- Ce partenariat a été un catalyseur pour l’autonomisation des communautés locales, la création d’emplois durables.
- Le Parc national de Nouabalé-Ndoki se trouve dans une zone dominée par les forêts riches en faune, avec des espèces emblématiques, telles que les gorilles de plaine, les chimpanzés et des populations d’éléphants de forêt.
- Les savoirs autochtones ont été essentiels pour pérenniser les efforts de conservation.
- La quantité de viandes sauvages consommée annuellement dans le bassin du Congo est estimée à plus 7 millions de tonnes.
Une initiative pionnière de collaboration public-privé au niveau du Parc national de Nouabalé-Ndoki, au Nord du Congo, a permis de stabiliser les populations de faune sauvage dans les concessions forestières adjacentes de cette aire protégée, permettant ainsi aux communautés locales de jouer un rôle actif dans la conservation.
Le Parc national de Nouabalé Ndoki fait part du Trinational de la Sangha en Afrique centrale avec les parcs de Lobéké au Cameroun et le complexe d’aires protégées de Dzanga-Sangha en République centrafricaine.
Les dernières estimations officielles montrent que ce partenariat a joué un rôle essentiel dans la conservation d’espèces sauvages emblématiques à l’échelle mondiale, protégeant plus de 24 000 gorilles et 6 000 éléphants de forêt dans sa zone d’intervention.
Au-delà de la conservation de la faune sauvage, il a été un catalyseur pour l’autonomisation des communautés locales, la création d’emplois durables (plus de 165 contrats), ayant contribué à réduire considérablement la pression de la chasse et du braconnage.

Valoriser les savoirs autochtones
En Afrique centrale, une étude récente menée par la Société pour la conservation de la faune (WCS, sigle en anglais) rapporte que le Parc national de Nouabalé-Ndoki, qui couvre désormais une superficie de plus de 4,334 km2 de forêt tropicale de plaine contiguë [forêt dense et humide], au nord de la République du Congo, constitue le meilleur exemple d’écosystème forestier intact restant dans le bassin du Congo.
Les responsables de la WCS estiment que les savoirs autochtones ont été essentiels pour pérenniser les efforts de conservation, là où les communautés locales ont été consultées régulièrement en vue de proposer des solutions pour la gestion de leur terroir.
Grace à cette collaboration, les communautés établies dans la périphérie de cette forêt, dont essentiellement les membres des Baaka, peuple autochtone semi-nomade vivant essentiellement de la chasse et de la cueillette, ont été ainsi mobilisées comme partenaires, employés et bénéficiaires des efforts de conservation.
Morgane Cournarie, Directrice Technique au WCS, a révélé que les savoirs autochtones [savoirs et connaissances traditionnelles des communautés autochtones], ont été essentiels pour pérenniser les efforts de conservation et mieux comprendre la forêt dans cette zone à la frontière avec la République centrafricaine.
Conservation des espèces menacées
Depuis 2013, la WCS et la République du Congo ont signé un accord de partenariat public-privé sur la gestion du Parc national de Nouabalé-Ndoki, situé dans une zone dominée par les forêts riches en faune, dont notamment des espèces emblématiques telles que les gorilles de plaine, les chimpanzés et des populations d’éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis) d’importance mondiale.
Dans sa mise en exécution, ce projet de gestion des Ecosystèmes périphériques du Parc (PROGEPP), s’appuyant sur des données scientifiques et impliquant les peuples autochtones et les communautés locales, a pu démontrer qu’une collaboration entre le secteur privé, le gouvernement et les ONG a été utile dans la mise en œuvre des programmes de conservation des espèces animales menacées.
« Cette intégration du patrimoine culturel et des règles locales, combinée aux méthodes de conservation modernes, a permis aux communautés de devenir de véritables acteurs dans la protection des écosystème », souligne Morgane dans une interview à Mongabay.
Selon elle, la mobilisation des populations autochtones a été la clé qui a aidé dans l’accompagnement des activités génératrices de revenus, la surveillance et la lutte anti-braconnage.

Un rapport, publié en 2017, conjointement par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), montrent que la chasse villageoise, en Afrique centrale, a été toujours une activité qui contribue à la sécurité alimentaire ainsi qu’aux revenus des populations au niveau local et national.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si la protection de la faune peut être rentable face à une chasse visant toutes les espèces, y compris parmi les plus vulnérables dans la sous-région.
Des alternatives durables à la chasse
Pour remédier à ce phénomène, WCS et ses partenaires ont décidé ainsi de recourir aux initiatives visant l’accompagnement d’activités génératrices de revenus, là où les communautés locales disposent désormais de toute latitude pour continuer la récolte de produits non ligneux et la pêche traditionnelle.
« La bonne gestion de la faune sauvage a un impact significatif sur la conservation de nombreuses espèces parmi les plus menacées d’Afrique centrale », dit Morgane.

Les estimations de la WCS montrent que ce partenariat a permis la création de quelque 165 emplois avec aujourd’hui 66 employés, dont 36 écogardes. Cinquante d’entre eux sont locaux, permettant ainsi aux communautés locales de jouer un rôle actif dans la conservation.
En matière d’autonomisation économique, le soutien à la filière avicole a permis l’introduction d’une nouvelle race de poule plus résistante (de chair et d’œufs), et 4000 poulets sont aujourd’hui élevés dans la région, plus de 400 micro-entreprises ont été créées et soutenues, et plus de 40 groupes d’épargne ont vu le jour. Ces initiatives offrent des alternatives durables à la chasse, selon les initiateurs du projet.
« A travers ce partenariat, l’expérience démontre que la bonne gestion des concessions forestières a eu un impact significatif sur la conservation de nombreuses espèces parmi les plus menacées d’Afrique centrale », affirme Cournarie, de la WCS.
Alors que certains experts du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR-ICRAF) affirment que les peuples autochtones ont leur façon unique d’être en communion avec la nature, Morgane estime pour sa part qu’il s’avère indispensable de consulter cette partie de la population en vue de proposer des solutions pour la gestion de leur terroir.
« Ce partenariat dans le long terme, a permis de relever certains défis majeurs, en développant des alternatives à la viande de brousse en tant que source de protéines et de revenus pour ces communautés », dit-elle.
Les récentes estimations de CIFOR-ICRAF montrent que la quantité de viandes sauvages consommée annuellement dans le bassin du Congo est estimée à plus 7 millions de tonnes.

Vers une exploitation durable des espèces sauvages
Dans une publication intitulée « Communautés locales et utilisation de la faune en Afrique centrale », CIFOR souligne la nécessité de mettre en place en Afrique centrale les conditions d’une exploitation durable des espèces sauvages, pour faire face simultanément aux enjeux de conservation de la biodiversité, de sécurité alimentaire et de maintien des moyens de subsistance locaux.
Jean-Claude Nguinguiri, chercheur et expert en Foresterie pour le compte de la FAO et co-auteur de cette étude, affirme que la chasse pour la consommation domestique et comme source de revenus reste toujours une composante courante de l’économie des ménages en milieu forestier dans le bassin du Congo.
« Certes, des initiatives innovantes ont prouvé leur efficacité à travers la mobilisation des communautés locales dans la restauration de la faune sauvage, via des mécanismes de collaboration avec les acteurs de la conservation », dit-il à Mongabay.
En Afrique centrale, l’alimentation des populations locales repose essentiellement sur les produits des cultures locales alors que les protéines proviennent en premier lieu des poissons et en second lieu de la viande de brousse.
La mise en place de ce partenariat public-privé en Afrique centrale a été précédée par la création d’une structure de gouvernance appropriée pour faciliter le processus de concertation participatif.
« Ce partenariat permet aujourd’hui aux communautés locales de jouer un rôle actif dans la conservation », dit Morgane,
Pour sa part, Dr Christophe Mupenzi, Doyen de la Faculté des études environnementales à l’université laïque Adventistes de Kigali, déplore que, jusqu’ici, de nombreux pays en Afrique centrale, soient toujours confrontés à des difficultés sur la manière de rendre la conservation plus compatibles avec l’appropriation et l’autonomisation des communautés locales.
Image de bannière : Pan troglodytes dans le parc Serengeti Hodenhagen en 2017. Image de Frank Schwichtenberg via Wikimedia.
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