- Les efforts de stockage à long terme du carbone dans divers réservoirs, risquent d’être notablement entravés par plusieurs phénomènes météorologiques extrêmes et la propagation de nouveaux parasites et maladies.
- Une action anthropique par le reboisement, le changement d'utilisation des terres et de bonnes pratiques culturales peuvent augmenter la séquestration de carbone dans la sous-région.
- L’amélioration des pratiques de gestion dans les herbages – vastes zones couvertes d’herbes particulièrement utilisées pour le pâturage des animaux – peut renforcer le rôle de puits de carbone des sols et aider les pays à atteindre leurs objectifs climatiques.
- Tout changement de comportement observé à travers les activités de reboisement ou l’adoption de bonnes pratiques culturales, peut inverser la tendance actuelle dans le stockage d’une grande qualité de carbone pour une longue durée.
Les diminutions progressives de concentrations du dioxyde de carbone dans l’atmosphère n’ont été aussi significatives que récemment où l’on observe sa chute progressive annuelle de 0,25 %, suite aux activités humaines, notamment au niveau des points chauds de biodiversité en Afrique centrale et de l’Ouest.
Une étude publiée le 15 janvier 2025, dans la revue scientifique « Weather » de la Royal Meteorological Society, un centre de recherche basé au Royaume-Uni et qui travaille sur les sujets en rapport avec la climatologie, démontre que l’époque actuelle connaît une concentration atmosphérique de dioxyde de carbone estimée à plus de 1.9 ppm (parties par million), une baisse qui est en avance par rapport à la période des années 1960.
Le ppm permet de savoir combien de molécules de polluant on trouve sur un million de molécules d’air. Il permet donc d’évaluer très simplement la quantité de pollution dans une masse d’air donnée et de l’impact nocif de ces polluants sur l’atmosphère.
« Notre étude montre de manière concluante que la nature a perdu sa capacité à séquestrer le dioxyde de carbone de l’atmosphère par rapport à la période des années 1960 où le stockage à long terme du carbone était relativement stable », affirme Dr Sam Curran, chercheur à l’Agence écossaise de protection de l’environnement (SEPA, sigle en anglais), et co-auteur de cette étude.
Bien qu’il reste encore à préciser la partie du globe où les dégâts sont les plus importants, Dr Curran souligne que l’Afrique a besoin de définir une orientation stratégique claire de son économie avec des solutions appropriées de carbonisation, en vue d’éviter que la même erreur commise par les pays industrialisées puisse se reproduire.
L’étude souligne la nécessite de reconstruire la biodiversité mondiale et de restaurer ses services écosystémiques, y compris la séquestration naturelle de carbone, notamment au niveau des points chauds de biodiversité en Afrique notamment.

Emissions de gaz à effet de serre
Pour cette étude, les chercheurs se sont appuyés sur des données disponibles en libre accès pour mesurer les niveaux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère.
Cette recherche retrace notamment les niveaux d’augmentation de CO2 au cours des 10 dernières années, soulignant que les concentrations en dioxyde de carbone (CO2), estimées actuellement à +2,5 ppm, auraient été maintenus à +1,9 ppm de CO2 si la biosphère avait maintenues son évolution des années 1960.
Les concentrations en dioxyde de carbone (CO2) sont habituellement comprises entre 190 ppm (ères glaciaires) et 260 ppm (périodes chaudes).
Professeur James Curran, enseignant au Centre pour le développement durable de l’université de Strathclyde à Glasgow en Écosse et auteur principal de cette étude, affirme que les données recueillies au niveau de l’observatoire de Mauna Loa à Hawaï aux Etats-Unis, ont montré que l’absorption massive de CO2 dans l’atmosphère, notamment au niveau de l’hémisphère nord, montre l’ampleur des dégâts occasionnés par les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Dans les années 1960, la séquestration du CO2 par la biosphère terrestre a augmenté très rapidement. Si ce taux augmentation avait été maintenu jusqu’en 2024, elle aurait absorbé beaucoup plus de CO2 de l’atmosphère qu’elle ne l’est actuellement. Ainsi, Prof. Curran note que la hausse des émissions de gaz à effets de serre aurait été de +1,9 ppm, au lieu de ce qu’elle est actuellement : un taux beaucoup plus élevé de +2,5 ppm. « La différence de 0,6 ppm s’explique par le fait que la séquestration terrestre naturelle a atteint son pic et est maintenant en déclin à la suite des activités humaines », affirme-t-il à Mongabay.
La reforestation demeure, aux yeux des auteurs de cette étude comme la solution durable pour la capture et la séquestration de carbone.

Selon un récent rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publié au mois d’octobre 2024, les concentrations de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record en 2023, ce qui expose la planète à une hausse de températures pendant de nombreuses années.
Si le rapport de l’OMM montre qu’avec une hausse de plus de 10 % en 20 ans à peine, le dioxyde de carbone (CO2) s’accumule dans l’atmosphère plus rapidement que jamais dans l’histoire de l’humanité, Prof. Curran établit une chronologie des émissions de carbone dues aux activités humaines notamment.
Puits de carbone
Pour estimer les émissions de carbone dans les principales régions riches en biodiversité dont notamment l’Afrique centrale, l‘étude se basant sur des modèles établis montre que malgré les efforts actuels en cours pour renforcer les puits de carbone naturels en Afrique centrale notamment, leur diminution reste l’un des principaux risques à court terme.
« Certes, au niveau de certains points chauds de la biodiversité, ces efforts de stockage à long terme du carbone, dans divers réservoirs, risquent d’être notablement entravés par plusieurs phénomènes météorologiques extrêmes et la propagation de nouveaux parasites et maladies », affirme-t-il à Mongabay.
Dr Aimé Yao, chercheur indépendant en conservation des sols et changement climatique et professeur à l’université d’Abidjan en Côte d’Ivoire, affirme qu’en Afrique de l’Ouest et centrale, les sols agricoles ont un potentiel de séquestration du carbone.
Toutefois, il observe que certaines régions en Afrique ont du mal à utiliser des sols pour stocker davantage de carbone, grâce aux matières organiques qu’ils contiennent.

Dans un rapport mondial d’évaluation du carbone stocké par les sols, publié au mois de février 2023, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) affirme que l’amélioration des pratiques de gestion dans les herbages – vastes zones couvertes d’herbes utilisées en particulier pour le pâturage des animaux – peut renforcer le rôle de puits de carbone des sols et aider les pays à atteindre leurs objectifs climatiques.
D’après la FAO, stimuler la croissance des plantes, qui captent le carbone dans les sols, et protéger les stocks de carbone des sols à forte teneur en carbone organique restent parmi les meilleures solutions, pour surmonter ces difficultés posées par des pressions humaines couplées aux conditions climatiques.
Changement de comportement
En Afrique centrale, les estimations du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC) montrent que l’agriculture paysanne et, dans une moindre mesure, la collecte de bois-énergie, sont considérées comme les principaux moteurs de la déforestation dans le bassin du Congo.
La Commission des Forêts de l’Afrique centrale (COMIFAC) affirme que ces forêts denses humides, en
particulier celles de l’ouest du bassin du Congo, concentrent une grande partie de cette biomasse qui représente 10 à 20 % du stock de carbone végétal mondial.
Toutefois, Prof. Curran reconnait que tout changement de comportement à travers les activités de reboisement ou l’adoption de bonnes pratiques culturales, peut inverser la tendance actuelle dans le stockage d’une grande qualité de carbone pour une longue durée. « Le changement climatique est une urgence ; il exhorte tous les acteurs de tout mettre en œuvre pour reconstruire la biodiversité et les services écosystémiques associés, en vue de renforcer les stocks de carbone», dit-il à Mongabay.
Image de bannière : Les forêts naturelles au Rwanda comme ailleurs en Afrique centrale sont désignées comme des réservoirs importants de carbone. La réserve naturelle de Nyungwe située dans la partie rwandaise du bassin du Congo, est l’un des véritables puits de carbone. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.
Citation :
Curran J C, Curran S. (2025). Natural sequestration of carbon dioxide is in decline: climate change will accelerate. https://doi.org/10.1038/s41467-024-53169
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