- Au Congo-Brazzaville, le projet pétrolier dans le Conkouati suscite la controverse. Des ONG appellent le gouvernement à annuler le permis d’exploration.
- D’après les défenseurs de cette position, l’impact environnemental risque d’être désastreux et Brazzaville ne tient pas ses engagements de protection des forêts.
- Le projet pétrolier couvre, en effet, une partie du Parc national de Conkouati-Douli où se trouvent certaines espèces sous menace, notamment du braconnage.
L’exploration et l’exploitation pétrolières dans le Parc national de Conkouati-Douli, au Congo-Brazzaville, menacent la biodiversité, les communautés locales et l’environnement. C’est ce que soutient Earth Insight, une ONG américaine qui produit des cartes sur les menaces critiques qui pèsent sur les terres et les eaux en lien avec les populations.
Elle exprime cette position dans son rapport « Menaces liées à l’exploration pétrolière dans le parc national de Conkouati-Douli » publié le 19 juin 2024, que Mongabay a consulté.
Le 18 février 2024, le gouvernement congolais a délivré un permis d’exploration pétrolière à un projet détenu à 85 % par China Oil Natural Gas Holding United possédant Overseas et où l’Etat a 15 % d’actifs à travers la SNPC (Société Nationale des Pétroles du Congo). Le pays a pourtant pris des engagements au niveau international, notamment en acceptant 50 millions de dollars américains, pour protéger les forêts six semaines plus tôt.
Earth Insight démontre, grâce à une carte qu’elle a élaborée, que le bloc de Conkouati occupe une partie du Parc national de Conkouati-Douli et la zone tampon du parc. Cette réserve naturelle, située à l’ouest de la République du Congo, est riche en biodiversité. Elle abrite le gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla), l’éléphant de forêt d’Afrique (Loxodonta cyclotis) et le dauphin à bosse de l’Atlantique (Sousa teuszii). On trouve également des chimpanzés (pan) en voie de disparition et d’autres espèces menacées.
26 % du Parc national de Conkouati-Douli couverts par le permis d’exploration
D’après la carte établie par Earth Insight, à partir de la base de données du ministère congolais des hydrocarbures, le bloc pétrolier sous le parc représente 930 km2. Sa superficie avoisine les 1 600 km2 et s’étend du littoral à la forêt tropicale, chevauchant le Parc national de Conkouati-Douli.
Earth Insight montre que le permis (p.235-237) d’exploration pétrolière de Conkouati recouvre 26 % du Parc national de Conkouati-Douli et plus de 1 000 km2 de forêt tropicale intacte. Bien plus, d’après la même source, le bloc pétrolier couvre 1184 km2 de forêt tropicale humide sur le parc national et sa zone tampon. Cela représente 75 % de ce type de forêt. Le permis émis par les autorités couvre, en outre, 48 zones humides de la région.
Par ailleurs, des populations (7 000 personnes d’après Amnesty International) sont établies autour du bloc pétrolier, avec une forte densité plus au sud jusqu’au sud-ouest de la zone tampon du parc national. Cette zone alimente en viande de brousse la ville de Pointe-Noire, la 2e plus grande ville du Congo. Elle connaît, en plus, une pression de la prêche industrielle, d’après une note du site Papaco (Le Programme sur les aires protégées et la conservation en Afrique) de l’UICN. Le parc national se trouve, en effet, « là où la forêt tropicale rencontre l’océan ».
« Notre demande est simple : que le gouvernement congolais honore ses engagements en matière de protection des forêts et des populations qui y vivent en annulant le bloc de Conkouati. Pour relever le défi du changement climatique mondial, l’Afrique devra faire preuve d’un leadership fort », a déclaré Murtala Touray, Directeur de programme à Greenpeace Afrique.
« Désastre écologique » violation de la loi par l’Etat lui-même
Earth Insight en conclut que l’exploitation pétrolière dans cette région serait un désastre en matière des droits humains et économiques, l’environnement et la gouvernance. C’est en raison de la dégradation de l’environnement qui va avec l’exploitation pétrolière.
« Même si le ministre des Hydrocarbures a déclaré précédemment que le Congo exigeait la réalisation d’études d’impact social et environnemental, le rapport publié par Amnesty International “À l’ombre des industries” montre que ces études ne préviennent pas les risques de l’exploration pétrolière », explique Anna Bebbington, analyste spatiale senior à Earth Insight, qui a répondu par écrit aux questions de Mongabay.
Pour la France et l’Union européenne, partenaires du Congo, le sujet est embarrassant. « Un des décrets pris récemment nous a amenés à nous interroger sur un permis d’exploration qui avait été donné dans ce parc au milieu d’une zone réservée. Nous avons donc évoqué ce dossier encore une fois éminemment sensible », a déclaré début mars 2024, l’Ambassadrice française en poste à Brazzaville Claire Bodoni de France à l’issue d’une audience avec le ministre congolais de l’Environnement.
Dans un communiqué conjoint publié le 6 juin 2024, 14 organisations de la société civile du Congo font observer que le gouvernement « foule au pied ses engagements sur la protection de l’environnement ». Tout en dénonçant un acte « illégal », ces organisations exigent « le retrait ou l’annulation pure et simple du permis » attribué à China Oil Natural Gas Overseas Holding United.
C’est d’autant plus urgent que, pour la chercheuse Anna Bebbington d’Earth Insight, il y a risque de contamination du système hydrologique qui soutient les communautés locales et un écosystème riche en biodiversité. La majeure partie du parc de Conkouati-Douli, 412 195 hectares sur les 795 500 hectares de sa superficie totale, est un territoire marin, d’après le communiqué des ONG congolaises.
« La perte de forêt au profit d’infrastructures pétrolières telles que les routes et les puits de forage fragmenterait l’habitat d’espèces en danger critique d’extinction comme l’éléphant de forêt d’Afrique et le gorille des plaines de l’Ouest », dit Bebbington.
Pour les ONG, Earth Insight et Amnesty International comprises, en dépit du fait que le gouvernement congolais a demandé une étude d’impact environnemental de l’extraction pétrolière, il y a risque que malgré tout le pétrole soit exploité dans la zone protégée.
Investir dans les énergies renouvelables
A la création du Parc national de Conkouati-Douli en 1999, l’exploration et l’exploitation de pétrole a été interdite dans la zone humide, selon Earth Insight et Greenpeace Afrique. Seule la zone de développement était clairement ouverte à une telle activité, souligne le rapport Earth Insight. En accordant le permis d’exploration, l’Etat congolais a violé sa propre loi (loi n° 37-2008) qui interdit l’exploration et l’exploitation des combustibles fossiles dans les zones protégées.
D’après les 14 ONG congolaises déjà citées, « ce permis est un mauvais flashback du permis de prospection minière qui avait été attribué à la société Perenco en 2017 avant d’être retiré. » Le ministère congolais de l’Environnement n’a pas répondu aux sollicitations de Mongabay.
L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) interdit l’exploitation industrielle dans les zones protégées classées I à IV. « Elle ne les autorise que dans les catégories V et VI, qui sont des zones moins protégées », explique Bebbington.
Quant aux alternatives au pétrole à Conkouati, Bebbington, recommande de développer les énergies renouvelables. Le coût de ces dernières poursuit sa chute chaque année et pourrait rendre peu rentables les lourds investissements pétroliers. Les nations africaines devraient éviter « le développement de systèmes énergétiques toxiques qui ont provoqué le changement climatique, la pollution et de graves impacts sur la santé dans d’autres parties du monde », dit Bebbington.
Le Parc national de Conkouati-Douli est actuellement la plus grande destination écotouristique de la République du Congo, mais l’objectif de développement du secteur de la conservation et de l’écotourisme est en opposition directe avec le développement des industries extractives dans le même parc. « Il sera important de soutenir les liens entre zones rurales et urbaines et de rendre les centres régionaux accessibles pour favoriser les économies locales et le développement rural durable », indique Anna Bebbington.
Perenco veut acquérir des blocs pétroliers en RDC malgré les critiques
Image de Bannière : Elephant (Loxodonta cyclotis). Image de Lucy Keith-Diagne via iNaturalist (CC BY 4.0).