- Si les terres cultivables ont été abandonnées ou hors production en Afrique centrale, il peut être judicieux d'exploiter ces zones à des fins de conservation.
- Limiter la remise en culture reste essentiel si l'abandon doit contribuer à la conservation de la biodiversité
- La meilleure approche pour protéger la biodiversité dans les points sensibles comme le bassin du Congo est d’empêcher leur conversion à des fins agricoles. Les conséquences de l’abandon des terres sur la biodiversité et d’autres services d’écosystème sont plutôt négatives.
Une nouvelle étude montre que bien de nombreuses régions dont, notamment le bassin du Congo, ont connu l’expansion des terres arables, de larges surfaces cultivées par la suite abandonnées au cours des dernières décennies, constituent l’un des principaux facteurs de perte de biodiversité.
Entre 1987 et 2017, la plupart des espèces d’oiseaux (62,7 %) et des mammifères (77,7 %) ont bénéficié de l’abandon des champs cultivés, mais un nombre encore plus élevé d’espèces en auraient bénéficié (74,2 % et 86,3 %, respectivement) si ces terres n’étaient pas abandonnées.
Alors, les projections du Centre de recherche forestière internationale et le Centre international de recherche en agroforesterie (CIFOR-ICRAF) montrent que la population de la région du bassin du Congo va doubler d’ici à 2035, cela implique qu’il sera nécessaire de produire deux fois plus au plan agricole et donc d’augmenter considérablement les superficies cultivées.
Des chercheurs des universités américaines de Princeton et Madison, auteurs de cette étude, ont découvert que de nombreux oiseaux (32,2 %) et mammifères (27,8 %), parmi quelques 1 322 espèces recensées, ont subi une perte nette d’habitat après l’abandon des terres agricoles, en raison des changements démographiques, socioéconomiques et technologiques.
Dr Christopher Crawford, auteur principal de cette étude et enseignant à l’Ecole internationale des Affaires publiques de l’université de Princeton dans l’Etat de New Jersey (États-Unis), affirme que si les terres cultivables ont été abandonnées ou hors production, il peut être judicieux d’exploiter ces zones à des fins de conservation.
« Il est essentiel de limiter la remise en culture et de réduire les pertes supplémentaires d’habitats si l’on veut que l’abandon contribue à la conservation de la biodiversité », affirme le chercheur américain à Mongabay.
« La dégradation des terres, la désertification et la sécheresse sont parmi les principaux facteurs susceptibles de provoquer l’abandon des terres cultivées dans des situations spécifiques à travers l’Afrique et en particulier pour le bassin du Congo », a-t-il ajouté.
Selon lui, la meilleure approche pour protéger la biodiversité dans les points chauds de biodiversité, comme le bassin du Congo, est de préserver d’abord ces milieux naturels et d’empêcher leur conversion à des fins agricoles.
« La conversion des espaces protégés à des fins agricoles demeure la plus grande menace pour la biodiversité », dit Dr Crawford, qui recommande l’adoption de la pratique de l’agriculture dans des zones réservées pour cette activité uniquement.
D’après cette étude, publiée en octobre 2024, dans Nature Sustainability, qui repose sur l’analyse de 11 sites recensés sur quatre continents entre 1987 et 2017, l’abandon des terres cultivées représente une opportunité de conservation importante.
Limiter la remise en culture reste essentiel si l’abandon doit contribuer à la conservation de la biodiversité, souligne l’étude, qui estime « crucial » d’agir rapidement et efficacement pour protéger les écosystèmes fragiles.
En Afrique centrale et plus particulièrement dans le bassin du Congo, l’étude souligne que si les terres agricoles ne sont pas fertiles ou abandonnées en conséquence, cela permet à ces espaces de se régénérer pour être éventuellement bénéfiques pour la biodiversité.
« De nombreuses espèces ont besoin d’un habitat intact et ne peuvent pas subsister dans des écosystèmes dominés par l’homme ou sur des terres agricoles », dit Dr Crawford.
Une cartographie des habitats naturels et semi-naturels terrestres conçue par les chercheurs de l’université de Princeton montre que réduire la conversion terres intactes à des fins agricoles, constitue la première et la meilleure mesure à prendre pour réduire la perte de biodiversité.
Pour y parvenir, He Yin, Professeure assistante à l’université de Kent, dans l’Etat d’Ohio aux Etats-Unis également co-auteure de cette étude, reconnait l’importance d’accroître la productivité agricole par d’autres innovations, afin de pouvoir assurer l’approvisionnement alimentaire sans pour autant élargir des terres cultivables.
À moins que les terres cultivables abandonnées ne soient autorisées à se régénérer sans être remises en culture périodiquement, il est peu probable qu’elles apportent beaucoup d’avantages à la biodiversité.
« Du point de vue de la conservation, il n’est pas logique d’abandonner un champ existant et de tenter de nouveau à y exercer des activités agricoles », affirme-t-elle.
Conséquences de l’abandon des terres
Les auteurs de cette recherche estiment que pour le cas des zones sensibles de la biodiversité comme le bassin du Congo, où les habitats intacts ont une valeur très élevée, les terres cultivées abandonnées peuvent éventuellement apporter de grands bénéfices à la biodiversité.
Certes, affirment-ils, cette transformation risque de prendre parfois beaucoup de temps et la régénération n’est pas complètement réussie.
Yin et Crawford estiment toujours préférable de protéger les terres qui sont dans leur état naturel et intact.
Si l’étude affirme que, dans le processus d’abandon des terres agricoles il faut plusieurs années pour que cet espace puisse retrouver sa valeur de biodiversité, certains chercheurs affirment qu’au niveau du bassin du Congo, le secteur agricole s’avère être largement sous-performant en dépit de l’immense potentiel existant.
Selon les estimations de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Afrique centrale disposerait une plus grande superficie représentant 40 % dans l’ensemble des terres favorables pour l’agriculture sur le plan global.
« C’est particulièrement le cas dans les points chauds de la biodiversité comme le bassin du Congo, où les habitats intacts ont une très grande valeur », souligne Crawford.
Dr Apollinaire Williams, expert dans la conservation de la biodiversité et chercheur au Centre d’excellence en biodiversité et gestion des ressources naturelles à l’université du Rwanda, observe que pour la région du bassin du Congo, les conséquences de l’abandon des terres sur la biodiversité et d’autres services d’écosystème sont plutôt négatives.
«La mobilisation communautaire s’avère indispensable, car les avantages relatifs à la conservation de la biodiversité peuvent l’emporter sur les avantages marginaux liés à la poursuite des activités agricoles », dit-il à Mongabay.
Image de bannière : Un bulbul du Cameroun (Andropadus montana) nommé Virenci dans la réserve forestière de Yoko. Ils sont presque menacés en raison de la perte de leur habitat. Image de Ollivier Girard/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).
Citation :
Crawford, C.L., Wiebe, R.A., Yin, H. et al. (2024). Biodiversity consequences of cropland abandonment. Nat Sustain. https://doi.org/10.1038/s41893-024-01452-1
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