- En réponse aux dégâts provoqués par la déforestation et l’exploitation minière illégale, l’organisation Sierra Leone Environment Matters (SLEM) aide des habitants du district de Kenema à planter des arbres et à changer leurs cultures pour des espèces plus résistantes aux changements climatiques.
- Le paysage autour des monts Kambui, une réserve de bois à valeur commerciale, est vital pour les communautés locales qui en dépendent pour l’agriculture, le tourisme, la signification culturelle ainsi que pour la conservation de l’eau et la régulation du climat. La région abrite également de nombreuses espèces en danger.
- Les agriculteurs locaux sont confrontés aux changements climatiques et à la baisse des rendements de leur culture principale, le riz. SLEM fait la promotion de cultures alternatives plus résistantes aux changements climatiques, comme les patates douces, le manioc et l’igname, ainsi que des arbres fruitiers comme le manguier ou le papayer.
Pendant deux ans, une organisation de bénévoles de l’est de la Sierra Leone a travaillé pour encourager les habitants du district de Kenema à planter des arbres et à cultiver des espèces plus résistantes aux changements climatiques. Les 50 membres de Sierra Leone Environment Matter cherchaient à protéger à la fois les moyens de subsistance agricoles des habitants déclinant face aux changements météorologiques, et la réserve forestière des monts Kambui qui a subi des dégâts liés aux exploitations forestières et minières illégales.
Lors d’une interview au téléphone, le fondateur de SLEM, John Kamara, a dit à Mongabay que la biodiversité et les ressources naturelles, dont dépendent les habitants de la réserve forestière des monts Kambui, ont subi des dégâts du fait d’exploitations forestières et minières illégales. Les monts sont vitaux pour l’agriculture, la sylviculture, le tourisme, la conservation de l’eau et la régulation du climat, et ils ont également une valeur culturelle pour les communautés locales.
Les monts Kambui constituent une réserve de bois à valeur commerciale, qui sert également de zone tampon à la réserve de Gola voisine. Le paysage autour de la réserve forestière est une forêt tropicale secondaire mature, un mélange d’arbres à feuillage persistant et semi-persistant à plus haute altitude, qui laisse place à des buissons et des taillis (et des exploitations agricoles) dans les plaines. La réserve proprement dite est constituée de la partie nord de Kambui de 20 000 hectares et d’une partie sud de Kambui plus petite de 880 hectares, qui sont séparées par la route principale de la ville de Kenema, à 10 kilomètres à l’est de la réserve.
Les populations des zones environnantes utilisent la forêt à diverses fins, dont la récolte de bois de chauffage et la production de charbon de bois, l’exploitation minière illégale de l’or et des diamants et la chasse. La présence de nombreuses espèces a été documentée dans cette région de la Sierra Leone, notamment des colobes et des chimpanzés d’Afrique occidentale (Pan troglodytes verus), des grues couronnées (Balearica pavonina), des pics à raies noires (Dendropicos lugubris), de nombreuses espèces de calao et une foule d’insectes, de reptiles et d’amphibiens. Les habitants vendent du charbon de bois et de la viande de brousse, notamment des chauves-souris, des singes, des oiseaux et des rats des roseaux sur le marché de Kenema et au-delà.
Lors d’une interview réalisée dans la capitale sierra-léonaise, Freetown, Abdulai Dauda, un chef de projet d’une autre organisation travaillant également à protéger les écosystèmes dans le district, la Conservation Society Sierra Leone (CSSL), a dit à Mongabay que la principale menace pesant sur la réserve forestière est l’abattage illégal par des membres des communautés qui dépendent de la forêt pour le bois de chauffage, le charbon de bois et le bois de construction. Si l’on ajoute le fait que des agriculteurs utilisent des feux pour défricher des terrains pour les planter, les forêts du district de Kenema souffrent d’importantes dégradations et de l’érosion. D’après Dauda, le district connaît également des changements des régimes pluviométriques.
Ces phénomènes ont affecté les récoltes des agriculteurs. Kamara (SLEM), qui a grandi dans la région, a expliqué que ces dernières années de fortes pluies ont entraîné une grave érosion des sols. « Nous sommes confrontés à des précipitations imprévisibles, avec des pluies diluviennes qui tombent en très peu de temps, plutôt que des précipitations réparties régulièrement », a-t-il dit à Mongabay au téléphone.
« Lors de nos rencontres avec les populations locales, les gens nous parlent de leurs expériences et de leurs inquiétudes à propos des pluies, qui sont devenues de plus en plus irrégulières, avec des périodes de sécheresse prolongées et des pluies diluviennes, qui tombent de plus en plus souvent », a-t-il dit, « et cette imprévisibilité rend difficile la planification des plantations et des récoltes pour les agriculteurs, ce qui entraîne de mauvaises récoltes et des rendements réduits ».
En octobre 2023, au plus fort de la saison des pluies, Kenema a vécu l’une des pires inondations de son histoire, qui a détruit de nombreuses récoltes et déplacé des milliers d’habitants.
Les inondations ont également emporté de nombreuses routes, ce qui a empêché les agriculteurs d’apporter les récoltes, qui avaient survécu au déluge pour les vendre à Kenema.
Kamara a dit que la saison sèche, qui a suivi, a été la plus longue et la plus chaude des trente dernières années. Les agriculteurs du district, qui vendent du riz, du manioc, des patates douces et du maïs, ont dit à SLEM qu’ils avaient des difficultés à trouver de l’eau pour irriguer leurs cultures de saison sèche et faire boire leur bétail.
« Lors de conversations avec des petits agriculteurs dans des communautés comme Bafawahun, Combema, Konabu et d’autres villages, tous étaient d’accord pour dire que les sécheresses, les températures élevées et irrégulières, de même que les précipitations irrégulières, sont les trois principaux phénomènes météorologiques extrêmes, qui contribuent à une perte importante de rendement des productions principales qu’ils cultivent, en réponse aux effets négatifs des conditions météorologiques défavorables ».
L’organisation SLEM, fondée en 2019, avait 50 membres bénévoles, qui avaient pour mission de sensibiliser les communautés et de favoriser leur engagement, afin de protéger cette zone écologique essentielle, a expliqué Kamara à Mongabay. Le programme de jardin communautaire de SLEM a servi à montrer des adaptations pratiques aux conditions climatiques changeantes. Il a expliqué que les agriculteurs sont confrontés à des baisses des récoltes de leur production principale, le riz. Le programme de SLEM a orienté les agriculteurs vers des cultures alternatives plus résistantes aux changements climatiques comme les patates douces, le manioc et l’igname, et les a encouragés à planter des arbres fruitiers comme le manguier ou le papayer.
Le programme d’éducation en matière d’environnement du groupe comprenait des informations sur la diversification des cultures, la production et l’utilisation d’engrais biologiques, ainsi que sur des pratiques d’agroforesterie, pour améliorer la fertilité du sol et conserver de l’eau, et sur les cultures résistantes à la sécheresse, qui aident les agriculteurs à s’adapter au changement des régimes de précipitations.
SLEM a également mis en place une pépinière dans l’un des villages du district, Bafawahun. L’objectif était de recruter des habitants des villages de Kenema pour commencer à restaurer le couvert forestier, afin de ralentir l’érosion des sols, d’améliorer la qualité de l’eau et de restaurer les habitats d’animaux, qui avaient été perdus.
« En retour, ces écosystèmes restaurés joueront un rôle vital en atténuant les impacts du changement climatique et en assurant une production durable de nourriture dans la région », a-t-il expliqué.
Dauda de la CSSL a déclaré que le travail de SLEM a eu un impact dans le district. « Les communautés locales, surtout les petits agriculteurs, ont bénéficié du travail de SLEM, en particulier grâce à leurs programmes d’agriculture climato-intelligente. »
Kamara a expliqué que, jusqu’à récemment, le travail de SLEM était auto-financé, les membres payant des cotisations mensuelles et Kamara payant de sa poche pour de nombreuses dépenses. Le modèle s’est avéré difficile à maintenir et l’organisation a été forcée de fermer son bureau à Kenema. Mais Kamara a indiqué que l’organisation a récemment conclu un accord de partenariat avec le Global Landscape Forum, leur permettant de commencer à reprendre leurs activités à Kenema ce mois-ci.
Dauda : « SLEM est parvenu à sensibiliser au changement climatique et à la plantation d’arbres en 2019 et 2020, mais la longue pause de leurs activités en a réduit l’impact global. Ils doivent revenir avec des efforts plus réguliers et des activités d’éducations des communautés pour que leurs initiatives durent ».
Le travail de SLEM a contribué à la sensibilisation en matière de protection de l’environnement à Kenema, et a permis d’accroître la participation des communautés à des initiatives comme la plantation d’arbres et l’adoption de pratiques agricoles plus durables. En incorporant l’éducation au climat dans les programmes scolaires et des activités des communautés, SLEM a permis à des écoliers et à des agriculteurs locaux de mieux comprendre les impacts du changement climatique et de prendre des mesures concrètes.
Le réseau que SLEM vient de rejoindre, GLFx, est un réseau d’initiatives indépendantes axées sur les communautés plaidant pour un changement de politique et travaillant pour transformer leurs paysages. Ce réseau, qui est un projet du Global Landscapes Forum, vise à renforcer des acteurs locaux en leur donnant accès à des connaissances, des outils et des relations, qui peuvent leur permettre d’atteindre des résultats durables.
En savoir plus sur le travail d’autres membres du réseau : Au Cameroun, la restauration des forêts et des sources d’eau offre des solutions durables.
Image de bannière: Un groupe de jeunes participe à un programme d’éducation environnementale dans la forêt du district de Kenema, en Sierra Leone. Image fournie par Sierra Leone Environment Matters.
Cet article a été publié initialement ici par l’équipe de Mongabay Global le 18 septembre, 2024.