- Une étude révèle que le taux d'élévation du niveau moyen mondial de la mer a doublé au cours des trois dernières décennies.
- Le réchauffement climatique et l'augmentation des gaz à effet de serre sont à l’origine de cette montée du niveau de la mer.
- Les experts recommandent aux communautés côtières de prévoir des mesures d'adaptation telles que la construction d'infrastructures résilientes, la restauration des écosystèmes côtiers comme les mangroves, ou encore des efforts de végétalisation pour fixer le sable sur les côtes.
Selon une étude, le taux d’élévation du niveau moyen mondial de la mer a doublé au cours des trois dernières décennies. « Les deux principaux facteurs de l’élévation du niveau mondial de la mer sont l’expansion thermique des océans, qui absorbent environ 90 % de la chaleur excédentaire due aux gaz à effet de serre, et la fonte des glaces terrestres, qui augmente la masse d’eau dans les océans », précise l’étude publiée en octobre 2024, dans la revue Communications Earth & Environment, par des chercheurs du California Institute of Technology aux Etats-Unis.
Concrètement, il y a eu augmentation du niveau moyen global des océans au fil du temps. Cette hausse est causée principalement par deux phénomènes liés au réchauffement climatique à savoir, l’expansion thermique des océans – lorsque l’eau se réchauffe, elle se dilate et prend plus de place- ainsi que la fonte des glaces terrestres qui ajoute de l’eau dans les océans.
Ces phénomènes ont été mesurés à l’aide de technologies comme les bouées Argo, qui flottent dans les océans pour mesurer la température et la salinité de l’eau, les satellites GRACE et GRACE Follow-On, qui surveillent les changements de masse de la terre, y compris la fonte des glaces, ainsi que la mission Oceans Melting Greenland qui analyse comment le réchauffement des océans affecte la fonte des glaciers au Groenland. Les chercheurs affirment que les données collectées depuis 2020 ont permis de suivre avec précision l’élévation du niveau de la mer sur plus de 30 ans.
Aider les communautés côtières à s’adapter
L’étude souligne également l’importance de comprendre, non seulement l’ampleur de cette élévation, mais aussi sa vitesse, afin d’aider les communautés côtières à planifier leurs stratégies d’adaptation face aux impacts futurs du changement climatique.
Robillard Kouekam, ingénieur halieutique et chargé du suivi écologique au sein de l’ONG camerounaise « Association pour la Conservation de la Biodiversité », pense que l’élévation du niveau de la mer peut avoir plusieurs impacts néfastes pour les populations côtières, surtout que ces populations dépendent très souvent d’activités halieutiques pour leur survie.
« On peut avoir un impact sur l’accès à l’eau douce. L’eau de mer qui pénètre dans les nappes phréatiques peut entraîner une salinisation de l’eau douce, ce qui peut rendre l’accès à l’eau potable plus difficile pour les populations locales. Les communautés côtières dépendent souvent de l’océan pour leurs moyens d’existence, comme la pêche, le tourisme et le commerce maritime. L’élévation du niveau de la mer peut perturber ces activités et avoir des répercussions économiques », dit au téléphone Kouekam à Mongabay.
Il ajoute : « les zones basses seront plus vulnérables aux inondations lors des marées hautes et des tempêtes, ce qui peut mettre en danger les vies et les biens des populations. Ces inondations peuvent entraîner la propagation de maladies d’origine hydrique et la détérioration des infrastructures sanitaires. On peut même avoir la perte du patrimoine culturel, car les communautés côtières ont souvent un riche patrimoine culturel lié à leur histoire maritime et à leur relation avec l’océan. L’élévation du niveau de la mer peut entraîner la perte de sites culturels et historiques importants ».
Un défi urgent pour les communautés côtières
Selon l’étude, les communautés côtières doivent porter une attention particulière à l’accélération du taux d’élévation du niveau de la mer, car elle a un impact direct sur leurs stratégies d’adaptation face au changement climatique. En intégrant les données réelles sur l’élévation du niveau de la mer, les communautés peuvent mieux ajuster leurs projections locales aux scénarios mondiaux.
Cela permet également de réduire les incertitudes liées à des phénomènes naturels comme El Niño, offrant ainsi une meilleure compréhension des impacts potentiels du changement climatique sur leurs côtes.
En conséquence, ces données sont essentielles pour anticiper et gérer les risques d’inondation et d’érosion, renforçant ainsi la résilience des populations côtières.
D’après l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), en 2023, par exemple, « les records ont été battus l’année dernière « en ce qui concerne la chaleur des océans, l’élévation du niveau de la mer, la perte de glaces de mer dans l’Antarctique et le recul des glaciers ».
« A la fin de 2023, plus de 90 % des océans de la planète avaient connu des vagues de chaleur à un moment ou à un autre de l’année. L’ensemble des glaciers de référence à travers la planète a subi la perte de glaces la plus importante jamais enregistrée (depuis 1950), en raison d’une fonte extrême dans l’ouest de l’Amérique du Nord et de l’Europe, selon des données préliminaires », indique L’OMM dans son rapport sur l’état du climat mondial 2023.
Roméo Salla, météorologue et chargé des prévisions marines, à la direction de la Météorologie nationale au Cameroun, indique à Mongabay que ce phénomène, bien qu’il soit perceptible sur d’autres continents, n’épargne pas l’Afrique. « Les calottes glaciaires qui sont des reliefs sous forme de glace fondent en antarctique et dans certains pays européens. Comme ces calottes sont liées à la mer, la fonte augmente le niveau de la mer. La mer étant un seul ensemble, ce phénomène va se ressentir même au niveau de l’Afrique», dit Salla.
« Pour éviter cela, il faut d’abord lutter contre les changements climatiques, car plus les calottes vont fondre, plus le niveau de la mer va augmenter. Les communautés côtières peuvent aussi prendre d’autres mesures comme la protection à travers la construction des digues et des murs de défense. Mais, ces infrastructures sont coûteuses », ajoute le météorologue.
Construire des infrastructures plus hautes
Salla préconise aussi l’accommodation qui consiste à modifier la structure des nouveaux bâtiments en construisant des infrastructures plus hautes. Pour lui, l’adaptation inclut également l’amélioration des écosystèmes à travers la plantation des arbres qui vont servir de barrière. « L’expérience a prouvé que la mangrove, par exemple, réussit à retenir l’avancée du niveau de la mer. Mais, les populations parfois, s’impliquent dans la destruction de la mangrove à des fins économiques. Elles détruisent la mangrove côtière au lieu d’encourager le reboisement », dit Salla.
Il pense que cette stratégie, basée sur les écosystèmes, se heurte au fait que les villes côtières sont beaucoup sollicitées en termes d’habitations. Elles sont généralement des pôles touristiques et plus tard, des pôles industriels à cause de l’ouverture à la mer. Avec la forte concentration de populations et d’activités, la mangrove va se retrouver coincée entre l’urbanisation et l’avancée de la mer et finira par s’éteindre, exposant directement les villes côtières.
Le dernier recours, selon Salla, consiste au retrait des populations vers des zones plus éloignées de la mer et donc moins exposées, même si, sur le plan culturel, cette option se heurte au refus des concernées, en raison de leurs histoires et cultures auxquelles elles restent très attachées.
L’étude indique que le niveau de la mer pourrait augmenter d’environ 6,5 millimètres par an. En 2050, si la tendance actuelle de son élévation continue, ce niveau va monter chaque année à un rythme plus rapide qu’aujourd’hui.
Salla explique à Mongabay que ce phénomène, bien qu’étant inquiétant, s’établit sur des périodes considérables de l’ordre de plusieurs décennies ou sur des siècles. Il soulève l’urgence de considérer des phénomènes maritimes traduisant l’agitation de la mer comme les vagues et houles, qui peuvent, en quelques heures, créer de graves conséquences, pour les populations locales et leurs activités.
Il encourage les populations à faire usage des procédés traditionnels, pour relever et enregistrer les différentes avancées de la mer, qui pourraient servir à de fins de recherche pour le développement. Comme autre solution pour limiter les dégâts causés par la montée des eaux, Salla recommande aux populations de suivre et de tenir compte des prévisions météo-marines, à l’exemple de celles produites par la Direction de la Météorologie Nationale au Cameroun.
Ursla Koumbo, biologiste animale et coordinatrice du Réseau des Acteurs de la Sauvegarde des Tortues Marines en Afrique Centrale (Rastoma), indique à Mongabay que la végétalisation des côtes est une solution de résilience aux effets du changement climatique. « Les effets du changement climatique sont déjà visibles sur les côtes africaines, avec l’élévation du niveau de la mer et l’érosion. Nous pensons qu’il faut planter les arbres là où les végétaux ont disparu, ou là où il n’ y en a pas. Cette végétation côtière va permettre de fixer le sable sur les côtes et d’aider ces côtes à ne pas disparaitre », dit Koumbo.
« L’idéal est de planter plusieurs types de végétaux qui seront utiles à la population : les plantes rampantes, les arbres fruitiers et même les plantes médicinales. De tels projets ont eu du succès au Sénégal et en Tunisie, il n’en existe pas encore au Cameroun. Notre réseau est au stade de la recherche de financement pour implémenter un tel projet», ajoute Koumbo.
L’étude souligne l’importance de poursuivre la surveillance continue du niveau de la mer, afin de mieux comprendre et prévoir les évolutions futures. Une des recommandations majeures est d’intégrer les données observées dans les projections locales de l’élévation du niveau de la mer, ce qui permettrait de bien adapter les stratégies aux réalités spécifiques des régions côtières.
Image de bannière : Un homme assis devant une maison délabrée à Chorkor, une banlieue d’Accra, montre les effets de l’érosion côtière. La fonte des calottes glaciaires et l’expansion des océans en raison de leur réchauffement signifient que la mer s’enfonce désormais dans le littoral ghanéen. Image de Ernest Ankomah Frimpong via Wikimedia.
Citation:
Hamlington, B.D., Bellas-Manley, A., Willis, J.K. et al. (2024).The rate of global sea level rise doubled during the past three decades. Commun Earth Environ 5, 601. https://doi.org/10.1038/s43247-024-01761-5.
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