- Mongabay a interviewé Pierre HELE, Ministre de l'Environnement du Cameroun, sur les défis majeurs à venir en matière d'environnement dans son pays.
- Les actions entreprises par le gouvernement visent la préservation des forêts et la lutte contre la désertification.
- Le Ministre souligne l'importance de la participation des communautés autochtones dans ces efforts.
- Le Cameroun fait face à des menaces environnementales graves liées aux activités humaines et aux changements climatiques.
Mongabay : Quels sont les quatre défis environnementaux majeurs que le Cameroun devra relever au cours des prochaines années ?
Pierre HELE : « Il y a le changement climatique, il y a la désertification, il y a les pollutions, il y a le développement durable. C’est autant d’aspects qui sont importants et dont il faut absolument tenir compte. D’ici à 2030, on doit réduire de 35 % les émissions de gaz à effet de serre dans nos activités. Nous sommes en train de le faire et ça avance bien. Pour les solutions, nous avons une politique de lutte contre la pollution de l’air, la pollution sous toutes ses formes. Dernièrement au Cameroun, nous avons mis en place des capteurs qui analysent la pollution de l’air dans les grandes villes. Ces capteurs-là nous permettent de voir l’origine des pollutions. Nous pouvons donc aller combattre, à l’origine, les sources de ce genre de pollution de l’air »
Mongabay : Quelle est la politique du Cameroun en matière de préservation des forêts et la lutte contre le réchauffement climatique ?
Pierre HELE : « Nous avons conservé 20 % de nos terres aux forêts, qu’on ne touche pas, et ces forêts existent seulement pour séquestrer du carbone, pour lutter contre le changement climatique. L’objectif était que chaque pays conserve au moins 17 % de leur terre [ La quinzième Conférence des Nations unies sur la diversité biologique. Les États se rassemblent lors de leur Conférence des Parties pour élaborer des plans stratégiques et mettre en œuvre des actions concertées afin d’appliquer la Convention sur cet enjeu transfrontière. Selon le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal adopté en 2022 et s’étalant à 2030, dont le contenu dégage des principes sur l’utilisation durable de la biodiversité, sa conservation ainsi que l’accès aux ressources génétiques : NDLR ], mais nous au Cameroun, nous avons décidé de conserver jusqu’à 20 % de terres qu’on ne touche pas. Si les arbres meurent de façon naturelle, on les replantera. Nous conservons ces forêts-là ».
Mongabay : Selon les données officielles du programme de l’ONU pour l’environnement, 60 % des forêts dites sacrées [ Des forêts protégées par le droit coutumier en tant que sites sacrés pour les rituels traditionnels] ont disparu au Cameroun au cours des 30 dernières années en raison de l’exploitation abusive et de l’agriculture intensive. Quelle politique de préservation des forêts est mise en place actuellement pour remédier à cette situation ?
Pierre HELE: « Il faut conserver la biodiversité, mais est-ce qu’on va vivre en conservant ? On a besoin de couper le bois, on a besoin d’aller chasser, on a besoin de faire toutes ces choses. La conservation doit s’accompagner de ce qu’on appelle une gestion durable. Quand vous coupez un arbre, il faut planter un autre à sa place. Ce faisant, on garantit les intérêts des générations futures. On n’est pas égoïste pour se dire qu’après nous, il n’y a rien. Nous veillons à ce que nos richesses ne soient pas exploitées de façon anarchique, abusive, sans que cela n’entre dans l’intérêt de la population autochtone. C’est en cela que consiste la loi sur l’APA [ l’Accès aux Partages des ressources génétiques juste et équitable des Avantages, appelée (APA) : NDLR]. Au niveau local, il y a des tradipraticiens qui connaissent la valeur des plantes que le commun des mortels ne connaît pas. Mais les pays développés, qui connaissent la valeur de ces arbres, et qui veulent venir les prendre pour les exploiter chez eux et les mettre sur le marché mondial, doivent signer un accord avec la population pour qu’on leur montre tout ce qu’il y a à savoir. Les avantages, qu’ils auront à récolter dans l’exploitation de ces ressources-là, seront partagés. Une partie pour les exploitants, une partie pour l’État et une autre partie pour la population. Pour ce qui est de la conservation, nous avons en dehors du fait qu’on reboise, ce qu’on appelle dans le cadre du protocole de “Nagoya” [Accord international qui garantit le partage équitable des avantages de l’utilisation des ressources génétiques. Il est entré en vigueur le 12 octobre 2014 avec pour objectif de valoriser la biodiversité et les services fournis par les écosystèmes en prenant en compte cette valeur en tant que pré requis pour la conservation et l’utilisation durable des ressources naturelles. (UICN) ] et d’autres protocoles que nous avons signés. Le faisant, on arrive à faire en sorte qu’au lieu que tout parte ailleurs, ou reste ici, il y ait un partage »
Mongabay : On sait que le Cameroun a pas mal de grands projets agricoles, notamment le Programme d’Appui au Renforcement de la Production Agricole du Cameroun (PARPAC). Comment conciliez-vous le développement de ces projets agricoles tout en préservant les forêts et les impacts sur les populations ?
Pierre HELE: « Quand il y a un projet, on fait une étude d’impact environnemental et social. On se pose la question de savoir, qu’est ce qu’on pose comme dégâts à la nature? Si on coupe des arbres, comment allons-nous les compenser? Nous nous mettons d’accord sur les parties à couper et on se dit, si on coupe ici, il faut qu’on replante à un endroit où il n’y a pas d’arbres. Lorsque nous voulons un espace pour une route, nous voyons les villageois, qui ont une portion de forêt appelée souvent “sacrée”, on leur donne en compensation un montant, pour que la forêt se transpose à un autre endroit. Il y a toujours un dialogue avec la population, on n’impose pas. Nous essayons de voir quels seront les effets positifs et négatifs. Pour les effets négatifs, on essaie de trouver des solutions avec un comité de suivi qui se met en place pour le respect de ce qui a été dit. S’ils ne le respectent pas, ils font l’objet d’une amende par le ministère qu’ils doivent payer. Tout ce que nous visons, c’est pour l’intérêt de la population, pas autre chose. Et nous pensons beaucoup plus aux peuples autochtones. »
Mongabay : Cette obligation à faire une étude d’impact environnemental et social, que vous évoquez, a récemment été au cœur d’une résolution portée par le Cameroun et adoptée lors de la 6eme Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA 6) sur la gestion des produits chimiques et des déchets. Est-ce que vous pourriez nous en dire plus ?
Pierre HELE : « Les minéraux, les métaux rapportent beaucoup. Ça apporte un plus dans le PIB. Et encore, en dehors du PIB, sur le plan social, ça peut créer des emplois pour la population et aider à l’alimentation. Il faut juste veiller à ce que les aspects négatifs n’aient pas d’influences négatives sur l’environnement. Ce sont autant de questions qui sont prises en compte pour que la gestion des métaux et des minéraux soit faite de façon durable. Durable, pour dire que quand vous exploitez, il faut chercher à garantir les intérêts des générations présentes et futures. C’est-à-dire, avant d’exploiter, il faut faire une étude d’impact environnementale et sociale. Ça fait partie des textes qui font partie de notre réglementation au Cameroun. Cette étude consiste pour un projet donné, à inventorier les aspects négatifs et voir comment les enrayer. En ce qui concerne les aspects positifs, c’est comment faire pour bonifier, prendre les mesures nécessaires pour aller de l’avant et comment faire pour éliminer ce qui est mauvais pour l’environnement et pour la population. Voilà l’avantage qu’on a avoir des résolutions débattues et à être ensemble. S’il y a des aspects qui manquent, nous apportons des compléments pour qu’elle soit complète. Tout le monde ne fait pas la même chose. On se complète. Les feuillets des uns sont renforcés par des solutions apportées par d’autres ».
Au Cameroun, la croissance de l’agro-industrie sème l’espoir et le désespoir au sein des communautés
Image de banniére : Le village d’Oku, situé dans la région du Nord-Ouest du Cameroun, avec son grand lac, est un point connu pour sa biodiversité. Cette région abrite une vaste étendue de forêt naturelle préservée. Image courtoise Sonia Vanessa Etok.