- L’approvisionnement en eau de la capitale kenyane, Nairobi, dépend du fleuve Tana qui coule sur 1 000 km dans le nord du pays jusqu’à l’océan Indien.
- Ces dernières décennies, des agriculteurs ont coupé des forêts pour cultiver les versants abrupts des hauteurs du bassin du fleuve, ce qui a dégradé la qualité de l’eau.
- Le Upper Tana-Nairobi Water Fund (UTNWF) a été établi en 2015. Il récolte de l’argent auprès des entreprises et du gouvernement pour payer la restauration du bassin versant et le reboisement de cette ressource essentielle.
- Le fonds a rencontré un certain succès, mais il doit renforcer les connaissances spécialisées en matière de solutions axées sur la nature chez les responsables du secteur de l’eau.
NAIROBI — L’approvisionnement en eau des cinq millions d’habitants de Nairobi et de quatre millions d’autres personnes dépend du fleuve Tana, qui coule sur 1 000 km, des montagnes d’Aberdare jusqu’à l’océan Indien. L’expansion de l’agriculture pendant des décennies sur les hauteurs du bassin hydrographique du fleuve Tana, a dépouillé les pentes d’arbres, ce qui a provoqué une érosion qui a compromis à la fois les terres agricoles et la qualité de l’eau dont la capitale kenyane dépend. Aujourd’hui, les fortes pluies emportent rapidement le sol dans la rivière, ce qui réduit la productivité des terres agricoles et bouche les infrastructures d’eau et de production d’électricité avec des sédiments.
Le fleuve coule à peu près d’ouest en est sur 1 000 km de ses sources dans les montagnes Aberdare, à travers les plaines et les collines du comté de Garissa, où les éleveurs nomades sont passés maîtres dans l’élevage de bétail, dans ce paysage aride qu’ils partagent avec des antilopes gáránúug menacées (Litocranius walleri) et des girafes de Rothschild (Giraffa camelopardalis) en danger, puis à travers des zones plus boisées jusqu’à ce qu’il atteigne les marécages et les habitats côtiers du vaste delta au niveau de la baie d’Ungwana.
Les problèmes causés par le déboisement s’étendent bien au-delà du bassin, versant du Tana. À cause de l’approvisionnement en eau peu fiable de leurs foyers, de nombreux habitants de Nairobi, la capitale et la ville la plus grande du Kenya, sont forcés d’acheter de l’eau en jerricanes pour boire, cuisiner et se laver. Les utilisateurs industriels et commerciaux doivent également prendre des dispositions de secours. Et alors que la population de la ville continue à augmenter et que le changement climatique entraîne des pluies de plus en plus imprévisibles, assurer la sécurité en eau ne peut devenir que plus difficile.
« Si nos écosystèmes d’eau douce ne sont pas sains, ils ne peuvent pas constituer la base pour la sécurité en eau dont nous avons besoin, pour la nature au sens large, pour les plantes et les animaux, les villes ainsi que nos économies », a dit Naabia Ofosu-Amaah, une conseillère sur les questions d’eau et de résilience au climat dans l’ONG américaine The Nature Conservancy (TNC).
En 2015, TNC a lancé l’Upper Tana-Nairobi Water Fund (UTNWF) pour financer des initiatives de conservation de l’eau en amont, notamment la restauration et le reboisement du bassin versant, avec de l’argent provenant d’entreprises, de services publics, d’organisation de conservation et du gouvernement.
Le fonds, a-t-elle déclaré lors d’un événement récent organisé par le Programme des Nations Unies pour le développement, travaille à mettre en place une interaction équilibrée entre l’eau et le sol à l’intérieur du bassin versant du fleuve Tana, en se concentrant sur les 3 000 petits exploitants agricoles engagés dans la culture de différentes productions comme le thé, le café et les bananes.
TNC a approché de puissantes entreprises au Kenya, dont East African Breweries, Coca-Cola, la société d’eau et d’assainissement de Nairobi (NCWSC) et le fournisseur d’électricité KenGen, et les a invités à soutenir le travail destiné à résoudre les problèmes d’eau à leur source. Ces organismes ont beaucoup à perdre si la dégradation du bassin du fleuve n’est pas inversée.
Améliorer la qualité et la quantité de l’eau
Edith Alusa, la directrice générale du fonds, a expliqué à Mongabay que les trois régions prioritaires en amont du fleuve Tana, les rivières Sagana-Gura, Maragua et Thika-Chania, jouent un rôle critique dans l’amélioration de la qualité et de la quantité de l’eau.
Le fonds travaille avec les agriculteurs et les autorités locales dans ces régions pour créer des zones tampons le long des rives, développer l’agroforesterie, et terrasser certaines des terres agricoles les plus pentues, afin de réduire l’érosion. Il soutient également le reboisement de terres dégradées en bordure de forêt, la création de bandes herbeuses tampons autour des terres agricoles et l’atténuation de l’érosion des routes de terre.
« Les interventions démontrent un retour sur investissement viable de la création d’un fonds pour l’eau, avec une réduction de plus de 50 % de la concentration en sédiments dans les rivières et une augmentation allant jusqu’à 15 % en apport en eau annuel dans les bassins, versants prioritaires, pendant la saison sèche », a dit Alusa.
« Dans l’ensemble, un investissement de 10 millions de dollars dans des interventions du fonds pour l’eau devrait rapporter 21,5 millions de dollars en avantages économiques sur une période de 30 ans. » Elle a expliqué que si l’UTWNF avait commencé en tant que programme de la TNC, il s’agissait d’une entité indépendante enregistrée depuis 2021.
Ofusu-Amaah a dit que l’UTWNF a engrangé des succès, mais a ajouté que le modèle avait aussi rencontré des difficultés. « Nous avons vu ces programmes mis en place dans le monde entier depuis des années, et il y a à la fois des succès et des obstacles ».
Les obstacles comprennent un manque de compréhension ou de connaissances spécialisées des solutions que les activités de l’UTWNF proposent. Par exemple, de nombreux responsables du secteur de l’eau ont l’habitude des solutions d’ingénierie lourdes contre les problèmes d’érosion. Leur fournir une formation pour les aider à comprendre et évaluer le potentiel de solutions axées sur la nature est essentiel, mais cela demande du temps et de l’argent.
Ofosu-Amaah a dit qu’elle espère voir beaucoup plus d’investissement dans les approches axées sur la nature dans les cinq prochaines années. Sur cette période, a-t-elle indiqué, plus d’espèces retourneront dans leurs habitats restaurés dans le bassin du fleuve Tana, et les utilisateurs domestiques et commerciaux d’eau profiteront d’approvisionnements fiables en eau de meilleure qualité.
Paul Gacheru, chargé d’espèces et de sites à Nature Kenya, la plus ancienne ONG de conservation en Afrique, a indiqué que l’UTNWF offre un mécanisme de financement alternatif important pour la conservation, en mettant des fonds à la disposition des communautés vivant dans la partie supérieure du bassin hydrographique du Tana. « Cela peut favoriser une gestion des terres durable et une restauration des paysages. Cela améliorera la qualité et la quantité de l’eau, et permettra de maintenir et de protéger l’écosystème », a-t-il dit à Mongabay.
Il a indiqué qu’il voyait le fonds comme un complément au travail mené par le ministère de l’Environnement, du Changement climatique et des Forêts pour protéger le bassin fluvial, le plus grand du pays par zone. « Selon moi, l’UTNWF ne doit pas remplacer ou reprendre le rôle du gouvernement dans la gestion du territoire comme le prévoit notre Constitution, mais compléter le processus ».
Sans écosystèmes d’eau douce vigoureux, a dit Ofusu-Amaah, il n’y aura plus d’eau pour satisfaire les besoins humains ou du paysage naturel plus large. « Il est très important que les systèmes écologiques soient le fondement de la sécurité en eau. C’est pourquoi nous considérons la protection et la restauration de la nature comme étant cruciales pour assurer notre sécurité en eau ».
Image de bannière : L’agricultrice Rachael Njeri a commencé à cultiver des bandes de plantes fourragères sur son exploitation, ce qui prévient l’érosion du sol et lui permet de récolter du fourrage pour son bétail. Image de Georgina Smith/CIAT via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).
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