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L’Afrique centrale mobilisée à sécuriser le financement nécessaire à la conservation de ses forêts à haute valeur écologique

  • Le bassin du Congo représente l’une des zones sauvages les plus cruciales au monde ; il joue un rôle essentiel dans la séquestration globale du carbone, mais cet écosystème reste menacé par la déforestation, la dégradation et la crise climatique.
  • Les forêts d’Afrique centrale fournissent des ressources naturelles vitales à 75 millions de personnes.
  • Les activités minières et d’exploitation forestière sont des moteurs majeurs de la déforestation dans la région.
  • Une meilleure compréhension des forêts du bassin du Congo est nécessaire pour s’attaquer à ces causes profondes.

Sécuriser le financement nécessaire, pour pérenniser les efforts de conservation du bassin du Congo, demeure l’une des questions prioritaires inscrites à l’ordre du jour au mois de juin dernier par les experts, sur le climat en Afrique Centrale. Ceux-ci veulent mettre en place une base de  données et  d’informations essentielles sur l’état des forêts et des aires protégées dans la sous-région.

Le bassin du Congo, avec une superficie d’environ 3,7 millions de kilomètres carrés, est la deuxième plus grande forêt tropicale du monde après l’Amazonie. « Malgré les efforts consentis par les différents acteurs, cette réserve naturelle, qui représente le poumon de l’humanité, est confrontée à la dégradation, à la désertification et à la sécheresse », affirme Richard Eba’a Atyi, Coordonnateur régional pour l’Afrique centrale au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR-ICRAF).

Atyi, qui travaille en qualité d’expert en gestion durable des forêts, notamment au Cameroun, au Congo et au Gabon, a confié, dans une interview à Mongabay, qu’il y a un besoin pressant à mobiliser plus d’investissements dans des solutions concrètes pour la gestion durable des forêts  du bassin du Congo.

Vue aérienne de la tour Congo flux du Pôle Scientifique de Yangambi (YPS). Image de Fiston Wasanga/CIFOR.

Rythme alarmant

Les récentes estimations officielles publiées par CIFOR-ICRAF montrent qu’entre 2008 à 2017, le secteur forestier et environnemental en Afrique centrale, en grande partie dans le bassin du Congo, ne représentait que 11,5 % du financement mondial dédié à la conservation et à la gestion durable des forêts tropicales.  Les données montrent que les forêts du bassin du Congo, sont détruites à un rythme alarmant, avec des projections suggérant qu’elles pourraient diminuer de 27 % d’ici à 2050 sans mesures urgentes.

Selon Atyi,  pour parvenir à une gestion durable des écosystèmes forestiers du bassin du Congo, et contribuer au mieux à l’amélioration des moyens de subsistance et du cadre de vie des populations locales et des peuples autochtones, la science reste  indispensable pour éclairer les décideurs, ce qui nécessite à la fois des ressources humaines et financières.

« C’est une question d’importance mondiale. Le bassin du Congo est une source majeure de pluies pour la région du Sahel. Une proportion considérable des services écosystémiques mondiaux provient de cette région », souligne-t-il.

Femmes réfugiées transportant du bois pour cuisiner dans les champs près du camp de réfugiés de Gado-Badzere, Cameroun oriental. Image de Emily Pinna/CIFOR.

Un récent  rapport sur l’état des Forêts en Afrique Centrale publié par CIFOR-ICRAF montre, que sur les 200 millions d’hectares de forêts denses humides en Afrique centrale,  un peu moins de 30 millions d’hectares sont classés en aire protégée et près de 54 millions (27 %) sont classés en forêt de production de divers types, mais principalement sous forme de concessions forestières.

Ces forêts fournissent essentiellement des ressources naturelles vitales à 75 millions de personnes, couvrant le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon.

Certaines espèces sauvages figurant parmi les plus connues du bassin du Congo, comme l’éléphant de forêt, l’okapi, les chimpanzés, les gorilles des basses terres et de montagne, sont en danger, selon les estimations des organismes internationaux ayant la conservation dans leur mission.

Satisfaire les demandes locales

Dr Aurélie Flore Koumba Pambo, Facilitatrice au sein du Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo (PFBC) observe pour sa part que si ces forêts sont encore debout aujourd’hui, c’est grâce aux soins que les gens leur apportent. « Ce n’est pas seulement pour la conservation [des forêts] en soi, mais pour le bénéfice des communautés locales et des peuples autochtones qui y vivent, pour leurs moyens de subsistance et leur bien-être », dit-elle.

Les experts estiment, que les politiques d’aménagement du territoire devront statuer sur l’affectation de ces vastes superficies, afin de concilier autant que possible la préservation des écosystèmes forestiers, une valorisation durable de leurs ressources, la satisfaction des différentes demandes locales et le développement économique.

Si Atyi et Pambo déplorent l’ampleur actuelle des activités minières et d’exploitation forestière, qui constituent l’un  des moteurs majeurs de la déforestation dans la région, la meilleure compréhension des forêts du bassin du Congo est nécessaire pour s’attaquer à ces causes profondes.

«Il est difficile de gérer les ressources naturelles sans informations précises à leur sujet pour éclairer les décideurs », affirment les experts de l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), une unité spécialisée de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC).

Les forêts d’Afrique centrale recouvrent six pays sur presque 240 millions ha, dont 89 millions ha de forêts primaires, et incluent les tourbières de la Cuvette Centrale, un puits de carbone vital, et le Bassin du Congo, la seconde plus grande forêt tropicale du monde.

En Afrique centrale, les cinq premières thématiques financées par l’aide bilatérale étaient, par ordre ’importance, la biodiversité, la politique environnementale et sa gestion administrative, la recherche environnementale, la politique forestière et sa gestion administrative, et la mise en valeur de la forêt. Image de COMIFAC.

Dans ces milieux, la biodiversité, d’une grande richesse, compte des milliers d’espèces de plantes et d’animaux sauvages endémiques. Les communautés locales et les groupes autochtones, qui en font également partie, leur attribuent une grande valeur culturelle, alimentaire, et les voient comme un moyen de subsistance.

L’Initiative pour les forêts de l’Afrique centrale (CAFI), une structure sous-régionale lancée lors du Sommet des Nations Unies pour le développement durable en septembre 2015 par une coalition de donateurs et de pays partenaires, afin de réduire la perte des forêts et la pauvreté, affirme que les facteurs directs de la déforestation dans la sous-région sont essentiellement l’agriculture, l’énergie tirée du bois, la foresterie et les exploitations minières.

Mobilisation locale

Jusqu’à ce jour, les pays concernés sont en cours de mobiliser plus de financements pour créer des aires protégées, les concessions forestières et les forêts communautaires dans la perspective de diminuer considérablement les pertes forestières et d’impliquer les populations locales dans la conservation pour assurer leur subsistance durable notamment au niveau du bassin du Congo.

Au Rwanda, par exemple, les communautés locales sont régulièrement mobilisées régulièrement dans des activités de plantation d’arbres à travers des initiatives telles que l’agroforesterie. Ce pays s’est fixé pour objectif de planter au total 63 millions d’arbres d’ici à la fin de l’année 2024.

Dr Athanase Mukuralinda, Chercheur principal et représentant du CIFOR- ICRAF pour le Rwanda, affirme que, pour que ces initiatives de reforestation remportent un franc succès, les communautés locales, les centres de semences, les chercheurs, les organisations non gouvernementales, les entreprises, les gouvernements et les organisations internationales doivent tous être activement mobilisés dans cette campagne. Selon lui, la mobilisation de subventions, pour la plantation d’arbres, reste également essentielle. « Il s’agit d’une étape importante pour éviter de planter au hasard des arbres de n’importe quelle espèce, n’importe où, sans cadre ni orientation écologique », a-t-il dit à Mongabay dans une interview.

Lors du sommet mondial sur le climat à Glasgow (2021), douze donateurs, essentiellement au niveau de l’Union Européenne, ont fait à une promesse collective pour le Bassin du Congo d’au moins 1,5 milliard de dollars de financement entre 2021 et 2025.

 

Image de bannière : Femmes réfugiées transportant du bois pour cuisiner dans les champs près du camp de réfugiés de Gado-Badzere, Cameroun oriental. Image de Emily Pinna/CIFOR.

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