- Les chercheurs ont simulé un réchauffement à l'aide de radiateurs infrarouges sur des parcelles utilisées pour la culture du blé et du maïs, en adoptant deux pratiques de l'agriculture de conservation et l'agriculture conventionnelle.
- Les principaux bénéfices de l’agriculture de conservation reposent, non seulement sur l’amélioration de la santé des sols, mais aussi sur la réduction des pertes et dommages induits par le changement climatique.
- En Afrique centrale et de l’Ouest, les pratiques de l’agriculture de conservation se manifestent par la diversification des cultures, qui consistent à cultiver plusieurs espèces végétales dans une même exploitation.
- L’agriculture de conservation est pratiquée sur 12,5 % des terres arables dans un tiers des pays sur le plan global.
L’agriculture de conservation est présentée comme une solution durable dans l’amélioration de la santé des sols ; elle maintient les rendements des cultures compte tenu de la variabilité du climat, mais les scientifiques affirment que ces avantages peuvent être affectés par le réchauffement à long terme.
En Afrique de l’Ouest et du Centre considérée jusqu’ici comme zones présentant les avantages potentiels pour l’agriculture de conservation, une nouvelle étude montre que cette approche agricole offre des bénéfices significatifs à travers le renforcement de la résilience des écosystèmes, tout en garantissant une production alimentaire durable.
Une équipe de chercheurs de l’Académie chinoise des sciences (ACS), en étroite collaboration avec leurs pairs de différentes universités au Royaume Uni et en Espagne, vient de montrer que les méthodes de l’agriculture intensive détériorent la qualité des sols.
Dans cette étude publiée au mois d’octobre 2024 dans la revue Nature Communications, les chercheurs ont analysé les effets de l’agriculture de conservation par rapport à l’agriculture conventionnelle sur 17 terres cultivables, pour déterminer la diversité microbienne et le rendement des cultures, au cours d’un réchauffement expérimental s’étendant sur une période de huit ans.
Durant la phase expérimentale qui a duré huit ans, les chercheurs ont simulé un réchauffement à l’aide de radiateurs infrarouges sur des parcelles utilisées pour la culture du blé et du maïs en adoptant deux pratiques de l’agriculture de conservation et de l’agriculture conventionnelle.
Les effets du réchauffement ont été modifiés par la gestion des sols, et les sols soumis à l’agriculture de conservation étaient plus frais (14,0 °C contre 14,7 °C) et plus humides (17,1 % contre 15,9 %) que ceux soumis à l’agriculture conventionnelle.
En comparant les mutations accumulées, les chercheurs ont pu confirmer que, par rapport à la pratique conventionnelle, l’agriculture de conservation entraîne une augmentation moyenne de 21 % de la santé des sols et permet une augmentation de la productivité malgré le réchauffement climatique à long terme.
Amélioration de la santé des sols
Dr Zhenling Cui, chercheur au Collège des sciences de l’environnement à l’Académie nationale du développement vert de l’université agricole de Chine, à Beijing, affirme que cette recherche apporte des preuves convaincantes que l’agriculture de conservation peut être bénéfique pour la productivité agricole dans certaines régions affectées par les aléas climatiques.
« Outre les approches et techniques d’une agriculture de conservation sur le bien-être chimique du sol, nous montrons que l’agriculture de conservation contribue à renforcer la résilience et la durabilité des systèmes de production agricole à long terme », a expliqué Dr Zhenling à Mongabay.
Les principaux bénéfices de l’agriculture de conservation, selon elle, reposent, non seulement sur l’amélioration de la santé des sols, mais aussi sur la réduction des pertes et dommages induits par le changement climatique.
Les résultats d’une étude similaire du Centre international de biosciences agricoles (CABI, sigle en anglais), publiée au mois de décembre 2013, par une équipe de chercheurs appartenant à plusieurs institutions de recherche agronomique, montrent que les régions d’Afrique de l’Ouest et centrale figurent parmi les zones où les bénéfices potentiels de l’agriculture de conservation restent énormes.
Ces avantages sont susceptibles de permettre aux agriculteurs de relever l’important défi de l’intensification durable des systèmes de production.
Toutefois, l’étude souligne que l’adoption et la vulgarisation des pratiques appropriées pour cette nouvelle forme d’agriculture restent jusqu’à présent au niveau plus bas, ce qui rend compliquée son adoption pour les petites exploitations agricoles de cette sous-région.
Certes, les preuves disponibles tendent à confirmer les effets positifs attendus de l’agriculture de conservation dans la lutte contre la dégradation des sols (amélioration des propriétés du sol, de la biodiversité, du contrôle du ruissellement et de l’érosion) et son potentiel dans l’amélioration des moyens de subsistance, pour les agriculteurs de petite taille dans la région d’Afrique centrale et de l’Ouest.
Cette situation s’explique par le fait que la dégradation des terres associée à l’agriculture intensive, selon la nouvelle étude, a réduit considérablement la disponibilité des sols essentiels de la production alimentaire, dont la raréfaction souligne la nécessité impérative de les exploiter et de les gérer de manière durable.
« Les conséquences à long terme du réchauffement climatique, combinées à la demande urgente d’augmentation de la production alimentaire dans certaines régions, nécessitent des options de gestion des terres résilientes au climat », a souligné Jennifer Dungait, Professeure en Géochimie organique à l’université d’Exeter, située dans le Sud-Ouest de l’Angleterre et co-auteure de cette étude.
Unique solution fondée sur la nature
En Afrique centrale et de l’Ouest, les pratiques de l’agriculture de conservation se manifestent par la diversification des cultures qui consiste à cultiver plusieurs espèces végétales dans une même exploitation ou d’autres pratiques destinées à protéger constamment la surface du sol avec des plantes vivantes ou des matériaux organiques en vue d’améliorer la fertilité et la structure du sol.
« Ces pratiques sont essentielles pour conserver l’humidité, nourrir la vie du sol et favoriser la biodiversité », explique Professeure Dungait à Mongabay.
Dr Marie Laure Rurangwa, chercheuse en conservation des sols, forêt et déforestation et responsable du projet Crête Congo-Nil (un nom emprunté de la ligne continentale de partage des eaux, qui sépare les bassins versants du Nil et du Congo à l’Ouest du Rwanda) pour le compte de l’Autorité forestière du Rwanda (RFA, sigle en anglais), soutient que l’agriculture de conservation des sols constitue un atout pour les agriculteurs de petite taille dans la partie rwandaise du bassin du Congo.
Le projet, sous la houlette du Dr Rurangwa, envisage de promouvoir les pratiques d’une agriculture de conservation, en vue de prévenir les pertes de terres arables tout en régénérant les terres dégradées sur une superficie de quelque 3,300 hectares dans les districts de Rusizi (Sud-Ouest), Nyamasheke (Sud-Ouest), Rutsiro (Ouest), Karongi (Ouest) et Nyabihu (Nord-Ouest), dans la partie rwandaise du bassin du Congo, notamment.
« La culture dans les terrasses radicales reste la meilleure méthode de référence dans ces régions montagneuses pour maintenir la qualité du sol et lutter contre l’érosion », a-t-elle fait savoir à Mongabay.
Dans le but de contribuer à la restauration des terres arables dégradées, Dr Rurangwa plaide pour les pratiques agroforestières de conservation des sols comme solution à long terme dans la partie rwandaise du bassin du Congo face au changement climatique. « Les systèmes agroforestiers dans ces zones agricoles dégradées apparaissent comme prioritaires», affirme-t-elle.
L’étude souligne que l’agriculture de conservation reste l’unique solution fondée sur la nature pour maintenir la production alimentaire et promouvoir simultanément la santé des sols en Afrique centrale et de l’Ouest.
Une large gamme d’avantages environnementaux associés à l’adoption de l’agriculture de conservation, à travers notamment l’amélioration de la santé des sols et le stockage de carbone dans les terres cultivables, a conduit à l’adoption de cette pratique sur 12,5 % des terres arables dans un tiers des pays sur le plan global. « Ce qui est bon pour la qualité du sol l’est aussi pour la productivité agricole », dit Dr Zhenling Cui.
Image de bannière : Un producteur de haricots vérifie sa récolte en RD Congo. Image de CIAT/NeilPalmer via Flickr (CC BY-SA 2.0).
Citation :
Teng, J., Hou, R., Dungait, J.A.J. et al. (2024). Conservation agriculture improves soil health and sustains crop yields after long-term warming. Nat Commun 15, 8785. https://doi.org/10.1038/s41467-024-53169-6.
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