- Plusieurs villages situés au nord de Bangui sont affectés par des feux de brousse. Des chasseurs mettent fréquemment le feu à la brousse à la recherche de gibiers.
- Dans le village de Kpangba, à 15 km au nord de Bangui, ces flammes ont détruit plusieurs hectares de champs. Les sols ne seraient plus fertiles, selon de nombreux agriculteurs de la région.
- La société civile multiplie les campagnes d’éducation environnementale dans les régions les plus touchées.
- Le ministère des Eaux, forêt, chasse et pêche est en ordre de bataille contre cette pratique nuisible à l’environnement.
En Centrafrique, en cette période de saison sèche qui va de novembre à mai, la lutte contre les feux de brousse est un grand défi à Bangui et ses environs.
Cette année, les flammes ont déjà détruit plus de 800 hectares de forêts, selon les autorités locales et les conséquences environnementales telles que la déforestation ou la pauvreté des sols sont bien visibles.
Des groupes de chasseurs mettent fréquemment le feu à la brousse à la recherche de gibiers à tuer. « En cette période, la galerie forestière est bien sèche et les gibiers ne sont pas loin. Lorsque nous mettons le feu à la brousse, les gibiers sont obligés de sortir. Nous les tuons avec nos flèches et armes artisanales », a dit Albert Yapelego, un chasseur d’une quarantaine d’années au micro de Mongabay. Même s’ils sont conscients de la dangerosité de cette pratique, la plupart des chasseurs disent ne pas avoir d’autres choix.
« Nous sommes tous des jeunes désœuvrés. La chasse est notre unique source de revenus. C’est très coûteux pour nous d’acheter une arme et des cartouches. Nous sommes obligés de brûler la forêt pour nourrir nos familles », dit-il.

Mais cette pratique constitue, non seulement une source de conflit entre chasseurs et agriculteurs, mais provoque également la dégradation des sols. Les agriculteurs du village Kpangba, à 15 kilomètres au nord de Bangui, subissent déjà les conséquences de ces feux de brousse. « Auparavant on ne connaissait pas le phénomène des feux de brousse », a dit Magalie Bemandja, une cultivatrice de manioc au village Kpangba depuis trente ans. « Mais ces deux dernières années, les chasseurs d’ici ont adopté cette pratique et les répercussions se font déjà sentir sur mes activités », dit-elle.
« Les sols se dégradent et prennent différentes formes. Ces derniers temps, nous constatons l’improductivité de nos maïs, arachides et tubercules de maniocs. Non seulement, ils ne se développent pas normalement, mais nous constatons des champignons bizarres sur les feuilles, sur les tiges et les graines. En plus, il y a trop de pourritures. Le calendrier de récolte a changé et le rendement est très faible. Il faut arrêter cette pratique », dit-elle.

Pour stopper cette hémorragie, des acteurs de la société civile mènent depuis deux ans, des campagnes d’éducation environnementale dans les secteurs les plus touchés.
À en croire Jean Jacques Urbain Matamalé, coordonnateur du Centre pour l’information environnementale et le développement durable (CIEDD), qui est une organisation non gouvernementale œuvrant pour la lutte contre la dégradation des sols et la déforestation, la lutte contre les feux de brousse nécessite l’engagement de tous.
« À chaque occasion, nous disons à ces chasseurs que la dégradation des sols a des conséquences sur le fonctionnement des milieux naturels et sur la société humaine. Ils doivent comprendre que la majorité des centrafricains vivent de l’agriculture », dit-il au téléphone à Mongabay. « En détruisant les sols, ils augmentent l’insécurité alimentaire déjà aiguë dans le pays. Nous leur rappelons toujours, que pour chasser, ils n’ont pas besoin de brûler la forêt. C’est simple d’avoir un permis de chasse et des armes adaptées. Nous leur conseillons aussi de recourir aux pièges et appâts », a-t-il ajouté.
Sur le terrain, les acteurs de la société civile utilisent plusieurs moyens pour accéder aux communautés. « On organise régulièrement des débats radiophoniques, des émissions publiques dans les quartiers et villages. Nous mettons à contribution les maires, les chefs des quartiers et nous formons aussi des relais communautaires. Mais dans ce contexte difficile, les appareils judiciaires de l’État doivent nous appuyer », a expliqué Matamalé, à Mongabay.

Le ministère centrafricain des Eaux, Forêts, Chasse et Pêche, de son côté, tente d’apporter des réponses à ce fléau. Selon Elysée Lavodrama, Directeur de la planification, un programme national de lutte contre les feux de brousse a été lancé le 15 novembre 2024.
« Lorsqu’il s’agit d’incendies de bois, de forêts ou de plantations, le Code pénal prévoit une aggravation des peines. Les sanctions vont de 5 à 10 ans d’emprisonnement et une amende allant de 100.000 francs CFA (164,67 USD) à 5 millions de francs CFA (8223,68 USD). Dans le cadre de ce programme, nous avons mis en place une unité de surveillance. Cette équipe bien équipée a pour mission d’effectuer des patrouilles régulières pour surveiller les forêts. Même si les moyens font défaut, nous nous battons pour avoir des systèmes GPS et des drones de surveillance », a-t-il dit.
En attendant de trouver une solution définitive, la santé des sols continue d’être menacée en raison des feux de brousse.
Pour Guy Julien Ndakouzou, expert au Centre de gestion durable des ressources naturelles et de l’environnement basé à Bangui, « les sols au même titre que les humains ont besoin d’avoir un bon équilibre pour se régénérer». «Un sol sain contribue à produire des plantes robustes, augmentant ainsi le rendement des cultures, la production alimentaire et la sécurité alimentaire. Le sol est la base de l’agriculture et de la vie humaine. Sans le sol, on ne peut jamais avoir de l’air pur, des nutriments, de l’eau et beaucoup d’autres », a dit Ndakouzou.
En Centrafrique, il n’y a pas une étude approfondie qui détermine le nombre d’hectares de terres et de forêts ravagées par cette pratique. L’ampleur des dégâts varie d’une région à une autre. Selon le chef du village Kpangba, plus de 500 champs ont été touchés depuis le début de la saison sèche, emportant au moins 800 hectares en cinq mois.
Image de bannière : Les dégâts des feux de brousse n’épargnent pas les champs. Une plantation de manioc au village de Kpangba à 15 km au nord de Bangui dévastée par les flammes. Image de Rolf Stève Domia-Leu pour Mongabay.