- Un ouvrier agricole de la Société sucrière du Cameroun (SOSUCAM) a perdu la vie, le 4 février 2025, à Mbandjock, à une centaine de kilomètres de Yaoundé, suite à des affrontements avec les forces de l’ordre lourdement armées.
- Les travailleurs saisonniers manifestaient pacifiquement pour revendiquer de meilleures conditions de travail.
- L’administration du Travail explique que des réponses avaient déjà été apportées aux revendications des travailleurs.
- Le Syndicat des travailleurs saisonniers de la filière canne à sucre (STRASCAS) a exprimé son indignation face à la situation et en appelle à une concertation avec l’entreprise pour une sortie rapide de crise.
YAOUNDÉ, Cameroun – Le travail n’a pas repris le jeudi 6 février 2025 dans les plantations de la Société sucrière du Cameroun (SOSUCAM), à Mbandjock et à Nkoteng, deux villes du Cameroun, situées au nord-ouest de la capitale Yaoundé, où la principale compagnie de production de sucre du pays mène ses activités.
D’après plusieurs sources locales contactées par Mongabay, les employés de cette société, filiale du groupe français SOMDIAA (Société d’organisation de management et de développement des industries alimentaires et agricoles), continuent de se terrer dans leurs maisons depuis la tuerie d’un travailleur saisonnier par des forces de l’ordre, le 4 février dernier, lors d’un sit-in du personnel de la société à Mbandjock.
Le nommé Djonra, ouvrier agricole de 28 ans, originaire de l’ethnie Massa de l’Extrême-nord du pays, serait tombé sous les balles des forces de l’ordre, mobilisées par les autorités locales pour disperser les travailleurs qui manifestaient pacifiquement. Nos sources rapportent que deux policiers auraient été grièvement blessés dans une escalade de violence qui s’en est suivie avec les grévistes. Les manifestants auraient également brûlé près de 150 hectares de plantations de canne à sucre, selon les autorités locales.

La tragédie du 4 février dernier est le couronnement d’un malaise qui couvait dans les rangs des travailleurs de la SOSUCAM depuis quelques temps. Les travailleurs , regroupés au sein du Syndicat des travailleurs saisonniers de la filière canne à sucre (STRASCAS), constituent 80 % de la main d’œuvre de la société. Ils sont entrés en grève, fin janvier dernier, pour protester contre la modification unilatérale et non justifiée de leur calendrier de paie et les retards de paiement de leurs salaires, mais aussi contre une réduction de leurs échelons catégoriels par l’entreprise, depuis la dernière campagne agricole 2023-2024.
La société a accédé à l’une de ces réclamations, en l’occurrence celle relative au retour du système de paie, indique une note d’informationdu nouveau directeur général de la SOSUCAM, Jean-Louis Liscio, publiée le 2 février 2025. Les autres revendications ayant été ignorées, les travailleurs ont continué la grève. La crise s’est enlisée, avec l’intervention des forces de l’ordre, et s’est généralisée dans les deux villes, très militarisées, où les habitants vivent désormais la peur au ventre.
« Il y a eu des débordements qui allaient au-delà du champ de compétences de l’administration du travail, ce qui a justifié l’entrée en jeu des FMO [Forces de maintien de l’ordre] à travers les autorités préfectorales », a confié un responsable du ministère du Travail et de la sécurité sociale (MINTSS), jeudi, à Mongabay, qui a préféré garder l’anonymat.

Ce dernier dit en outre que les responsables de l’administration locale du travail, les autorités administratives, ainsi que la direction générale de SOSUCAM, ont initié des concertations pour trouver une issue à la crise. Il assure que des réponses avaient été préalablement données aux revendications des travailleurs par l’entreprise, et que le ministère veille au suivi de leur application.
Pour autant, les membres du STRASCAS se sentent exclus du processus entrepris par les autorités et exigent la tenue d’« une rencontre tripartite entre les représentants des travailleurs saisonniers, la direction de la SOSUCAM et les décideurs publics, afin de résoudre durablement la situation actuelle », a dit Jean-Pierre Abmo, Responsable de la Communication du STRASCAS, à Mongabay, joint au téléphone.
Quelques mesures pour apaiser les tensions
Mongabay a également contacté la SOSUCAM pour connaitre les actions qu’elle a entreprises pour ramener le calme au sein de ses employés grévistes. La réponse de sa Chargée de la Communication, Andrée Raymonde Avom n’a été que laconique : « Nous sommes en pleine gestion de cette crise. Une communication de l’entreprise sera faite ».
Dans un communiqué publié le 6 février, la société se dit préoccupée par « l’arrêt total et contraint de ses activités » depuis plusieurs jours.
Une note d’information singée du Directeur général, Jean-Louis Liscio, publiée le 7 février 2025, énumère quelques mesures prises dans l’optique d’améliorer les conditions salariales des employés de la société. Il s’agit, entre autres, de la modification du taux horaire de l’ensemble de la grille des salaires d’une valeur de 5 francs CFA (0.007 USD), de la revalorisation de la prime mensuelle de salissure de 150 francs CFA (0.23 USD), de la revalorisation de la contribution mensuelle Employeur pour les agents d’exécution saisonniers de 500 francs CFA (0.79 USD). Toutefois, la note de Liscio ne fait aucune allusion à la disparition de l’ouvrier agricole de la société tué au cours du mouvement de revendication de travailleurs saisonniers.
Détenue à 26 % par l’État du Cameroun et à 74 % par le groupe SOMDIAA, la SOSUCAM a souvent fait l’objet de dénonciations de violations des droits de ses travailleurs ou de pollution environnementale dans ses zones d’activité.
La députée européenne, Marina Mesure, a réagi à cette énième crise entre la SOSUCAM et son personnel, en adressant une lettre au Commissaire au commerce et à la sécurité économique de l’Union Européenne, dans laquelle elle indexe « la responsabilité probable » de SOMDIAA, dans les violations répétées des droits des salariés de sa filiale.

Image de bannière : Une usine de la la Société sucrière du Cameroun (SOSUCAM), à Nkoteng, dans la région du Centre et le département de la Haute-Sanaga, au Cameroun. Image de Simbanematick via Wikimedia.
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