- Des graines provenant de 19 espèces d’arbres africains ont été ajoutées à la collection de semences de la réserve mondiale du Svalbard, en Norvège.
- Les espèces ont été sélectionnées par le Centre international de recherche en agroforesterie pour la valeur qu’elles représentent pour les communautés à travers le continent.
- Les méthodes traditionnelles de conservation et les banques institutionnelles sont souvent vulnérables aux aléas susceptibles de détruire les stocks de semences.
- Les échantillons de graines déposés au Svalbard en février rejoignent une vaste collection destinée à protéger le patrimoine génétique mondial contre toute menace éventuelle.
Le 25 février, le Centre international de recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF) a déposé, dans la chambre forte du Svalbard, des graines issues d’espèces d’arbres ayant une valeur particulière pour les communautés à travers l’Afrique. Les 19 espèces sélectionnées sont constituées de 13 espèces africaines indigènes et de 6 autres espèces qui, après avoir été introduites sur le continent, ont pris toute leur importance sur les plans économique et écologique.
Parmi les espèces d’arbres sélectionnées figurent le baobab (Adansonia digitata), que les habitants de plusieurs pays africains affectionnent tout particulièrement pour ses fruits et ses feuilles comestibles, et le Faidherbia albida. Le Faidherbia albida est fort apprécié pour ses caractéristiques « multifonctionnelles » : ses racines enrichissent le sol en azote ; ses feuilles servent d’engrais et de fourrage au bétail ; il fournit de l’ombre aux cultures telles que le café ; ses branches peuvent être utilisées comme combustible et les graines qu’il produit pendant la saison sèche peuvent être consommées.
En outre, les baobabs qui abritent une grande variété d’espèces sauvages assurent un rôle essentiel au sein de l’écosystème forestier : leurs troncs massifs et leurs vastes systèmes racinaires créent des microhabitats pour les oiseaux, les insectes et les petits mammifères.
Cependant, sur l’ensemble du continent africain, les forêts sont en danger. Selon Ramni Jamnadass, responsable scientifique et conseillère principale auprès du CIFOR-ICRAF, ce sont près de 4 millions d’hectares (9,9 millions d’acres) de forêts qui sont détruits chaque année en raison de l’exploitation non durable et de l’expansion agricole. Par ailleurs, l’urbanisation est responsable de la fragmentation des parcelles forestières, et les changements climatiques affectent les zones initialement prospères à la croissance et au développement des cultures. « Toutes ces menaces associées les unes aux autres représentent, non seulement un danger pour la couverture forestière, mais aussi pour la diversité génétique elle-même, car les traits génétiques, que les espèces ont développés pour survivre et prospérer dans différents environnements, disparaissent avec chaque population perdue », a-t-elle expliqué à Mongabay.
Le stockage des semences dans la chambre forte du Svalbard vient compléter les nombreuses autres activités de recherche et de reboisement menées par l’institut – protégeant ainsi le patrimoine génétique des espèces contre toute menace éventuelle.
« L’importance de la conservation des graines va même au-delà de la préservation des espèces, car elle inclut la protection de la diversité génétique irremplaçable au sein des espèces, notamment des variétés locales et des sous-espèces, qui se sont adaptées à leur environnement local au fil des générations, en développant une tolérance spécifique à la sécheresse, une résistance aux maladies ou une adaptation aux caractéristiques du sol. Ces variations génétiques, souvent le fruit de la sélection naturelle et des pratiques de gestion traditionnelles, constituent des adaptations biologiques aux conditions locales, qu’il serait tout simplement impossible de recréer, si elles venaient à disparaître ».


Les chercheurs du CIFOR-ICRAF ont recueilli des graines aussi bien sur des espèces d’arbres sauvages que sur des arbres plantés dans des champs d’agriculteurs. Dans certains endroits, le centre scientifique collabore avec des groupes autochtones et des réseaux locaux de semences ; dans d’autres, il s’approvisionne auprès de centres de recherche, de jardins botaniques et de programmes de sélection de semences.
« Nous identifions tout d’abord les arbres mères présentant des caractéristiques génétiques supérieures, ensuite nous nous assurons que les graines représentent bien la diversité génétique de l’ensemble de la population », explique Ramni Jamnadass. « Nous sélectionnons souvent des graines issues de plusieurs arbres au sein d’une même espèce, afin de veiller à bien recueillir les variations génétiques », précise-t-elle.
Abasse Tougiani, chercheur à l’Institut national de recherche agronomique du Niger, a participé à plusieurs projets de reboisement dans son pays. Il revient sur les difficultés auxquelles se heurtent les chercheurs en matière de stockage des semences, aussi bien au niveau individuel que communautaire.
« Les conditions de stockage des semences ne sont parfois pas idéales pour assurer une conservation de qualité. Souvent, les installations prévues ne répondent pas aux normes établies et il arrive même que les semences soient stockées dans des greniers. Elles subissent donc des fluctuations de température, qui affectent leur viabilité et réduisent considérablement les taux de germination ».
Il a souligné que le dépôt des semences à la réserve du Svalbard représentait un filet de sécurité en cas de besoins futurs. « La réserve du Svalbard présente de nombreux avantages : elle préserve les semences des coupures d’électricité, des fluctuations de température et nous permet de contrôler régulièrement la viabilité et le taux de germination des semences».
Ramni Jamnadass a fait remarquer que la conservation des semences était un défi, non seulement pour les individus et les communautés locales (qui manquent de ressources pour les préserver en toute sécurité), mais aussi pour les banques de semences institutionnelles, notamment en raison des coûts d’entretien élevés, des besoins de régénération régulière des semences et des ressources humaines insuffisantes.
Nichée au cœur du pergélisol arctique de l’île norvégienne du Spitsberg, la chambre forte du Svalbard a été conçue comme une banque de secours pour préserver la biodiversité agricole mondiale. Elle contient actuellement 1,3 million d’échantillons de semences provenant du monde entier. Le CIFOR-ICRAF a été le premier institut à déposer des semences d’arbres tropicaux au Svalbard. À ce jour, l’institut a envoyé des semences provenant de 180 espèces différentes au Svalbard pour en assurer la protection et la conservation.

Banner image: Stephen Kenduiwo, membre d’une association locale de protection de l’environnement dans la forêt de Mau au Kenya, tenant dans sa main une graine provenant d’une espèce d’arbre indigène (2017). Image de Patrick Shepherd/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)
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Cet article a été publié initialement ici en anglais le 25 février, 2025.