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La défense des joyaux cachés des forêts de la province de Copperbelt en Zambie

  • Une communauté locale a pris en charge la protection et la gestion de parcelles de petites forêts d’arbres à feuilles persistantes, appelées mushitus, qui ont récemment fait l’objet d’abattage illégal.
  • Les agents forestiers, armés de smartphones, font face aux abatteurs, tout en faisant respecter les interdictions de surutilisation par les habitants.
  • Pendant les périodes de grande sécheresse, comme cette année, la forêt est un moyen de survie pour les villages en chefferie de Ndubeni. Ainsi, les habitants n’en dépendent pas seulement pour l’eau, mais également pour se nourrir et se soigner.
  • La forêt a une très grande importance culturelle et historique, et la protéger est essentiel pour sauvegarder l’histoire culturelle de la communauté.

MPONGWE, Zambie — La forêt marécageuse de Chimfuneme, dans la province de Copperbelt (« la ceinture du cuivre »), tire son nom, qui signifie « refuge », de la langue locale (le lamba), de l’époque lointaine où des conflits déchiraient des clans rivaux et ceux qui vivaient près de cette forteresse naturelle impénétrable, et s’y cachaient pour échapper aux envahisseurs.

Aujourd’hui, les envahisseurs viennent armés de tronçonneuses, pas de lances, et leur cible est la forêt. Mais la communauté locale a une nouvelle défense : des gardes forestiers honoraires armés de smartphones.

« S’ils [les abatteurs illégaux] sont là avec un camion, nous prenons une photo du numéro de la plaque, ou même du camion, et nous l’envoyons au bureau », dit Rhodah Kabunda, l’une de gardes forestières âgées de 21 ans. « Ils n’iront nulle part, ils [les fonctionnaires du Département des forêts] les attraperont ».

Jackson Mkandawire, un agent de vulgarisation chez WeForest, montre à des gardes forestiers honoraires une carte sur son téléphone, qui indique les limites de la forêt d’Imanda, au sein desquelles aucune exploitation forestière commerciale n’est autorisée. Image de Ryan Truscott pour Mongabay.

Récemment, elle et d’autres gardes, dont le titre complet est « garde forestier communautaire honoraire », ont confronté un groupe qui essayait de couper et d’emporter des troncs dans l’un des mushitus, comme les habitants nomment ces forêts marécageuses. Ils ont envoyé les photos du numéro de plaque du véhicule des abatteurs au bureau local du Département des forêts à Mpongwe, qui se trouve à 25 kilomètres.

Le véhicule a été mis en fourrière et l’affaire est maintenant devant les tribunaux.

« Je crois qu’il [le camion] est maintenant au commissariat », dit Kabunda.

Les véhicules utilisés dans l’abattage illégal sont confisqués au bénéfice de l’État et leurs conducteurs et ceux qui les aident à charger risquent des peines de prison ou des amendes. Les procureurs zambiens ont commencé à combler les lacunes juridiques qui permettaient aux propriétaires de réclamer rapidement leurs camions et de payer les amendes des hommes qu’ils avaient embauchés pour les conduire.

Selon les termes d’un accord de gestion des forêts par la communauté, signé en septembre entre le gouvernement et la communauté, l’autorité sur les mushitus a été transférée de l’État aux membres de la chefferie de Ndubeni.

Bornface Katite, un gestionnaire de projet pour le groupe de conservation WeForest Zambia, basé à Mpongwe, explique que l’accord représente l’aboutissement des mois de négociations entre son organisation, le Département des forêts et des membres de la communauté.

En 2023, avant la signature de l’accord et le recrutement des gardes forestiers honoraires, des abatteurs sont entrés illégalement dans le plus grand mushitu appelé Imanda. Ils ont abattu de grands arbres et scié des centaines de planches, mais les habitants de la zone de Mulela voisine ont averti les autorités. Les abatteurs ont été arrêtés et les planches confisquées.

Cet incident a constitué un tournant décisif sur lequel WeForest et ses partenaires ont pu s’appuyer, fait remarquer Katite.

Ignatius Kakompe, agriculteur, débout à côté d’un acajou, qui a récemment été coupé par des abatteurs illégaux. « Ils sont venus la nuit avec un camion, et puis ils sont repartis [avec le bois] », dit-il. L’accord de gestion des forêts par la communauté et ses gardes forestiers mettront un terme à la venue d’étrangers, qui viennent voler des bois rares, pour les vendre dans la ville voisine de Mpongwe. Image de Ryan Truscott pour Mongabay.

« Ils [les membres de la communauté] jouent désormais un rôle essentiel dans la protection [des mushitus], en sachant pertinemment, que, seuls, quelques individus, qui enfreignent les règles coutumières, bénéficiaient de l’abattage illégal ».

Lorsque Mongabay a visité les forêts mushitus, début octobre, c’était la pleine saison sèche et la région était en proie à une forte sécheresse. Pourtant, le sol de la parcelle de forêt de Chimfuneme, cette cachette historique des anciens membres des clans, était couvert de fougères, parsemé de bassins d’eau cristalline et ombragé par une canopée dense d’arbres aux troncs épais ornés de lianes.

Les mushitus, avec leurs zones humides et prairies voisines, abritent une grande variété d’oiseaux : plus de 220 espèces ont été répertoriées jusqu’ici. Mais lors d’une année de sécheresse comme celle-ci, où les agriculteurs de la chefferie voisine font face à des récoltes fortement réduites de leur culture principale de maïs, les mushitus sont aussi un moyen de survie.

Les tiges tendres des palmiers de la forêt, appelées chisonge dans la langue locale (le lamba), sont récoltées par certains villageois et cuisinées pour remplacer le chou. Les eaux permanentes, qui inondent le sol des forêts, au plus fort des pluies d’été, en février et mars, abritent de nombreux poissons toute l’année, que les villageois peuvent attraper et consommer pour les protéines.

Ces dernières années, certains membres de la communauté ont commencé à surpêcher les bassins et les cours d’eau. Certains ont utilisé des moustiquaires pour piéger les poissons au lieu des paniers de pêche traditionnels, ou ils ont utilisé du poison, et les populations de poissons n’ont pas eu assez de temps pour se régénérer.

Tapson Nkata, l’un des gardes forestiers récemment recrutés, dit que les difficultés liées à la sécheresse de cette année, et les nouvelles menaces posées par l’abattage commercial ont entraîné une prise de conscience nécessaire par la communauté, dont la gouvernance commençait à être moins bonne.

En patrouille à l’intérieur de la forêt marécageuse de Chimfuneme. Même, au plus fort de la saison sèche, après des mois de sécheresse, à l’intérieur de la forêt, il reste des bassins d’eau douce. Image de Ryan Truscott pour Mongabay.

Aujourd’hui, âgé d’un peu plus de 60 ans, Nkata est né à Lusaka, la capitale. Mais, sa famille a déménagé dans ce district en 1969, quand il avait 6 ans. À l’époque, les choses étaient différentes.

« Nous pouvions attraper beaucoup de poissons, pas comme aujourd’hui, et il y avait bien plus d’animaux partout », raconte-t-il. Aujourd’hui, même les petites antilopes comme le céphalophe commun sont rares. Et alors que dans le passé, il existait des interdictions de planter des cultures à l’intérieur des mushitus, aujourd’hui des gens défrichent de grands jardins au cœur des parcelles de forêt.

« Ce sont des endroits marécageux, le maïs y germe et y pousse donc facilement », dit Nkata. La sensibilisation des habitants est essentielle pour s’attaquer à ces menaces locales, et c’est actuellement l’une des tâches importantes des gardes forestiers.

« Lorsque nous leur parlons, ils nous disent, “nous comprenons” », dit Nkata. « Ils savent qu’ils commettent une faute ».

Tapson Nkata, l’un des gardes forestiers honoraires, dit que le fait de préserver les mushitus signifie que « tout le monde peut être heureux ; il peut y avoir de nombreux avantages [pour la communauté] ». Image de Ryan Truscott pour Mongabay.

Non loin de Chimfuneme, se trouve un autre mushitu appelé Misangwa. Son nom veut dire « un lieu où l’on peut tout trouver », ce qui est clin d’œil à son abondance naturelle.

Ignatius Kakompe, un agriculteur, indique des arbres qui servent de médicament et de nourriture.

Il y a les troncs larges et cannelés des figuiers sycomores, Ficus sycomorus, dont les fruits sont mangés par les humains et par des troupes de singes, que les habitants appellent insange (Cercopithecus mitis), et des arbres à quinine (Rauvolfia caffra), dont les feuilles servent à traiter les infections respiratoires. « Pendant la période de la COVID-19, nous en faisions cuire dans une casserole pour respirer la vapeur », raconte-t-il.

Mais, un peu plus loin, Kakompe découvre une zone qui a été défrichée de tout, à l’exception des plus grands arbres, par un agriculteur du coin, pour faire pousser des légumes, et une autre à proximité où une couche de feuilles mortes a été réduite en cendres encore chaudes. Kakompe soupçonne que des chasseurs se trouvant aux abords de la forêt y ont mis le feu pour essayer de faire sortir de gros rongeurs comestibles appelés rats des roseaux.

Là, parmi les plantes fumantes et brûlées, il y a des palmiers de Chisonge carbonisés. Leurs pousses tendres ne nourriront personne maintenant. Le feu a aussi endommagé la base de certains des plus gros arbres, comme ceux qui produisent les fruits comestibles de la taille de raisins appelés insombos récoltés entre novembre et janvier.

En regardant la destruction avec un œil d’agriculteur, Kakompe estime que près d’un hectare de forêt a brûlé. « C’est vraiment dommage ».

Sous sa gouvernance, la communauté prévoit non seulement d’interdire l’abattage commercial dans la forêt, mais également de mettre un terme à ces sortes de pratiques non durables des habitants de la zone.

Les membres de la communauté pourront toujours aller dans la forêt pour chercher des plantes médicinales, couper des poteaux pour les habitations, pêcher dans les bassins et récolter du miel des ruches, mais ils devront payer pour des permis pour le faire. Un pourcentage de l’argent récolté servira à soutenir les cliniques et les écoles locales, ainsi que les personnes âgées. L’objectif est de rendre la distribution de l’abondance de la forêt plus équitable, explique Katite, le représentant de WeForest.

« Lorsque les personnes arrivent à un âge avancé, il devient difficile pour elles d’aller dans la forêt ou même de profiter de ses bienfaits, mais grâce à une structure comme le groupe de gestion communautaire de la forêt, ces besoins spéciaux se verront donner la priorité », dit-il.

D’autres services écosystémiques moins tangibles pourraient apparaître à l’avenir.

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Dans la parcelle de forêt d’Imanda, pas loin de l’endroit, où des abatteurs ont coupé illégalement de grands arbres l’année dernière, de petites étiquettes argentées sont accrochées à hauteur d’homme sur d’épais troncs d’arbres et de jeunes arbres. Chacun des arbres marqués pousse dans l’une des 20 parcelles, qui mesurent 20 mètres par 20 mètres et qui font l’objet d’une surveillance. WeForest, le Département des forêts, et le groupe de gestion communautaire de la forêt mesurent actuellement la vitesse de croissance des arbres pour estimer la quantité de carbone qu’ils stockent.

Ce n’est qu’un début, mais ce travail suggère que des projets de capture du carbone pourraient être mis en place dans les mushitus, ce qui est une autre raison de garder les arbres debout.

Et des membres de la communauté locale comme Kabunda, la garde forestière de 21 ans, la défendent désormais avec ferveur, armés de rien d’autre que d’un smartphone, d’enthousiasme et du soutien total de la communauté.

« J’aimerais que les enfants viennent et voient la forêt d’Imanda », dit-elle. « Je ne veux pas qu’elle soit détruite, je veux que ceux qui ne sont pas encore nés puissent trouver la forêt d’Imanda comme ça [intacte]. »

Image de bannière : Une souche d’arbre au cœur de la forêt d’Imanda. Image de Ryan Truscott pour Mongabay.

Cet article a été publié initialement ici en anglais le 31 octobre, 2024.

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