- Selon une analyse effectuée par des chercheurs de Climate Central, en raison du changement climatique causé par l’homme, 2,4 milliards de personnes ont connu en moyenne au moins 2 semaines supplémentaires par an, où les températures nocturnes dépassaient 25°C. Plus d'1 milliard de personnes ont connu en moyenne au moins 2 semaines supplémentaires par an de nuits au-dessus de 20°C et 18°C.
- La hausse de ces températures, qui touche particulièrement le continent africain, est préjudiciable à la santé humaine, notamment pour les catégories les plus fragiles (personnes âgées, enfants, malades…).
- Pour y faire face, en Afrique, les populations s’adaptent, notamment en utilisant des solutions telles que les climatiseurs et les ventilateurs. Des solutions énergivores et pas à la portée des moins nantis.
Le changement climatique provoque une augmentation significative de nuits dangereusement chaudes à travers le monde, notamment sur le continent africain. C’est l’une des principales conclusions d’une étude, publiée au mois d’août 2024. L’analyse a été menée par Climate Central, un groupe indépendant de scientifiques et communicateurs, dont les recherches et les rapports portent sur les évolutions du climat et comment cela affecte la vie des gens.
Pour les auteurs, le but de cette analyse est d’évaluer dans quelle mesure le changement climatique d’origine humaine a augmenté le nombre de nuits inconfortablement chaudes (décembre-février dans l’hémisphère sud, juin-août dans l’hémisphère nord).
Les chercheurs ont calculé le nombre de jours où la température minimale nocturne a dépassé 18 °C, 20 °C et 25 °C. Ils ont également utilisé le système d’attribution quotidienne de l’Indice de changement climatique pour quantifier l’influence du changement climatique sur le nombre de nuits inconfortablement chaudes. « L’augmentation des températures nocturnes décrite dans le rapport est en grande partie imputable au changement climatique. Cela s’est traduit par plus d’un mois de nuits supplémentaires extrêmement chaudes dans de nombreux pays, avec des températures qui présentent de plus en plus de risques sanitaires », déclare à Mongabay dans un courriel, Michelle Young, Analyste à Climate Central et auteure du rapport.
Le rapport constate ainsi de façon globale: « En raison du changement climatique causé par l’homme, 2,4 milliards de personnes ont connu en moyenne au moins 2 semaines supplémentaires par an où les températures nocturnes dépassaient 25°C. Plus d’1 milliard de personnes ont connu en moyenne au moins 2 semaines supplémentaires par an de nuits au-dessus de 20°C et 18°C ».
L’Afrique, pas épargnée par la hausse des températures nocturnes
Le rapport fait savoir que 59 des 202 pays et territoires analysés entre 2014 et 2023 ont connu une semaine supplémentaire par an avec des températures minimales supérieures à 18°C en moyenne au cours des 10 dernières années, en raison du changement climatique d’origine humaine. L’Ouganda et la Zambie, en Afrique, ont été les pays les plus touchés pendant cette période, avec un mois supplémentaire où les nuits, les températures ont dépassé 18°C en moyenne durant l’été.
D’autres pays du continent africain ont connu entre 15 et 26 jours au-dessus de ce seuil, à l’instar de la Tanzanie, de l’Angola, du Rwanda, du Burundi et de la Namibie. De même, 7 à 14 jours supplémentaires avec des températures minimales supérieures à 18°C ont été notés dans les pays suivants : Afrique du Sud, Kenya, Botswana, Éthiopie, Eswatini (ancien Swaziland, territoire enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique), Zimbabwe, Maroc et République démocratique du Congo.
Sur un autre palier, environ 20 à 30 jours, avec des températures minimales supérieures à 20°C ? ont été ajoutés par le changement climatique dans des pays comme le Cameroun, l’Ouganda, la Guinée équatoriale, le Botswana, le Zimbabwe, la Zambie, le Gabon et la Tanzanie. « La hausse des températures nocturnes devient plus fréquente dans de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne, quel que soit le seuil de température. Beaucoup de ces pays sont déjà confrontés à des problèmes de sécheresse, qui peuvent s’aggraver avec des températures nocturnes plus élevées. Cela signifie des risques sanitaires accrus pour ceux qui sont déjà confrontés à des températures nocturnes plus élevées. La réduction des émissions de carbone et la mise en œuvre de stratégies d’adaptation ciblées sont essentielles, en particulier, pour les communautés d’Afrique subsaharienne, pour les aider à faire face à ces conditions influencées par le climat et à leurs impacts », dit Michelle Young.
Une hausse de température préjudiciable à la santé humaine
Tous ces bouleversements ne sont pas sans conséquences pour la santé humaine. Notamment, sur le sommeil, qui est moins réparateur. En effet, ces températures empêchent le corps de se remettre de la chaleur diurne. Un sommeil court et de mauvaise qualité a une série d’impacts négatifs sur la santé physique et mentale, les fonctions cognitives et l’espérance de vie. « Il faut noter qu’il existe trois types de températures. La température extracorporelle (température ambiante rattachée à des paramètres météorologiques et associée au changement climatique), la température corporelle externe (cutanée, qui doit normalement être entre 30 et 32 degrés), et la température corporelle interne. Les changements climatiques, à travers les variations de ces températures, ont une influence négative sur la santé psychique. Plus précisément, il subsiste une influence sur le sommeil. On peut distinguer une influence directe. En effet, avec l’augmentation des températures (notamment lorsque la température ambiante est supérieure à 32 degrés), il y a une réduction quantitative et qualitative du sommeil. Plus spécifiquement, il peut y avoir un retard à l’endormissement, une augmentation des éveils intra-sommeil, une fragmentation du sommeil des rêves. Les personnes, qui avaient déjà des problèmes de sommeil, peuvent voir ces derniers s’aggraver », affirme à Mongabay au téléphone Dr Teddy Endomba, Psychiatre et médecin du sommeil au CHU de Dijon, en France. Un mauvais sommeil affecte également le fonctionnement cognitif et altère le développement cérébral. Il entrave l’apprentissage et la performance au travail.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le stress thermique est la principale cause de décès liés aux conditions météorologiques. Il peut exacerber les maladies sous-jacentes telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’asthme et les troubles mentaux, et augmenter le risque d’accident et de transmission de certaines maladies infectieuses.
Dr Endomba suggère également des méthodes pour optimiser le sommeil à savoir: adopter des mesures générales relatives à une bonne hygiène du sommeil, adopter des mesures spécifiques relatives à une température optimale de la chambre et consulter, si nécessaire, un médecin en cas de problème persistant de sommeil. « Les mesures générales d’hygiène du sommeil sont, par exemple, le fait d’avoir une régularité de l’horaire de lever, le matin, essayer d’avoir une activité physique dans la journée, éviter les siestes si possible ou se limiter aux siestes de moins de 20 minutes et avant 15h, éviter la consommation de substance comme l’alcool, le café…en fin d’après-midi ou dans la soirée. Le soir, éviter une activité physique trop intense trop tardive, privilégier les activités calmes et relaxantes, si nécessaire d’éloigner des écrans 1h30 minutes-2h avant l’heure voulue d’endormissement, éviter de manger trop lourd ou ne pas manger du tout. Aussi, aller au lit aux premiers signes d’endormissement (…). Il ne faut pas y voir une dimension obligatoire et une personne qui n’a pas de problèmes n’a pas nécessairement besoin de ces ajustements », dit Endomba.
Les méthodes d’adaptation développées
De leur côté, les populations tentent de trouver des mesures d’atténuation, en fonction de leurs moyens. « D’avril à décembre, il fait vraiment chaud à Dakar. Les nuits sont difficiles pour ceux qui n’ont pas de système d’air conditionné à domicile ; car, même le ventilateur finit, à la longue, par produire un air chaud. L’on est parfois obligé de le laisser tourner toute la nuit, car l’éteindre, est la garantie d’un sommeil désagréable, ponctué de réveils en sueur. Mais, aérer les pièces ne résout pas vraiment le problème. Les bâtiments d’habitations sont si souvent rapprochés que la circulation de l’air est presque nulle. La douche, pour se coucher, est (aussi) une solution. Mais elle ne rafraîchit que pendant une trentaine de minutes », témoigne au téléphone, Muriel Edjo, habitant de Dakar au Sénégal.
D’après le rapport de Climate Central, en moyenne (de 2014 à 2023), 30 à 45 jours supplémentaires, au-dessus de 25°C, ont été enregistrés la nuit dans ce pays africain, ainsi qu’en Gambie, Guinée-Bissau, au Niger et au Sénégal, sur le continent. Tout cela a une incidence sur la demande collective en électricité, de plus en plus élevée, dans les principaux pays concernés, de même que sur la facture d’électricité des usagers, qui ont un branchement chez un opérateur local. « Je dépensais environ 10.000 francs CFA (17 USD) par mois pour ma facture d’électricité. Pendant la période de chaleur qui dure près de huit mois, je dépense environ 20.000 francs CFA (34 USD) », dit Edjo.
Selon le rapport sur l’état du climat en Afrique en 2023, publié le 2 septembre 2024, par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), un organe des Nations unies, « le continent africain s’est réchauffé à un rythme légèrement plus rapide que la moyenne mondiale, soit environ +0,3°C par décennie, entre 1991 et 2023 ». D’après la même source, en Afrique, 2023 a été l’une des trois années les plus chaudes des 124 dernières années. La température moyenne était 0,61°C supérieure à la moyenne 1991-2020 et 1,28°C supérieure à la moyenne 1961-1990.
Image de bannière : L’usage de l’air conditionné pour faciliter le sommeil la nuit augmente la consommation nocturne d’électricité. Image de Angepatrick225 via wikimedia.
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