- Initié pour une durée indéterminée, un nouveau projet lié à la gestion du crédit carbone, au Nord-Kivu, suscite l’espoir, dans les efforts de lutte contre la perte des forêts en RDC.
- Alors que la quasi-totalité de la population du Nord-Kivu recourt au charbon pour la cuisson, une initiative visant à réduire la pression sur les forêts primaires de la région est à pied d’œuvre.
- Alors que la RDC peine encore à diversifier les énergies renouvelables, de nombreux analystes estiment que les forêts artificielles restent la seule alternative pour limiter la destruction des forêts.
- Avec l’implication des organisations locales, des milliers d’arbres sont en cours de plantation au Nord-Kivu, pour booster les forêts artificielles dans cette partie du pays.
Unité de Gestion du crédit Carbonne (UGP Carbonne), tel est le nom d’un projet mis en œuvre au Nord-Kivu et visant à réduire la déforestation dans la partie Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Exécuté par de nombreuses associations environnementales au niveau local, « ce projet se veut un rempart contre le changement climatique et la perte de la biodiversité », indique Clément Balangiza Kataraka, son chef service de la Foresterie durable.
Il révèle que cette initiative a pris de l’envol depuis 2022 et est le premier du genre en RDC.
Selon Global Forest Watch, une plate-forme fournissant des données sur les forêts à travers le monde, le Parc national des Virunga a perdu 20,8 kilohectares de forêt tropicale primaire entre 2002 et 2023, ce qui représente 36 % de la perte totale de sa couverture arborée au cours de la même période.
Ledit projet vise à réduire la pression contre la forêt primaire du Parc national des Virunga au Nord-Kivu, déjà fragilisée, suite à la guerre qui sévit dans la région, selon de nombreux observateurs.
Kataraka, ne cache pas ses ambitions. « Des milliers d’hectares seront reboisés », dit-il. « Sur une période de 10 à 15 ans, on voudrait aménager au moins 20.000 hectares. Il faut avoir les moyens pour ça. Pour l’instant, nous avons déjà planté des arbres sur 4.916 hectares [soit 12 terrains de football] », ajoute-t-il.
Pour le moment, les territoires visés sont ceux situés autour du Parc national des Virunga, dont Rutshuru, Nyiragongo, Masisi, Beni et Lubero, à l’exception du territoire de Walikale, qui, selon Kataraka, a suffisamment de forêts. « Le projet en soi a une durée indéterminée, les forêts aménagées peuvent être conservées pendant plus de 25 ans, mais les activités que nous faisons ont une durée par saison », dit Kataraka.

7 espèces d’arbres sélectionnées à planter
Au total, c’est avec une centaine d’organisations locales que le projet travaille, dans les efforts de mise sur pied des forêts artificielles, qui serviront à faire du bois et du charbon de bois pour les communautés locales.
Selon l’UGP Carbonne, au Nord-Kivu comme dans le reste du pays, la biomasse reste le pilier de la cuisine pour les ménages, à la fois dans les zones rurales et dans les zones urbaines, où les consommateurs combinent plusieurs solutions dans leur cuisine quotidienne.
L’UGP Carbonne soutient la mise en place des pépinières en passant par le suivi technique jusqu’à la viabilité des plantations d’arbres. Elle soutient la formation des pépiniéristes, la formation sur les normes techniques et l’appui à la validation des plantations.
En raison de leur capacité à séquestrer le carbone et du choix des populations locales qui vont planter, quelques 7 espèces d’arbres ont été sélectionnées pour être plantées au Nord-Kivu.
Ce sont notamment le Grévillée robuste (Grevilea Robusta), le cèdre acajou (Cedrela Adorata), le gommier bleu de Sydney (Eucalyptus Saligna), l’acacia noir (Acacia Meanrsii) ; l’eucalyptus de Maiden (Eucalyptus Maidenni), le mundani (Acrocarpus Flaxinifolius) et le séné du Siam (Senna Siamea).

Si ces forêts artificielles sont à exploiter pour combler les besoins des communautés locales, il y a des normes qui régissent leur exploitation. « Dans nos conventions, on ne peut pas commencer à exploiter ces forêts avant 4 ans. C’est-à-dire que les arbres doivent avoir une dimension d’au moins 10 centimètres de diamètre pour la tige et là on peut commencer à exploiter la forêt peu à peu et de façon ordonnée », dit Kataraka.
Pour sa part, Glody Tambwe, activiste environnemental et initiateur de la foire Goma Expovert, salue ces initiatives de reboisement et croient qu’elles peuvent constituer un levier important dans la relance de la diversité biologique en difficultés, suite aux actions de l’homme.
« C’est un bon projet qui peut aider dans la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité, surtout en ce contexte où nous voyons que le Parc national des Virunga est détruit en raison de la guerre », souligne-t-il, demandant une vulgarisation dudit projet pour susciter implication une populaire à grande échelle.

Rendre plus vert le Nord-Kivu
En avril 2024, le maire de la ville de Goma, Faustin Kapend Kamand, avait publié un communiqué, appelant les habitants à planter des arbres dans leurs parcelles et à protéger ceux bordant le long des axes routiers.
Kapend Kamand a justifié sa décision, affirmant que cela vise à lutter contre les effets du changement climatique.
De nombreuses organisations locales sont associées à ce projet, visant à rendre plus vert le Nord-Kivu, dont la biodiversité pâtit depuis un certain moment suite à la carbonisation et aux conflits armés, selon de nombreux observateurs.
Ces organisations œuvrent dans les zones de Rutshuru, Nyiragongo, Masisi, Beni et Lubero dans la province du Nord-Kivu.
« Nous avons déjà fait près de 3000 plantules aux environs de Goma et en territoire de Masisi. L’idée est d’arriver à au moins 10 000 d’ici à 2026 et à 100 000 d’ici à 2030. C’est ainsi que nous allons contribuer à atténuer les effets du changement climatique », dit le responsable d’une organisation locale qui reboise autour de Goma et dans les territoires de Masisi et Nyiragongo, qui a préféré garder l’anonymat compte tenu du contexte sécuritaire actuel.

Cette organisation dit planter certains arbres utiles dans l’alimentation humaine, dont les caféiers, affirmant qu’elle vise à rendre « vertes » toutes les collines autour de la ville de Goma qui avaient été rasées par les populations déplacées à la recherche des bois de chauffe.
Cependant, une source proche d’UGP Carbonne, ayant préféré aussi garder l’anonymat, se dit préoccupée par la situation sécuritaire, qui prévaut au Nord-Kivu, à la suite des combats entre l’armée congolaise et le M23, qui s’est emparé de la ville de Goma et de tous ses environs, en janvier 2025.
« La guerre bloque tous les projets de développement. Le projet « UGP Carbonne » allait booster la biodiversité au Nord-Kivu. Mais, comme la guerre est là, désormais, tout est bloqué. Les belligérants devraient s’accorder et ne pas nuire aux initiatives vertes », dit-elle à Mongabay.
Image de bannière : Une équipe du “ Programme de reconstruction, pacification pour le développement économique ” allant planter les plantules au village Rusayu au Nord-Ouest de Goma. Image de Prosper Heri Ngorora pour Mongabay.
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