- Jean Illunga Muneng est le Point focal de la Convention sur la lutte contre la désertification au ministère de l’environnement en République démocratique du Congo (RDC), chef de la division désertification, celle qui est chargée de la convention de la lutte contre la désertification et assistant point focal opérationnel pour le fond mondial pour l’environnement (Dief).
- Le bassin du Congo fait face à plusieurs dangers, notamment la dégradation de terre, la déforestation et autres, qui peuvent mettre en péril sa forêt ainsi que la biodiversité qui y vit.
- La RDC rencontre plusieurs menaces environnementales, mais l’un des plus grands défi se situe au niveau du gouvernement congolais.
Lors de la COP26 en Novembre 2021 en Ecosse, Felix Tshisekedi, Président de la RDC, qualifie son pays de «pays solution ». Il lance le programme gouvernemental « jardin scolaire », « 1 milliard d’arbres à l’horizon 2023 » avec l’objectif de contribuer à la restauration des écosystèmes, et à l’augmentation du couvert forestier, qui devra atteindre 63 % du territoire national d’ici à 2030.
Il espère ainsi amplifier l’action de son pays dans la lutte contre le changement climatique , la pauvreté et la protection de la biodiversité par la Restauration des Paysages Forestiers (RPF), ce qui lui donne une valeur à la fois écologique et économique.
Selon Eve Bazaiba, ministre congolaise de l’Environnement, ce projet a atteint près de 90 % de son objectif, mais que dire de sa durabilité, en particulier des pousses plantées ?
Lors d’une interview à Mongabay, Jean Ilunga Muneng, Point focal de la Convention sur la lutte contre la désertification, et Assistant point focal opérationnel pour le Fond mondial pour l’environnement (Dief), a partagé son avis sur la question. Pour lui, ce programme ainsi que plusieurs autres font face à plusieurs défis, notamment celui de la durabilité de leur réalisation.
Mongabay : Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’environnement en RDC et quel impact sur la biodiversité du pays ?
Jean Illunga Muneng : Le bassin du Congo s’étend sur six pays allant du Cameroun à la Guinée Equatoriale. Il couvre ainsi la majeure partie de la RDC, le pays africain qui dispose de la plus vaste étendue de forêts. A cause de ses énormes réserves de minéraux verts, sa grande capacité hydroélectrique et ses forêts vierges, la RDC peut jouer un rôle important dans le changement climatique.
Pourtant, l’une des principales activités qui constitue une véritable menace environnementale est la déforestation, parce que la principale activité en RDC est l’activité agricole. Or l’agriculture itinérante sur brûlis dévore de plus en plus d’espaces forestiers. C’est l’un des principaux drivers de la déforestation.
À côté de ça, il y a aussi les activités minières, un élément important de la dégradation environnementale en RDC. La RDC est connue pour sa richesse en minéraux. C’est surtout le sud et l’est qui sont encore frappés, car c’est là que l’on trouve les principales ressources minières, et ça cause vraiment de sérieux problèmes environnementaux, non seulement de dégradation de terre mais aussi de pollution. Que ce soit l’activité minière industrielle ou artisanale, elle cause beaucoup de dégâts sur l’environnement, notamment en polluant les rivières, en utilisant les produits pour l’extraction ou le raffinage des minéraux.
Quand vous déforestez, ça veut dire que vous réduisez l’espace vitaux pour certaines espèces animales, et il y a aussi d’intenses activités de braconnage et des pratiques, qui font peser de grandes menaces sur l’environnement, par exemple la pêche qui n’est plus très bien régulée et où certaines pratiques font que l’on pêche avec des moustiquaires, on ne respecte pas les zones de frayage, ce qui fait qu’il y a diminution, voire disparition de certaines espèces de poissons.
Le braconnage aussi menace sur la biodiversité et, bien-sûr, quand il y a l’activité minière, quand on procède à l’installation de carrières et des mines, ça a aussi un impact sur la biodiversité.
Mais les dégradations du sol restent la grande menace contre l’environnement en RDC. Cela entraîne la déforestation, les reprises d’érosions et la détérioration du sol.
Mongabay : Cette dégradation des sols concerne quelles parties du pays ?
Jean Illunga Muneng : On constate que le problème de la dégradation se pose un peu partout dans le pays, mais avec beaucoup plus d’acuité dans deux zones particulières : la partie Est et le Sud-est de la République qui subissent un peu l’influence de l’avancée du désert du Kalahari, parce que c’est pratiquement le même écosystème qu’en Afrique australe. Les problèmes de sécheresse qui se posent en Afrique australe sont de plus en plus présents en RDC. Ce sont ces deux régions qui sont principalement frappées par ce problème de sécheresse et de dégradation de terre.
Mongabay: Quels sont les exemples de programmes ou projets concrets que vous mettez en œuvre pour combattre cette dégradation de terre ?
Jean Illunga Muneng : Là, nous sommes dans un programme sur la gestion du bassin du Congo. Nous avons un projet national, dans le cadre de ce programme avec le Dief et l’INEP pour la gestion de terre et de forêt dans trois zones d’intervention, qui sont le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et la région de l’équateur.
Mongabay : Le gouvernement congolais a lancé quelques programmes d’adaptation contre les effets du changement climatique, entre autres le jardin scolaire avec 1 milliard d’arbres à l’horizon 2023. Quel bilan tirez-vous de ces initiatives ?
Jean Illunga Muneng : Le problème de la plupart de nos projets est que certains ont atteint des objectifs positifs mais le problème est la durabilité, et souvent lorsque le financement n’est plus disponible, les activités s’arrêtent pratiquement. La durabilité de ces actions n’est pas assurée. Le grand défi est qu’il ne faut pas que ces actions s’arrêtent lorsque la source du financement n’est plus disponible.
Mongabay : Pouvez-vous nous citer un projet victime de ce défi ?
Jean Illunga Muneng : Par exemple, on avait un projet financé par le FM [Ndlr, Fond mondial ] sur l’adaptation et qui a mis en place un programme d’adaptation au niveau de la zone côtière, qu’on a appelé “PANA ZONE CÔTIÈRE”, où on a notamment entrepris la construction d’une digue, pour essayer de freiner l’érosion côtière, mais malheureusement le projet s’est arrêté, faute de financement, et le gouvernement devait reprendre l’activité qui avait été entreprise pour la construction de ces digues, ce qui n’est pas encore fait, et la digue a commencé à se dégrader.
Mongabay : Et que ferez-vous concrètement ?
Jean Illunga Muneng : Essayer de diminuer la pression sur les forêts pour les deux Kivu, principalement et dans des parcs nationaux. Parce que les communautés ont de plus en plus besoin d’espaces et les ressources se retrouvent en plus grand nombre dans les aires protégées. Donc, on mène des actions pour soulager un peu la pression sur les parcs nationaux en mettant en place des activités, qui permettent aux communautés d’avoir d’autres sources de revenus, pour qu’elles ne fassent pas pression sur les aires protégées.
Dans le cadre de ce projet, on prend en compte la gestion des tourbières pour voir comment on peut mettre en place des activités transfrontalières, qui permettent la conservation de ces tourbières. Et veiller à ce que ces tourbières ne soient pas exploitées, parce que ça augmente encore plus la quantité de CO2. Ce sont des puits importants de rétention du carbone. C’est les genres d’activité que l’on veut faire dans le cadre de ce projet.
Image de bannière : Jean Ilunga Muneng, point focal de la convention sur la lutte contre la désertification, et assistant point focal opérationnel pour le fond mondial pour l’environnement (Dief). Image de Thomas-Diego Badia pour Mongabay.
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