- Selon une étude récente, les populations de lions ont considérablement diminué dans six aires protégées ougandaises au cours de la dernière décennie.
- Les chercheurs attribuent ce déclin, qui s’élève à près de 50 % dans certaines zones, à l’empoisonnement des grands félins par les éleveurs de bétail, à la chasse au collet par les braconniers et à la perte d’habitat.
- Les chercheurs ont appelé à un engagement communautaire accru dans les efforts de conservation, notamment par le biais de programmes de suivi et de surveillance des populations de lions. Dans le cadre de leur étude, ils ont formé divers acteurs tels que 100 guides accompagnateurs de safaris, des chasseurs de trophées, des étudiants et des gardes forestiers gouvernementaux, pour multiplier les efforts de surveillance.
- Une autre solution pourrait consister à adopter l’intelligence artificielle pour renforcer les activités de surveillance, non seulement des lions, mais aussi des autres grands carnivores africains, et pour mieux comprendre les défis auxquels sont confrontés les animaux et les hommes, dans certains environnements.
NAIROBI – « L’empoisonnement, le braconnage et la perte d’habitat ont considérablement contribué à la réduction des populations de lions en Ouganda et ont souligné la nécessité d’un engagement à long terme en matière de conservation », affirment les chercheurs d’une étude récente.
Dans la première étude de ce type réalisée depuis près de 20 ans, les chercheurs ont concentré leurs efforts sur les lions (Panthera leo), les léopards (Panthera pardus) et les hyènes tachetées (Crocuta crocuta) dans six zones protégées ougandaises. Ils ont constaté un déclin de près de 50 % de certaines des populations de lions les plus emblématiques de l’Ouganda, au cours des 10 dernières années, notamment les fameux lions grimpeurs d’arbres du Parc national Queen Elizabeth.
Selon l’étude, cette population, ainsi que celle du Parc national de Kidepo, aurait atteint un niveau alarmant. Le Parc national Queen Elizabeth abrite aujourd’hui environ 40 lions, contre environ 22 au Kidepo. D’après l’étude, le Parc national de Murchison Falls reste l’habitat principal des lions en Ouganda, avec une population estimée à environ 240 individus. Le parc présente également l’une des plus fortes densités de léopards en Afrique, comptant environ 40 individus pour 100 kilomètres carrés.
L’auteur principal de l’étude, Alex Braczkowski, chercheur à l’Université Griffith en Australie, a indiqué que l’Ouganda était devenu une destination touristique très convoitée pour l’observation des lions, le Parc national Queen Elizabeth constituant l’une des principales attractions en raison des félins grimpeurs d’arbres.
« C’est le genre de spectacle qui reste gravé dans votre mémoire à jamais. Imaginez, huit lions nichés dans un arbre euphorbe, c’est tout simplement incroyable ! Au-delà des implications pour la conservation, les lions jouent un rôle clé dans l’économie touristique », a-t-il déclaré.

Cependant, les conflits qui sévissent et s’intensifient entre les lions et les éleveurs de bétail ont conduit à l’empoisonnement de certaines des fiertés les plus importantes au cours de la dernière décennie, a déploré Braczkowski. En outre, des taux élevés de chasse au collet de viande de brousse, ciblant d’autres animaux, mais affectant également les lions, ont également été relevés. « À Kidepo, notre étude nous a permis de recueillir des éléments de preuves,qui ont confirmé que les lions étaient régulièrement la cible de braconniers, et de nombreuses carcasses de lions ont été récupérées par Uganda Wildlife Authority, au cours de notre étude en 2022 », a indiqué Braczkowski.
Dans une étude précédente, Braczkowski et ses collègues avaient déclaré que la forte densité de lions dans le Parc national de Murchison Falls illustrait l’importance de préserver l’écosystème riche et biodiversifié des zones humides du parc. Ils décrivaient les grands félins qui y résident comme une « population de lions cruciale pour les efforts de conservation en Ouganda ».
Pour les besoins de leur dernière étude, les chercheurs ont collaboré avec plus de 100 acteurs locaux de la conservation (guides de safaris, chasseurs de trophées, étudiants universitaires et gardes forestiers du gouvernement) ? afin de recueillir des données reposant sur l’observation des lions, des léopards et des hyènes tachetées dans les six aires protégées.
Si une chute considérable de la population de lions a été constatée, celle des hyènes est, en revanche, restée la plus élevée des trois prédateurs, avec une densité de 8 à 40 fois supérieure à celle des lions. Le Parc de Murchison Falls (cité une fois de plus) abrite la plus forte densité de hyènes en Afrique.
Toutefois, les chercheurs mettent en garde et indiquent que cette tendance risque d’entraîner un déséquilibre trophique – phénomène qui se produit lorsque la chaîne alimentaire est perturbée par la prédominance d’une espèce et le déclin d’une autre.
« Certaines des observations de populations élevées de hyènes pourraient être liées au déclin des lions, mais ceci reste une hypothèse », a fait observer Braczkowski à Mongabay. « Les hyènes sont peut-être aussi plus résistantes que les lions aux pièges, [et] en raison de la taille de leur meute, elles peuvent aussi se nourrir de choses plus grosses, comme de buffles, par exemple ».
Les chercheurs tirent la sonnette d’alarme sur la situation des lions en Ouganda et appellent à un plus grand engagement des communautés dans les efforts de conservation.

Braczkowski et ses collègues soulignent la nécessité de « couvrir un grand nombre de zones » pour leurs programmes de suivi et de surveillance scientifiques, et d’observer les lions et autres carnivores en faisant participer de nombreuses personnes à leurs activités, en particulier celles qui vivent à proximité des aires de conservation. Ils s’emploient actuellement à la formation des mêmes acteurs de la conservation que ceux qui ont participé à leur étude, afin d’optimiser la surveillance des populations de lions.
« Nous voulons que certaines des personnes qui interagissent le plus avec les lions soient sur le terrain avec eux pour surveiller leur nombre et assurer le rôle d’observateurs. Le problème, c’est que nombre d’individus, avec lesquels nous avons collaboré au cours de nos études, n’ont pas eu l’occasion de s’impliquer dans des activités scientifiques de suivi et de surveillance. Or, c’est essentiel si nous voulons établir un suivi et une surveillance durables de la faune à grande échelle, sur une base annuelle », a expliqué Braczkowski.
Jonathan Growcott, doctorant en écologie à l’Université d’Exeter, au Royaume-Uni, qui travaille sur l’intégration de la technologie, y compris l’intelligence artificielle (IA), pour améliorer le suivi et la surveillance des grands carnivores africains en Tanzanie, a déclaré qu’une conservation efficace et réussie passait par la compréhension des défis auxquels sont confrontés à la fois les animaux sauvages et les populations humaines sur un même territoire.
« Les besoins des uns et des autres sont d’une importance cruciale. Comprendre comment nous pouvons réduire les défis, afin que les êtres humains et les animaux puissent en bénéficier, est fondamental pour la préservation des espèces », a déclaré Growcott, qui n’a pas participé à la récente étude.
Selon lui, l’adoption croissante de l’intelligence artificielle, dans les programmes de suivi et de surveillance des carnivores, permet aux chercheurs d’accélérer le traitement des données, qui représente souvent l’une des étapes les plus longues d’un projet.
« Nous pouvons utiliser l’IA, par exemple, pour supprimer de façon automatique les images vierges des pièges photographiques dans les ensembles de données, classer les espèces et, dans certains cas, identifier les individus au sein d’une population », a ajouté Growcott. « Si, grâce à l’IA, nous pouvons automatiser d’autres processus tels que l’identification des lions par les marques situées autour de leurs moustaches, nous pourrons alors réduire le temps entre la collecte des données et la production de résultats, qui peuvent orienter la gestion de la conservation fondée sur les données ».
Image de bannière : Lions à l’intérieur du parc national Queen Elizabeth. Image d’Ashoka Mukpo pour Mongabay.
Citations:
Braczkowski, A. R., Elliot, N., Rwetsiba, A., Mudumba, T., Gopalaswamy, A. M., O’Bryan, C. J., … Gibson, L. (2024). Insights into large carnivore populations in Uganda: A participatory survey of lions, leopards, and hyenas using spatial capture-recapture. Global Ecology and Conservation, 56, e03312. doi:10.1016/j.gecco.2024.e03312
Cet article a été publié initialement ici en anglais le 29 janvier, 2025.