- Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'University College of London révèle que dix-neuf des 34 pays interrogés n'ont pas pleinement respecté leurs engagements climatiques fixés il y a 15 ans à Copenhague.
- L'étude, publiée dans Nature Climate Change, a comparé les émissions nettes réelles de carbone de plus de 30 pays aux objectifs de réduction des émissions promis en 2009, fixés lors du Sommet sur le climat de Copenhague.
- Ces scientifiques prédisent même, que les pays, qui ont eu du mal à respecter leurs engagements de 2009, rencontreront probablement des difficultés encore plus importantes pour réduire leurs émissions.
Des chercheurs de l’University College of London (UCL) et de l’université Tsinghua en Chine ont réalisé un travail d’évaluation des engagements de réduction des émissions des gaz à effet de serre pris lors de la 15e Conférence des parties de la Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (COP15), tenue à Copenhague au Danemark en 2009.
Ces experts ont utilisé une méthode de suivi des émissions « basée sur la consommation ». « Ce n’est pas la méthodologie la plus fiable, ni la meilleure que les approches basées sur la production, mais cela peut aider à voir quelles sont les émissions causées par les pays à travers leur consommation (c’est-à-dire, elle, inclut les émissions causées par les importations) et cela nous permet donc d’évaluer si les pays atteignent leurs objectifs d’émissions grâce à des efforts, leur propre pays ou en externalisant la production, et donc la pollution vers d’autres pays », a expliqué Professeur Klaus Hubacek, co-auteur de l’étude, joint par mail.
L’étude, qui fournit un système plus complet pour calculer les émissions totales de carbone d’un pays, ne tient pas seulement compte des émissions provenant des activités économiques à l’intérieur des frontières territoriales du pays, mais aussi de l’empreinte carbone des biens importés et fabriqués à l’étranger.
Sur 34 pays évalués, 15 ont pu atteindre leurs objectifs alors que 12 ont échoué. Sept nations restantes ont été classées dans ce que les auteurs de la recherche ont nommé « groupe intermédiaire » ; ceux-là qui ont réduit leurs émissions de carbone à l’intérieur de leurs propres frontières, alors qu’ils ont pollué d’autres pays à travers le commerce, qui leur a fait transférer les émissions, qu’ils auraient produites vers d’autres nations. Une pratique appelée « fuite de carbone » ou « transfert de carbone », qui, de l’avis des chercheurs, constitue une préoccupation croissante parmi les décideurs environnementaux, alors que les pays cherchent à atteindre de nouveaux objectifs de zéro émission nette.
Disparité des ambitions
Mongabay a échangé au téléphone avec Eugène N. Nforngwa, spécialiste en climat et en énergie à l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA), basée au Kenya, qui explique qu’il existe des divergences dans les engagements puisque, certaines contributions déterminées au niveau national (CDN) et soumises par les Etats ont des ambitions relevées, tandis que d’autres sont restées au niveau très bas.
« La mise en œuvre de mesures de réduction des émissions nécessite une volonté politique, des ressources financières et des changements sociétaux importants. Certains pays sont confrontés à des difficultés dans la transition vers des sources d’énergie plus propres en raison de leur dépendance économique aux combustibles fossiles, des limitations technologiques et de l’inertie sociale », a dit Nforngwa. « Il y a le défi de la coopération mondiale. Le changement climatique est un problème mondial, qui nécessite une action collective. L’engagement et l’action de chaque pays sont cruciaux. Lorsqu’un pays ne respecte pas ses engagements, cela compromet l’effort global. La coopération, la transparence et la responsabilité sont essentielles pour réaliser des progrès significatifs », a ajouté Nforngwa.
« Notre préoccupation est que les pays qui ont eu du mal à respecter leurs engagements de 2009 rencontreront probablement des difficultés encore plus importantes pour réduire davantage leurs émissions. », a déploré l’auteur principal, Professeur Jing Meng de la Bartlett School of Sustainable Construction à UCL.
« A Copenhague, bien qu’ils n’aient pas réussi à parvenir à un accord mondial global, chaque pays de la planète a établi ses propres objectifs de réduction des émissions. Cela signifiait que les objectifs fixés variaient considérablement de l’engagement modeste mais réussi de la Croatie de réduire ses émissions de carbone de 5 %, aux efforts relativement ambitieux, mais infructueux de la Suisse pour réduire ses émissions de carbone de 20 à 30 % d’ici à 2020, par rapport aux niveaux de 1990 », a dit Meng.
Les chercheurs préviennent que les pays qui ont eu le plus de mal à atteindre leurs objectifs de la COP15 pourraient ne plus parvenir à le faire. « Plus, nous attendons pour agir pour atteindre les objectifs climatiques enfin, cela devient plus difficile à mesure que le budget carbone restant (c’est-à-dire les émissions qu’on peut encore émettre sans dépasser 1,5 ou 2 degrés d’augmentation) devient de plus en plus petit et l’atténuation devient de plus en plus coûteuse », a expliqué Klaus Hubacek. Il s’inquiète de ce que les records de chaleur qui sont provoqués par les émissions humaines et l’inaction, et le non-respect des engagements conduisent la planète dans une impasse.
Les pays du bassin du Congo peinent à mettre en œuvre leur CDN
« Les pays développés ont un double rôle : réduire rapidement leurs propres émissions et fournir une aide financière et un renforcement des capacités aux pays en développement, ce que la plupart d’entre eux ne fournissent pas suffisamment », a dit Professeur Dabo Guan de l’université de Tsinghua, un des co-auteurs de l’étude.
Nicaise Moulombi, Président du Réseau des organisations de la société civile pour l’économie verte en Afrique centrale (Rosevac) est par ailleurs Vice-président du Conseil économique social et environnemental du Gabon.
Dans un entretien avec Mongabay, à Brazzaville en République du Congo, lors de la première Conférence sur l’afforestation et le reboisement (Ciar), tenue du 02 au 05 juillet dernier, il a aussi exprimé sa crainte de voir une augmentation des émissions des gaz à effet de serre et des pays non pollueurs abandonner leurs engagements à cause du manque d’accompagnement financier. « Il y a un risque d’arriver à un scénario où les pays non pollueurs arrêtent leurs efforts (par exemple la limitation de la déforestation) », a-t-il dit. « Cependant, il est important d’aller vers une résilience pour avoir l’équilibre et éviter la perte des espèces. Autrement dit, faire avec les moyens que nous avons et ne pas attendre des pays industrialisés », a-t-il nuancé.
« Faire avec ses propres moyens », c’est aussi ce que pense Denis Sassou Nguesso, le Président de la République du Congo, un des pays du bassin du Congo, deuxième poumon écologique mondial, après l’Amazonie.
Denis Sassou Nguesso est l’initiateur de la Conférence internationale sur l’afforestation et le reboisement Ciar organisée pour le lancement officiel de la décennie de l’afforestation et du reboisement. « Devant l’urgence climatique, la Ciar nous donne l’occasion d’amorcer des solutions. L’afforestation et le reboisement sont des leviers essentiels de l’action mondiale contre les changements climatiques. La Déclaration de Brazzaville est une appropriation de la décennie pour cette action », a déclaré le Président congolais, le 5 juillet à Brazzaville.
En septembre 2021, le Cameroun, deuxième grande forêt du bassin du Congo avec 22 millions d’hectares, selon les chiffres de l’Institut national de la statistique, dans sa CDN révisée, a promis de réduire ses émissions GES de 35 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2010. Le pays a besoin de 57,6 milliards de dollars USA pour sa mise en œuvre. Un montant qu’il attend des financements promis par les pays développés et pollueurs.
Une réalité pour les autres pays du bassin du Congo, à l’exception du Gabon, qui n’a pas conditionné la mise en œuvre de sa CDN. Le Center for Global Development, basé à Washington aux Etats-Unis, estime la forêt du bassin du Congo à 298 millions d’hectares. Ce bassin joue, pour cela, un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique, parce qu’il absorbe 600 mégatonnes de carbone par an.
Le bassin du Congo regroupe le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine et la République démocratique du Congo (RDC).
Image de bannière: Homme marchant sur une route poussiéreuse, Mont Kenya, Kenya (2010). Image de NeilPalmer/CIAT via Flickr (CC BY-SA 2.0).
Citation:
Li, S., Meng, J., Hubacek, K., Eskander, S. M., Li, Y., Chen, P., & Guan, D. (2024). Revisiting Copenhagen climate mitigation targets. Nature Climate Change, 14(5), 468-475. doi:10.1038/s41558-024-01977-5
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