- Au Rwanda, les innovations dans les systèmes d’irrigation des parcelles ont été l’une des clés pour l’amélioration de la sécurité alimentaire.
- Pour faire progresser les efforts actuels visant à transformer les systèmes alimentaires en Afrique, les pays ont besoin d’assurer la pérennisation de ces innovations avec la vulgarisation et l’extériorisation des connaissances.
- Les agriculteurs africains ont besoin d’être soutenus pour adopter de technologies modernes.
- Un meilleur accès aux technologies agricoles en Afrique va agir comme un catalyseur de changement dans l’amélioration de la productivité et de la durabilité des pratiques agricoles.
Lorsque Rosine Mwiseneza, une jeune entrepreneure rwandaise, a mis en place, en 2019, un système d’irrigation automatisé pour optimiser l’utilisation de l’eau pour les cultures agricoles au Rwanda, son objectif était d’aider les petits exploitants agricoles à surveiller, contrôler et gérer à distance leurs systèmes d’irrigation avec une plus grande précision.
Cette startup voulait innover par l’optimisation des ressources traditionnelles à travers la modernisation de la gestion de l’eau dans les systèmes d’irrigation des zones rurales isolées au Rwanda, en recourant aux téléphones portables.
Avec l’introduction des technologies innovantes, la jeune femme de 29 ans a ainsi mis en place un système de prise de décision intelligent dans l’irrigation, qui, dans sa phase pilote, a prouvé son efficacité pour améliorer la productivité agricole et contribuer à réduire l’insécurité alimentaire. « Remplacer l’irrigation traditionnelle par ce genre de systèmes intelligents à petite échelle a prouvé son efficacité, s’agissant des systèmes alimentaires productifs en Afrique », affirme-t-elle dans une interview à Mongabay.
L’importance des technologies d’agriculture de précision au Rwanda réside dans le fait qu’elles améliorent la planification des opérations agricoles, notamment dans l’irrigation pendant une période prolongée, par ajustement de la stratégie en temps réel en cas de force majeure.
Production en quantité et en qualité
Une partie de petits exploitants agricoles de ce pays d’Afrique centrale recourent désormais à l’irrigation à petite échelle, qui leur permet d’obtenir une production plus fiable, plus rentable et plus durable et, dans certains cas, d’améliorer la sécurité alimentaire.
Du point de vue des responsables du secteur agricole au Rwanda, les innovations dans les systèmes d’irrigation des parcelles ont été l’une des clés pour l’amélioration de la sécurité alimentaire dans ce pays, car elles garantissent une production en quantité et en qualité, durant toutes les saisons de l’année.
Dans le but de promouvoir les technologies innovantes au service de l’agriculture, les responsables rwandais misent désormais sur la mobilisation des jeunes et des femmes dans le développement des applications pouvant être utilisées dans les principaux maillons de la chaîne de valeur agricole, à savoir la production agricole, la transformation des produits et les activités de commercialisation.
Des solutions innovantes
Dans sa stratégie de transformation des systèmes alimentaires, les officiels du ministère rwandais de l’Agriculture et des Ressources animales misent sur des actions comprenant essentiellement la promotion d’une productivité durable des cultures, afin de garantir la disponibilité, l’accessibilité des aliments nutritifs.
Pour assurer la pérennité de ces efforts, les experts misent désormais sur le transfert de technologie agricole, qui promeut des solutions innovantes et pratiques pour catalyser une agriculture plus efficace, inclusive et résiliente en Afrique.
Dr Canisius Kanangire, Directeur exécutif de la Fondation africaine pour la technologie agricole (AATF, sigle en anglais), a confié à Mongabay, que pour faire progresser les efforts actuels visant à transformer les systèmes alimentaires en Afrique, les pays ont besoin d’assurer la pérennisation de ces innovations, à travers la vulgarisation et la gestion des savoirs en la matière.
Des systèmes agroalimentaires plus durables
Jusqu’à ce jour, plusieurs initiatives innovantes ont été initiées par l’AATF et ses partenaires dans différentes régions de l’Afrique, pour améliorer les systèmes alimentaires, mais, certains experts affirment, que ces nouvelles technologies, tardent à intégrer le processus de développement agricole en Afrique subsaharienne, notamment
Du point de vue de Kanangire, la vulgarisation de ces technologies reste limitée, non seulement à l’égard des fermiers, mais aussi vis-à-vis des entrepreneurs et des consommateurs. « Nous envisageons des solutions pour surmonter ces difficultés persistantes, qui conduisent à un faible retour sur les investissements importants dans la recherche et le développement de technologies agricoles », affirme-t-il.
Les récentes estimations de la Banque africaine de développement (BAD) montrent que, pour que l’Afrique puisse renforcer les systèmes alimentaires et réduire la faim, les agriculteurs ont besoin d’être soutenus pour adopter des technologies modernes, au moment où la plupart des pays, à travers le continent, accordent la priorité à l’investissement dans l’agriculture et dans des systèmes alimentaires résilients et durables.
Les services de conseil numériques, tenant compte des systèmes alimentaires en Afrique, sont des outils et des plateformes, qui intègrent les informations dans la chaine de valeur agricole pour la prise de décision appropriée et l’automatisation des services, notamment.
Outils numériques
Ces services vont des applications mobiles numériques et des plateformes en ligne, aux services de vulgarisation, qui utilisent des plateformes d’information numérique le long de la chaine de valeur agricole, selon les experts de l’AATF
Dans certains pays en Afrique, par exemple, les technologies de l’information permettent actuellement de collecter, analyser et gérer de grandes quantités de données agricoles. Cela inclut notamment les données météorologiques, les informations sur les sols et les rendements des cultures, ce qui aide les agriculteurs à prendre des décisions éclairées pour contribuer à améliorer la productivité agricole.
Dr Kanangire qui ne tarit pas d’éloges, au sujet du rôle joué jusqu’ici par les outils numériques et d’autres innovations dans l’amélioration des systèmes alimentaires en Afrique, reconnait que le continent a besoin d’un environnement propice pour exploiter et optimiser les avantages découlant de la biotechnologie agricole, de l’innovation et des technologies émergentes.
Les cultures biotechnologiques, selon lui, ont ainsi le double avantage d’améliorer la sécurité alimentaire et d’atténuer les effets du changement climatique en Afrique.
Les estimations de la Fondation africaine pour la technologie agricole, basée à Nairobi au Kenya, montrent que jusqu’à ce jour la plupart des pays africains ont signé et ratifié le Protocole de Carthagène sur la biosécurité.
Ce protocole a pour but de permettre une manipulation et une utilisation appropriée des organismes génétiquement modifiés, afin de réduire les risques pour les humains et l’environnement.
Au Rwanda, le ministère de l’Agriculture et des ressources animales, par l’intermédiaire de l’Agence pour le développement Agricole (RAB, sigle en Anglais), propose actuellement plusieurs solutions innovantes à l’égard des exploitants agricoles de petite taille, notamment en vue de rendre les systèmes alimentaires plus résilients.
Biotechnologies
Dr Alexandre Rutikanga, Conseiller Technique Principal au ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI) a confié à Mongabay que le Rwanda a, d’ores et déjà, intégré ces innovations technologiques dans ses projets agricoles pour améliorer ses systèmes alimentaires. « Grâce à l’adoption des technologies innovantes dans le domaine des biotechnologies, nous avons besoin de montrer, que les jeunes talents et les femmes en Afrique, peuvent contribuer, avec des innovations remarquables, et des pratiques et solutions éprouvées à dans le domaine agricole », a dit Rutikanga.
Selon lui, les techniques de transformation, de stockage et de conservation pour augmenter la durabilité des aliments tout en préservant leur valeur nutritive et la sécurité sanitaire alimentaire peuvent être mises à contribution pour améliorer les systèmes alimentaires en Afrique.
Dr Athanase Nduwumuremyi, chercheur principal et responsable du programme Racines et tubercules, au sein de l’Agence rwandaise pour le développement agricole et des ressources animales, affirme que les systèmes de réglementation en vigueur sur le génie génétique, dans un certain nombre de pays africains, dont le Rwanda, vont aider de nombreux pays actuellement confrontés à l’immense défi de devoir nourrir leur population croissante. « Au Rwanda, comme ailleurs en Afrique, la biotechnologie est désormais considéré comme un instrument parmi tant d’autres, qui vacontribuer à augmenter la productivité des aliments », affirme-t-il dans une interview à Mongabay.
Toutefois, certains experts membres du Forum Ouvert sur la Biotechnologie Agricole (OFAB), un projet de l’AATF, reconnaissent qu’un savoir-faire limité concernant les biotechnologies, comme innovation pour améliorer les systèmes alimentaires, constitue autant d’obstacles dans l’amélioration de la sécurité alimentaire en Afrique. « Ce phénomène s’explique par le fait que le public n’est pas encore conscient des avantages de ces innovations », affirme Nduwunuremyi.
Alors que le Rwanda veut favoriser l’innovation et l’engagement des jeunes pour améliorer les systèmes alimentaires, les experts soulignent l’importance à s’appuyer sur l’expérience et les connaissances des start-ups, pour que les systèmes alimentaires existants soient durables.
Les estimations officielles montrent, que plus de 70 % de l’ensemble de la population rwandaise estimée à 13.7 millions travaille dans le secteur agricole, qui emploie plus de six millions de petits exploitants et contribue à 33 % du PIB du Rwanda.
Propriété intellectuelle
Dr Valentin Stanislas Edbar Traoré, Chargé de Recherche en Génétique et Amélioration des Plantes à l’Institut de l’Environnement et des Recherches Agricoles (INERA) au Burkina Faso, observe que malgré les récents progrès dans la promotion des innovations technologiques, dans le secteur agricole, les niveaux des productivités restent encore au niveau plus bas, pour assurer entièrement la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique. « Les pays [en Afrique] ont besoin d’intégrer ces innovations dans des chaînes de valeur alimentaires durables », affirme-t-il dans une interview à Mongabay.
Toutefois, certains responsables de l’AATF soulignent la nécessité pour l’Afrique de promouvoir les technologies agricoles de manière responsable et éthique, avec une gestion prudente de la propriété intellectuelle, pour un impact durable et pérenne. « Les pays africains ont besoin de promouvoir des technologies appropriées au service d’une meilleure agriculture productive, en améliorant les techniques de production de semences», affirme Kanangire, Responsable de l’AATF, qui a annoncé la tenue prochaine, en juin 2025, au Rwanda des assises de la Conférence Africaine sur la Technologie Agricole (ACAT, sigle en anglais).
Aux yeux des responsables de l’AATF, un meilleur accès aux technologies agricoles en Afrique, à l’instar l’Agriculture de précision, va agir comme un catalyseur de changement dans l’amélioration de la productivité et de la durabilité des pratiques agricoles.
Image bannière: Au Rwanda, la méthode classique des terrasses radicales comme ici à Rulindo, un district au nord du Rwanda, introduite par des missionnaires blancs dans les années 1970, a été longtemps utilisée par les petits exploitants agricoles dans de nombreuses régions du pays. Les systèmes d’irrigation de précision sont devenus l’une des solutions clés pour améliorer la sécurité alimentaire. Image de Aimable Twahirwa pour Mongabay.
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