partenaires.
Dans cette bataille de taille, les jeunes innovateurs visent plus haut et plus loin. Une collaboration est établie avec Ravinala Airports, un consortium gestionnaire des aéroports internationaux d’Ivato à Antananarivo et de Nosy Be, dans le Nord-Ouest. L’activité dans le viseur du partenariat s’élancera en juillet. « Pour le futur, nous avons l’ambition de cibler tout Madagascar et même l’Afrique », a dit Nombatsitoha.

Le taux de production des déchets plastiques sur le continent a justement connu un niveau alarmant pouvant tripler à l’horizon de 2060, selon une étude récemment publiée par le Centre for Science and Environment, à New Delhi, en Inde. Entre autres, l’Afrique subsaharienne, dont fait partie la Grande île, pourrait cumuler des déchets plastiques jusqu’à 116 millions de tonnes par an d’ici à là contre 18 millions de tonnes en 2019.
Chacun y va de son approche pour prendre la bête par les cornes. A Antananarivo, la Société de tri, compactage et valorisation (STCV), dirigée par la jeune entrepreneure, Gaelle Randriamanana Pless, est entrée en scène depuis janvier 2022, pour prendre part à la course de la transition écologique. D’autres types de déchets, outre les plastiques, la séduisent avec la promotion du comportement écoresponsable à la clé.
En vertu des principes de la responsabilité sociétale des entreprises, la STCV agit plutôt sur les déchets industriels, en exhortant les unités industrielles à œuvrer pour la réduction des montagnes d’ordures aggravant les pollutions dans les différents quartiers de la capitale et ses banlieues. « Nous produisons beaucoup trop de déchets », dit à Mongabay Henintsoa Rabenimanana, responsable commerciale et marketing de la société.
Des programmes de formation, dont le contenu s’articule autour du comportement écoresponsable et des activités de bonne pratique, sont mis en œuvre à l’intention des salariés des entreprises. La mise en application des leçons apprises aide les différents acteurs à laisser circuler moins de déchets par leur tri. « C’est cela notre contribution. Nous n’avons pas le moyen d’enlever les ordures d’Antananarivo », indique Rabenimanana.
Le champ d’intervention s’élargit aussi vers les ménages. Pour embarquer ces derniers à bord, une solution numérique a été lancée en février en partenariat avec la commune urbaine d’Antananarivo et la société MBike Logistic.
L’approche est simple. Elle consiste à faire passer la commande de collecte de déchets en ligne, dans le cadre d’une initiative baptisée Recycle Now. « Nous collectons les déchets auprès des ménages demandeurs, à l’aide de bicyclettes, dans le but d’éviter les émissions », ajoute-t-elle.

La collecte et le tri des déchets aussi sont un moyen pour la SCTV de venir en aide à des femmes de la capitale, en situation difficile. Les activités de cette société, qui emploie 25 collaborateurs, à 75 % issus des milieux défavorisés, bénéficient à 500 d’entre elles.
Celles-ci manipulent, tous les jours, des plastiques durs, des emballages alimentaires, des sachets… non souillés. Au bout du compte, ceux-ci sont redevenus des matières premières utiles à la fabrication des écogoddies (sacs, couches, sacs de transport, etc.).
Au rythme de 3 tonnes de déchets traités par jour, la société en arrive à un millier de tonnes par an. « Selon nos propres calculs, cette quantité équivaut à 1 500 tonnes de CO2 évitées par an », affirme Rabenimanana.
Le comportement écoresponsable est également inculqué aux écoliers et aux collégiens. A cette fin, l’organisation nommée MAEVA (Meilleure association pour l’environnement de la ville d’Antananarivo), créée en 2023 par la STCV elle-même, déploie ses actions auprès de 35 écoles publiques primaires et de 35 collèges publics d’enseignement général de la capitale et de ses banlieues ciblés à l’avance.
Le déploiement à travers chaque site d’intervention dure cinq mois. Les associations des parents d’élèves et, par ricochet, la communauté, en tirent profit. « Les déchets sont achetés auprès d’elles pour qu’elles puissent avoir des ressources supplémentaires au profit de l’amélioration des conditions d’apprentissage », explique l’interlocutrice.
Mobilisation collective
Les initiatives comme celles de Plastikôo et de la STCV ont l’avantage d’atterrir sur un terrain où la conscience collective est déjà disposée à en découdre avec les nuisances écologiques dues aux pollutions et aux déchets plastiques. Selon une dépêche d’Afrobarometer du 20 novembre 2024, la majorité (86 %) des répondants [à une enquête, Ndlr] affirment que les sacs en plastique sont une source majeure de pollution à Madagascar.
La sensibilisation de la population en faveur de cette lutte de longue haleine ne se heurte pas trop à des résistances. Seulement, il faut des actions continues et pragmatiques. La campagne « zéro plastique » menée à Antananarivo, le 19 mars dernier, a ainsi attiré du monde. Responsables gouvernementaux et municipaux, représentants du secteur privé, scouts, résidents locaux et tutti quanti ont mouillé leurs chemises en enlevant des rebuts bouchant les systèmes de canalisations et les égouts dans la ville.

La production mondiale de plastique, qui relève d’une filière juteuse, a encore de beaux jours devant elle. Selon Henrique Pacini, chef du programme Commerce, environnement, changement climatique et développement durable, auprès de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), le commerce des plastiques a été, en 2021, évalué à 1 184 milliards de dollars pour 369 millions de tonnes métriques. Mais la tendance est toujours croissante.
Les déchets plastiques s’éliminent difficilement dans la nature. Leur décomposition s’étale sur plusieurs siècles selon les matières utilisées à leur fabrication. Tôt ou tard, les microplastiques finissent dans les océans où ils favorisent la multiplication de superbactéries [potentiellement mortelles, Ndlr], d’après une étude récente rapportée par Media24. D’autres résultats de recherche rapportent que les microplastiques, sont un vrai désastre écologique et sont dangereux pour les organismes vivants.
En attendant l’avènement d’un traité universel contraignant sur le plastique, les micro-gestes de la vie quotidienne impulsés par les innovations des jeunes ont tout bonnement des effets salvateurs et méritent d’être encouragés. Les actions de portée régionale et internationale, en faveur d’une gestion durable des déchets et de la préservation des écosystèmes marins, ne manquent pas non plus.
On pourrait citer le projet Expédition Plastique de l’océan Indien (ExPLOI), avec le navire Plastic Odyssey sillonnant l’océan Indien, l’Afrique de l’Est et de l’Ouest avant son retour en France, en mars 2026, et le Premier marathon international pour l’élimination des déchets plastiques, qui aura lieu du 7 au 8 juin prochain au Zanzibar, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement (5 juin) et de la Journée mondiale de l’océan (8 juin). Entre temps, un salon « déchets, alternatives écologiques » se tiendra à Antananarivo, du 17 au 18 avril prochain.
Pour la jeunesse africaine en particulier, Madagascar accueillera, cette année, deux rendez-vous importants. Le plus proche sera la deuxième édition du Forum des jeunes africains sur l’économie bleue (FOJAEB) prévue à Toliara, au Sud-Ouest de l’île, du 17 au 19 avril prochain. Le 8e sommet de l’YouthConnekt Africa, prévu en octobre/novembre, se passera à Antananarivo.
Ces retrouvailles ont des points communs : entrepreneuriat bleu et vert, paix et sécurité, changement climatique, technologies et innovations, santé des jeunes, participation et engagement au regard de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et de l’Agenda 2030 des Nations unies.
Image de bannière : Grande mobilisation autour de l’initiative « zéro plastique » qui a eu lieu à Antananarivo le 19 mars 2025. Image de Commune urbaine d’Antananarivo fournie par Rivonala Razafison.
Citations :
Ishita Garg and Ahana Ghosh (2025), Africa’s Wasted Potential: Unlocking Industrial Waste in Circularity, Centre for Science and Environment, New Delhi. Téléchargé du site www.cseindia.org
Léa Rakotondraibe et Anne Okello (nov. 2024). « Les Malgaches se considèrent responsables de la lutte contre la pollution mais appellent aussi à davantage d’efforts gouvernementaux », Dépêche numéro 903 d’Afrobarometer. www.afrobarometer.org/online-data-analysis
Gross, N., Muhvich, J., Ching, C., Gomez, B., Horvath, E., Nahum, Y.& Zaman, M. H. (2025). Effects of microplastic concentration, composition, and size on Escherichia coli biofilm-associated antimicrobial resistance. https://doi.org/10.1128/aem.02282-24
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