- Le changement des régimes de précipitations entraîne des inondations de plus en plus fréquentes dans le district de Kasese en Ouganda, et celles-ci détruisent les champs et les habitations des agriculteurs.
- Les dégâts sont aggravés par la diminution du couvert forestier, car de nombreux arbres ont été coupés par des habitants pour le bois de chauffe.
- Janet Nyakairu Abwoli de Kasese organise des ateliers pour enseigner à des femmes comment planter et entretenir des arbres, en particulier des espèces de Dracaena et de Ficus.
- Ces espèces indigènes peuvent aider à prévenir l’érosion des terrains pentus et des berges de cours d’eau, à retenir l’humidité du sol, et fournir du fourrage pour le petit bétail et des ingrédients pour la médecine traditionnelle.
DISTRICT DE KASESE, Ouganda — Dans le district de Kasese de l’ouest de l’Ouganda, là où les montagnes Rwenzori rencontrent les plaines immenses du parc national Queen Elizabeth, Janet Nyakairu Abwoli est déterminée à revitaliser son territoire et à empouvoirer sa communauté. Les agriculteurs de cette région ont pendant longtemps bénéficié d’un sol fertile et d’une météo prévisible, mais au cours des 20 dernières années, les précipitations sont devenues de plus en plus irrégulières. Des inondations fréquentes ont amené la rivière principale du district à déborder, détruisant des habitations et emportant des champs.
La réponse d’Abwoli à ce phénomène est de planter des arbres. Debout à l’ombre du feuillage d’un bosquet de Ficus, elle sourit et montre la colline. « Nous ne plantons pas que des arbres », dit-elle. « Nous plantons de l’espoir ».

Evelyn Mugume, la responsable de l’environnement pour la municipalité de Kasese, dit que les régimes de précipitations ont changé dans le district. « Nous attendions les pluies au 15 août, mais aujourd’hui, elles commencent à la mi-septembre. Les inondations sont devenues des phénomènes courants, même dans des zones où il n’y a pas de rivières, et elles emportent des cultures, des habitations et des moyens de subsistance », dit-elle à Mongabay.
« Les températures, les saisons, ainsi que les régimes de précipitations et les sécheresses, ont tous sensiblement changé. Au cours des 10 à 20 dernières années, nous avons vu des sécheresses de longue durée, des précipitations intenses et plus brèves qui ne sont pas suffisantes pour soutenir la production et les rendements agricoles ».
En réponse, le gouvernement ougandais et des organisations de la société civile ont encouragé la plantation d’arbres comme solution. Ils incitent les gens du district de Kasese à planter des espèces indigènes, qui sont plus résistantes aux parasites et aux maladies, et offrent des bénéfices écologiques et socio-économiques.
« A chaque saison de pluies, les gens viennent à nous pour des arbres indigènes », dit Mugume. « Mais il ne suffit pas de planter des arbres, il faut aussi comprendre leur finalité et le rôle qu’ils jouent dans notre survie ».
Mugume dit que la municipalité de Kasese a mis en place des pépinières pour fournir des plants d’arbres gratuitement, en particulier à des femmes, afin de soutenir les efforts de reboisement.
Il y a huit ans, Abwoli a commencé à organiser des femmes, pour planter des arbres du genre Ficus près de leurs propriétés pour fournir de l’ombre et aider à lutter contre l’érosion et du genre Dracaena, dans leurs champs, pour retenir l’humidité du sol.

La puissance des arbres
Les arbres du genre Ficus sont rapidement devenus centraux à son initiative. Ces arbres, explique-t-elle, poussent vite et leur large canopée offre de l’ombre aux cultures et aux habitations. Leur système racinaire aide à empêcher l’érosion le long des berges des rivières et sur les terrains pentus en maintenant la cohésion du sol, et ils agissent également comme brise-vent et permettent ainsi de protéger les cultures de bananes, de café et autres.
Dans une région comme Rwenzori, où beaucoup de gens élèvent des chèvres, les feuilles des Ficus sont une source de fourrage.
Dracaena est une famille d’arbres et d’arbustes résistant à la sécheresse largement répandue en Afrique et en Asie du sud. D. afromontana, l’espèce de Dracaena la plus courante en Ouganda est traditionnellement plantée pour marquer les limites des parcelles de terrain familiales par le peuple Bakonzo, l’un des groupes ethniques qui vivent dans le district de Kasese. En Ouganda, les espèces de Dracaena sont également prisées pour leurs propriétés médicinales, les feuilles et les racines des plantes étant utilisées pour traiter les toux et les problèmes d’estomac.
Les arbres Ficus, appelés omutoma dans la langue Lukonzo, ont également une valeur culturelle pour le peuple Bakonzo, et sont souvent plantés sur un terrain familial comme symbole de patrimoine et d’origine. Malgré cela, les habitants coupent souvent ces arbres pour faire du bois de chauffe, car ils sont faciles à abattre, même si la forte teneur en humidité et les branches fibreuses et peu denses des Dracaenas en font un mauvais combustible.

Une pépinière pour la culture
Abwoli organise des ateliers pour enseigner à des femmes comment planter et entretenir ces arbres, profiter de leurs nombreux bénéfices dans les fermes et autour des propriétés. Son appréciation de la valeur des arbres vient de sa grand-mère, qui lui a appris l’importance médicinale et écologique des arbres indigènes.
« Ce que j’enseigne n’est pas nouveau », dit-elle. « C’est ce que nos ancêtres faisaient avant le début de la déforestation ».
Recommencer la plantation et la protection de ces arbres dans le district de Kasese représente à la fois une réponse pratique aux défis environnementaux et un renforcement du lien culturel.
Les efforts d’Abwoli gagnent en reconnaissance dans l’ensemble de la communauté et des responsables locaux et même des enseignants l’invitent à parler de son travail. Des femmes apprennent maintenant à leurs enfants à planter et entretenir des arbres, ce qui fait que l’héritage d’Abwoli perdurera.
« Les femmes, comme Abwoli, sont des piliers de notre communauté », dit Mugume. « Grâce à ses efforts, nous voyons que les arbres indigènes peuvent restaurer des paysages dégradés et améliorer la résilience contre le changement climatique ».
Des femmes qui ont planté des arbres avec Abwoli, il y a huit ans, voient des résultats remarquables. L’une d’entre elles, Jannet Kabugho, dit que les arbres ont transformé ses terres agricoles.
« Mon maïs ne sèche plus comme avant, et le sol reste humide, même pendant la saison sèche », dit Nyakairu. Certaines femmes récoltent et vendent des feuilles de Dracaena à des fins médicinales.
« Il ne s’agit pas seulement de planter des arbres », souligne Abwoli au cours de ses cours. « Il s’agit de protéger ce qui assure notre subsistance ».
Cependant, certaines des zones de plantation les plus récentes n’ont pas obtenu d’aussi bons résultats. Dans un village, plus de la moitié des plants n’ont pas survécu en raison de mauvaises pratiques d’arrosages. Kabugho dit que c’est un problème qu’Abwoli attribue à un manque de ressources et d’implication.
Les plants qui sont installés dans le district proviennent de différentes sources. Abwoli en cultive elle-même dans une pépinière chez elle, alors que d’autres proviennent du gouvernement municipal ou sont donnés par des ONG comme le WWF.
« Le coût pour acquérir et entretenir des plants est difficile à assumer pour de nombreuses familles de Kasese », dit-elle à Mongabay. « Un seul plant de Ficus qui est prêt à germer et bien pousser dans le jardin coûte environ 5 000 shillings ougandais (1,5 $). En plus, il faut un arrosoir pour assurer une irrigation régulière jusqu’à ce que le plant soit bien établi dans le sol ».
Les familles dont les revenus dépendent de l’agriculture de subsistance dépensent leur argent dans des nécessités comme les frais de scolarité, les frais médicaux et les vêtements. Même quand elles ont conscience des bénéfices à long terme, l’investissement de plusieurs milliers de shillings est souvent vu comme un luxe qu’elles ne peuvent pas se permettre.
« Nous voulons sauver nos terres et notre environnement », dit Abwoli, « mais pour la plupart des gens il est difficile de se lancer à cause des coûts de départ».
Les arbres plantés par des femmes, qui ont facilement accès à des ressources en eau ou à une main-d’œuvre supplémentaire, prospèrent le plus souvent. Mais, Mugume dit que celles qui sont surchargées par de lourdes charges de travail domestique, comme aller chercher de l’eau et du bois de chauffe, ont du mal à consacrer le temps et l’énergie nécessaires à entretenir leurs plants.
« J’ai essayé de planter, mais les chèvres ont tout mangé », dit Maria Kanyere, qui est veuve et élève ses trois enfants. « Je n’ai pas le temps de les clôturer ».
Johnson Karehero, le responsable des ressources naturelles du district de Kasese, dit qu’il est conscient des obstacles. « Le modèle d’Abwoli est en accord avec notre mission de protéger les espèces d’arbres indigènes et de restaurer les zones dégradées », dit-il. « Nous devons développer son initiative avec un soutien supplémentaire pour des outils et une formation pour soutenir ces efforts ».
Image de bannière : Janet Nyakiru Abwoli, district de Kasese, Ouganda. Image d’Innocent Kiiza pour Mongabay.
Cet article a été publié initialement ici en anglais le 23 janvier, 2024.