- D’après une étude sur l'impact genre du changement climatique sur les droits des adolescentes et des jeunes femmes au Sahel, le changement climatique a des effets dévastateurs sur la sécurité alimentaire et hydrique, la santé, la sécurité et le bien-être général des jeunes femmes au Sahel.
- L’enquête a été menée par l’ONG Plan International pour mieux comprendre les impacts genres du changement climatique et pour déterminer ce qui peut être fait pour soutenir les adolescentes et les jeunes femmes dans la région.
- Pour renforcer la résilience des jeunes femmes, des experts suggèrent l’amélioration de l'accès des femmes aux fonds d'adaptation au climat, le développement de l'éducation et la formation professionnelle et l’amélioration de la sensibilisation et l'engagement des communautés.
Selon une étude le changement climatique augmente la vulnérabilité des jeunes femmes au Sahel.
L’étude relative à l’impact genre du changement climatique sur les droits des adolescentes et des jeunes femmes au Sahel, a été menée par l’ONG Plan International, dans dix pays, notamment le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, la Gambie, la Guinée, la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Nigéria et le Sénégal.
Le travail, basé sur les témoignages et les expériences des adolescentes et de jeunes femmes, a cherché, entre autres, de mieux comprendre les impacts genres du changement climatique et de déterminer ce qui peut être fait pour soutenir les adolescentes et les jeunes femmes.
Les résultats de l’étude mettent en évidence l’impact multidimensionnel et dévastateur du changement climatique sur la sécurité alimentaire et hydrique des jeunes femmes, leur santé, leur sécurité, leurs perspectives d’avenir et leur bien-être général. « Le changement climatique conduit à des précipitations irrégulières, des sécheresses et des inondations, ce qui réduit les rendements agricoles et la quantité de bétail disponible. En conséquence, de nombreuses adolescentes et jeunes femmes souffrent de la faim, ce qui oblige certaines d’entre elles à adopter des mécanismes d’adaptation extrêmes, tels que le sexe en échange de nourriture », dit dans un courriel à Mongabay, Juli-Colette Nsah, responsable de la recherche pour l’Afrique centrale et de l’Ouest chez Plan International.
« Du fait de ce déclin de l’agriculture, induit par le climat, certaines familles perdent leur principale source de revenus, ce qui pousse les jeunes femmes à exercer des activités informelles, mal rémunérées et qui s’apparentent souvent à de l’exploitation. Les difficultés économiques causées par le changement climatique ont entraîné une augmentation des mariages d’enfants, car les familles luttent pour survivre. Le manque de ressources rend également les filles plus vulnérables à l’exploitation sexuelle », a ajouté Nsah.

Pour cette dernière, le tarissement des puits et la pollution des sources d’eau obligent les filles à parcourir de longues distances pour aller chercher de l’eau, ce qui les expose à un risque accru de harcèlement et de violences sexuelles.
De même, les filles et les jeunes femmes sont également confrontées à des problèmes de santé liés à un manque d’hygiène et à la malnutrition. « Les pénuries d’eau et de nourriture, conjuguées à des responsabilités domestiques plus importantes, empêchent de nombreuses filles d’aller à l’école. Enfin, le manque d’eau empêche les filles de maintenir une bonne hygiène menstruelle, ce qui augmente leur absentéisme à l’école [au moment de leurs règles]», précise Nsah.
Le sahel est l’une des régions les plus touchées par le changement climatique dans le monde. « Le Sahel, c’est un peu comme la ligne de front du changement climatique. La région est déjà très vulnérable aux chocs climatiques, avec des sécheresses, des inondations et des tempêtes de sable qui se multiplient : les catastrophes se multiplient ! Et les femmes, en particulier les jeunes femmes, sont les premières à en souffrir. Elles sont souvent les principales responsables de la gestion de l’eau et de la production alimentaire, ce qui les rend très dépendantes des conditions climatiques. Alors, quand le climat devient de plus en plus imprévisible, les femmes sahéliennes sont les premières à en payer le prix », affirme Baltazar Atangana, expert sur les questions de genre au Cameroun.

« Le changement climatique a rendu la vie encore plus difficile pour les filles et les jeunes femmes du Sahel. Les sécheresses, la désertification et les pluies irrégulières ont causé des pénuries alimentaires, des difficultés économiques et des déplacements de population. Par conséquent, de nombreuses filles sont forcées de travailler dans des conditions dangereuses, voire d’être exploitées, notamment en échangeant leur corps contre de la nourriture », dit dans un courriel à Mongabay, Rifkatu, co-auteure, vivant au Nigéria.
« Les familles qui peinent à survivre considèrent leur mariage précoce comme un moyen d’alléger leurs charges financières (…). Dans les zones touchées par les conflits, ces défis sont encore plus importants. Les difficultés d’accès à l’éducation se sont aggravées, car de nombreuses filles passent plus de temps à vaquer aux tâches ménagères ou à travailler pour subvenir aux besoins de leur famille », indique-t-elle.
Renforcer la résilience des jeunes femmes
Si sur le terrain, les jeunes femmes s’impliquent déjà dans des activités de lutte contre les effets du changement climatique telles que l’assainissement de leur environnement, le reboisement, la sensibilisation, beaucoup reste à faire pour renforcer leur résilience et apporter des solutions pour réduire leur vulnérabilité.

Pour Nsah, il faudrait d’abord documenter les besoins spécifiques des adolescentes et des jeunes femmes. « Une première étape essentielle consisterait à collecter systématiquement des données sur la manière dont le changement climatique affecte particulièrement les adolescentes et les jeunes femmes, dans toute leur diversité. Ces résultats devraient servir de base pour l’élaboration de politiques, l’allocation de fonds et le développement de programmes qui garantissent des solutions ciblées et efficaces », dit-elle.
Nsah suggère également quelques actions : investir dans des infrastructures résistantes au climat ; donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique ; renforcer les mesures de protection juridique et judiciaires, ainsi que les politiques en matière d’égalité des genres ; améliorer l’accès au fonds d’adaptation au climat ; développer l’éducation et la formation professionnelle et améliorer la sensibilisation et l’engagement des communautés.
« Pour inverser la tendance, il faut d’abord reconnaître que les femmes, en particulier les jeunes femmes, sont des actrices clés dans la lutte contre le changement climatique aujourd’hui. Cela dit, on devrait arrêter de se servir d’elles comme un « slogan bon marché » pour obtenir des financements », dit Atangana.
« Il faut qu’on leur donne réellement les moyens de prendre des décisions éclairées sur leur propre vie et sur leur environnement (…). Il faut intégrer la budgétisation sensible au genre dans les politiques et les programmes climatiques, pour s’assurer que les besoins et les perspectives des femmes soient pris en compte. Certes, cela se fait déjà, mais il faudrait dépasser l’étape des « slogans », des accords dans des salles climatisées, loin des réalités de terrain, en rendant cela concret et visible sur le terrain », ajoute-t-il.

Ce dernier suggère la mise en place d’un fonds climat régional géré par les femmes ayant un mécanisme flexible, pour financer les organisations locales dirigées par les femmes dans la zone. « Cela leur permettra de développer des projets et des programmes qui répondent à leurs besoins spécifiques et qui contribuent à la lutte contre le changement climatique », a-t-il dit.
Cette conjugaison d’efforts passera également par un changement des mentalités et du regard sur les femmes. « Le soutien aux jeunes femmes du Sahel passe par l’éducation, l’autonomisation financière et le renforcement des politiques de protection des adolescentes et des jeunes femmes. Investir dans l’éducation et la formation professionnelle des filles, améliorer l’accès à l’eau et aux soins de santé, soutenir les agricultrices avec de meilleures ressources peuvent renforcer leur résilience », dit Rifkatu.
« Le gouvernement doit également impliquer les femmes dans les décisions relatives au climat et mettre en œuvre des politiques de protection. Les programmes de protection de la nature et de sensibilisation menés par les communautés doivent, quant à eux, s’efforcer de faire évoluer les normes sociales qui considèrent les filles comme un fardeau économique. La somme de ces efforts peut conduire à un changement durable », conclut Rifkatu.
Image de bannière : Les survivants d’une inondation à Ahoada dans l’État de Rivers au Nigeria. Image de Hansel Ohioma via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).
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