- Dans le Sud-Kivu, région de l’Est de la RDC perturbée par des groupes armés depuis près de 30 ans, une ONG implique les populations dans la restauration du paysage.
- Les paysans, mais aussi certains habitants des villes, plantent des arbres et s’engagent dans des activités agricoles tournées vers la réduction de la dégradation des forêts.
- La déforestation, dans cette région montagneuse, est l’une des principales causes des glissements de terrain mortels enregistrés ces dernières années.
- Un scientifique, habitant de la région, établit un lien entre l’instabilité sécuritaire et la dégradation des paysages. Il pense cependant qu’il est possible de poser des actes qui contribuent à la restauration des paysages.
La région du Kivu, qui va du nord du Katanga, plus au sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), à l’Ituri vers la frontière ougandaise, plus au nord, est un amalgame des paysages luxuriants, de biodiversité et, malheureusement depuis près de 30 ans, de guerres qui n’en finissent pas.
L’impact de ces dernières n’est pas toujours bien évalué, alors que les violences, qui écument les populations de la région, se reposent en partie sur le foncier. L’accès aux terres, agropastorales, ou l’identification à elles pour les habitants, enveniment des relations depuis pratiquement la colonisation belge, qui a exacerbé les rapports ethniques, notamment entre Hutus majoritaires et Tutsis minoritaires au Rwanda voisin.
Bien plus, l’exploitation des ressources naturelles comme le bois, outre les minéraux précieux comme l’or et le coltan ou la cassitérite, dont la région dispose, aliment les groupes armés en RDC. « La présence des groupes armés accélère l’exploitation illégale des ressources naturelles telles que le bois, les minerais, et d’autres matières premières. Ces groupes armés s’installent dans des coins riches en ces ressources et les utilisent abusivement pour financer leurs opérations conduisant à la perturbation des écosystèmes et à la dégradation des paysages », explique à Mongabay Patrick Baenyi Simon, enseignant à la Faculté des Sciences agronomiques et Environnementales, à l’université Evangélique en Afrique à Bukavu, située dans la province du Sud-Kivu à l’Est du pays.
C’est dans cette région, que l’ONG Women Concern, une organisation congolaise qui « aide les femmes rurales à trouver leur potentiel » d’après les mots de son responsable Freddy Bisetsa, fait le pari de restaurer les paysages. Derrière ce vœu, se cache un projet écologique qui mobilise 600 membres dont 80 % sont des femmes. Dans la province du Sud-Kivu, Women Concern mobilise les paysans et les organise en coopératives communautaires. Elle en compte 6 à ce jour, dans les territoires de Uvira, Fizi et Mwenga. Chacune d’elles se spécialise soit dans l’horticulture, soit dans la fabrication de foyers améliorés.
Plus de 3 500 arbres plantés et 2 800 foyers améliorés distribués
Les coopératives agricoles choisissent les cultures à pratiquer selon leurs besoins et ressources spécifiques. « Nous nous assurons que chaque projet bénéficie d’une adhésion active des communautés locales », explique Bisetsa. C’est la garantie, selon lui, d’une mise en œuvre efficace et durable des initiatives de gestion du paysage. « Cette approche communautaire, implique activement les habitants dans la planification et la mise en œuvre des activités de restauration et agricoles », explique-t-il.
Cette approche inclusive permet en outre à Women Concern de se rassurer, que « les solutions soient pratiques et culturellement pertinentes, conduisant ainsi à de meilleurs résultats », explique Bisetsa. « Les femmes reçoivent vraiment le projet avec un intérêt. Non seulement, les travaux, que nous faisons, aident par rapport à l’environnement, mais ils leur apportent des revenus », ajoute, pour sa part, Nelly Neema Dunia, qui est cheffe des projets à l’ONG Women Concern.
Depuis janvier 2022, que cette ONG mène son projet environnemental, 8480 personnes ont été touchées, soit par les activités agricoles, soit par d’autres activités visant à autonomiser les femmes. L’association a distribué plus de 3 500 arbres pour être plantés. Elle a également distribué 2 800 foyers améliorés pour réduire la déforestation. Nelly Neema pense que ces efforts de restauration « améliorent la santé du sol », en même temps qu’ils rendent plus importantes les femmes en améliorant leurs conditions de vie. « Lorsqu’elles ramènent du revenu à la maison, elles sont considérées », explique-t-il.
L’association apporte, par ailleurs, des diverses semences aux agriculteurs : soja, haricots, etc. En tout, l’intervention auprès des habitants atteint 18 800 personnes, d’après les estimations de cette ONG.
Catastrophes naturelles à répétition
Le Sud-Kivu est établi sur un territoire au relief très irrégulier. Des plaines et collines se succèdent, très verdoyantes. Mais, à Bukavu par exemple, la saturation de l’espace vital, du fait de la concentration des populations sur un territoire doublées de la déforestation et d’une urbanisation défaillante, cause les glissements de terrain très mortels. En 2023, près de 500 personnes ont péri dans des glissements de terrain en mai et en décembre. Si le phénomène El Nino a été désigné comme l’une des causes de la répétition de cette catastrophe accompagnée d’inondations l’année suivante, les spécialistes pointent du doigt aussi la perte de végétation et une urbanisation défaillante.
Ces événements pourraient également avoir un lien avec l’instabilité sécuritaire, spécialement les guerres à répétition dans la région, pense l’enseignant en agronomie Simon Patrick Baenyi de l’université Evangélique en Afrique. « Les guerres entraînent les déplacements forcés des populations, augmentant la pression démographique essentiellement vers les forêts, où ces populations se réfugient et pratiquent l’agriculture de subsistance pour survivre », explique-t-il. Baenyi constate aussi que lorsque les zones rurales deviennent des zones de conflit, les pratiques agricoles traditionnelles sont perturbées. En fuyant les violences, « les terres laissées à l’abandon peuvent être converties en zones de culture intensive ou exploitées de manière non durable par des acteurs opportunistes, ce qui contribue à la déforestation », explique Baenyi. Dans ce contexte, dit-il, l’Etat ne parvient pas souvent à réguler l’usage des terres et à protéger les zones forestières.
D’après la radio onusienne Radio Okapi, si rien n’est fait pour arrêter la déforestation en cours, le Parc national de Kahuzi Biega (PNKB), qui se trouve dans le Sud-Kivu pourrait disparaître. Ce parc abrite les gorilles des plaines de l’Est (Gorilla beringei graueri) et beaucoup d’autres espèces animales. Radio Okapi cite la société civile du Sud-Kivu, qui indique qu’environ 15 hectares de forêt, de cette aire protégée, sont coupés chaque mois. La principale raison est la demande en charbon de bois, principale source d’énergie pour les ménages, principalement pour la cuisine.
Reboiser, et plus encore pour restaurer les paysages
Selon le site Web Louvain Coopération, une ONG de l’université de Louvain en Belgique, au cours des décennies 2010 – 2020, la déforestation en RDC est passée de 0,17 % par an entre 1990 et 2000 à 0,52 % entre 2010 et 2014. Les chiffres de Global Forest Watch (GFW), une ONG spécialisée dans la surveillance forestière par imagerie satellitaire, corrobore ces données. « En 2010, le Nord-Kivu comptait 5,10 Mha de forêt naturelle, s’étendant sur 90 % de sa superficie. En 2023, il a perdu 57,1 kha de forêt naturelle, soit l’équivalent de 43,6 Mt d’émissions de CO₂ », indique cette institution sur son site Web.
Cette dégradation constitue une menace pour le cycle des pluies. Puisqu’« Il n’y a pas de pluie sans forêt. Or, toutes les forêts sont en voie de disparition ici, au Sud-Kivu. La province est classée sixième du pays en termes de déforestation et de dégradation, avec 16.500 hectares par an », a expliqué Olivier Matumaini, Chef de projets Systèmes Alimentaires Durables à l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en RDC.
Pour Patrick Baenyi, il est encore possible de procéder par le reboisement, comme le fait l’ONG Women Concern. Il évoque, par exemple, la construction des structures de retenue et de soutènement, tels que les murs de soutènement, des gabions (casier contenant des graviers ou moellons) et des canaux de drainage. Ces techniques permettent de stabiliser le sol et de canaliser les eaux excédentaires. En même temps, il importe d’identifier les zones à risques, d’élaborer une planification urbaine en vue d’éviter les zones à risques. « Les initiatives sociales et éducatives peuvent également appuyer ces mesures. Il s’agit notamment de l’éducation et de la sensibilisation communautaire », dit Baenyi.
L’initiative de Women Concern répond, dans ce cadre, à des réels problèmes, que les populations vivent. Surtout, l’engagement communautaire sert d’exemple à ces capacités de résilience, sinon d’adaptation aux perturbations du paysage naturel.
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Image de bannière : A l’ occasion de la Journée Mondiale de la Terre célébrée le 22 avril de chaque année, les casques bleus de la MONUSCO ont organisé différentes activités de sensibilisation à la protection de l’environnement avec des jeunes et élèves dans les localités de Nyanzale, Sake et Kiwanja au Nord-Kivu. Ici à Sake, une fillette en train de planter un arbre pour les générations futures. Image de MONUSCO/Force via Flickr (CC BY-SA 2.0).
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