- Le Bénin enregistre une perte d’environ 70.000 hectares de forêts par an. Les forêts couvraient 70,4 % du territoire national en 2007, puis 47 % en 2010, 68.5 % en 2016 et 51,15% en 2019. Cela représente une diminution d’environ 22 % de leur surface et un taux de déforestation de 2,2 % par an.
- La poussée démographique entraîne un besoin accru en demande de bois et produits forestiers. L’agriculture, l’élevage, l’industrialisation et l’urbanisation sont aussi des facteurs qui influencent les chiffres du couvert forestier du Bénin.
- Le Bénin est signataire de plusieurs conventions et accords internationaux, notamment la Convention sur le Commerce International des Espèces de flore et de faune menacées d’extinction, la Convention sur la Diversité Biologique (CBD), la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (UNFCCC), et l’Accord International sur les Bois Tropicaux (AIBT 2006).
- Près de 70 % des produits de bois exportés proviennent désormais des plantations privées.
En ce matin de Juin 2024, la ville de Parakou, située au Nord-Est du Bénin, se prépare à célébrer la Journée de l’Arbre. Deux sites ont été aménagés pour la circonstance et accueilleront plus de 3000 plants qui seront mis en terre au cours de la journée. Cette célébration est l’occasion de dresser le bilan de la campagne de reboisement de 2023 dans ce département. En effet, 523 275 plants ont été mis en terre sur une superficie de 1387,54 ha, l’année précédente.
Cependant, le taux des plants ayant survécu, tourne autour de 61,70 %. A ce propos, le chef service de la promotion des ressources du reboisement et de l’aménagement des forêts à l’Inspection forestière du Borgou, le Conservateur adjoint de deuxième classe, Grégoire Djissounon, déplore : « Si la mise en terre des plants était accompagnée d’efforts pour veiller également à leur survie, après plusieurs dizaines d’années de campagne, le Bénin serait fortement boisé. Notre constat est alarmant et, à la limite, inquiétant. Les plantations réalisées chaque année sont soumises aux feux de végétation, aux affres de la divagation des animaux, aux actions anthropiques et aux élagages ». Face à cette situation, Djissounon tente de rappeler les efforts gouvernementaux: « Nous sommes dans la décennie de restauration de l’écosystème. C’est pourquoi, depuis 2020, l’administration forestière s’attelle à faire des reboisements à base d’essences autochtones, pour reconstituer le naturel en fonction des opportunités qu’offre chaque localité ».
En cette même matinée, au Sud du Bénin, dans l’arrondissement de Koudo situé dans la commune de Lokossa, à environ 100km de Cotonou, un site de près de 15 hectares aménagé, est prêt à accueillir environ 1500 essences végétales. Une délégation officielle composée d’autorités de la mairie de Lokossa, de la Direction Générale de l’Environnement et du Climat, de la Direction Générale des Eaux, Forêts et Chasse, procède au lancement officiel de la campagne de reboisement. Au-delà du caractère officiel de la cérémonie, ce matin, cette campagne de plantation innove avec la formation de 50 ambassadeurs originaires de la localité. Ils ont pour rôle de mettre en terre les plants, et de veiller à leur entretien pour une période de 6 mois. Avec cette mesure, les autorités espèrent des résultats plus efficaces et durables.
Depuis 1985, année de l’institution de la journée nationale de l’arbre célébrée chaque 1er juin, le Bénin déploie une campagne nationale de reboisement. Dans tous les départements du pays, des cérémonies officielles sont organisées pour mettre en terre des plants et encourager les efforts de reboisement. Pour cette édition 2024, le thème retenu à l’échelle mondiale est « Restauration des forêts et innovation ». C’est la commune de Sèmè-Podji, située dans le sud du Bénin qui a accueilli la célébration officielle de cette 40ème Journée. La cérémonie a également donné lieu au lancement de la campagne nationale de reboisement 2024-2025. A cette occasion, le Directeur général des Eaux, Forêts et Chasse, Rémi Hèfoumè, a déclaré que : « la campagne nationale de reboisement 2023 a permis la mise en terre de 19 808 992 plants, toutes essences confondues soit une augmentation de 6,93 % par rapport à la campagne précédente ».
Interrogé par Mongabay, Firmin Tape, Environnementaliste, Expert en Gouvernance et gestion des Aires Protégées et de la biodiversité, affirme qu’il ne faut pas se fier uniquement aux résultats des Campagnes Nationales de Reboisement, car ce sont des données sur les arbres plantés, pas forcément sur les arbres qui survivent : « Il est mieux de considérer les services écosystémiques d’approvisionnement, de régulation, des services culturels et de support des forêts qui n’ont pas tous des données en chiffres, mais contribuent aux fonctions vitales des êtres vivants, y compris l’homme. Entre autres impacts, il y a la création d’emplois liés à l’entretien et à l’exploitation des plus vastes superficies de plantations; la production de fourrage ; la disponibilité de combustibles ligneux à faible coût ; l’amélioration de la contribution à la sécurité alimentaire par la protection et l’enrichissement des sols en minéraux et en matières organiques, la protection des sources d’eau avec des impacts positifs sur la production agricole ».
Des chiffres en dents de scie malgré les efforts de reboisement
Le Bénin enregistre une perte d’environ 70.000 hectares de forêts par an sur le couvert forestier du pays. Les forêts couvraient 8.12 millions d’ha (70,4 % du territoire national) en 2007. En 2010, elles passent à 4 561 000 ha, soit 47 % du territoire (d’après le rapport 2011 de la FAO sur l’état des forêts dans le monde). Selon une étude menée par la Direction générale des Eaux, Forêts et Chasse en 2016 au Bénin, elles comptaient 7.9 millions ha (68.5 % du territoire). En 2019, les forêts reviennent à 5,9 millions d’hectares, soit une diminution d’environ 22 % de leur surface et un taux de déforestation de 2,2 % par an (OSFACO, 2019).
Au Bénin, l’administration forestière déploie ses initiatives de reboisement, ciblant trois principaux chantiers : la promotion du reboisement au niveau des privés, des forêts d’État et le verdissement des villes. Ces efforts visent à renforcer la couverture forestière. Dans le cadre de la promotion du reboisement auprès des acteurs privés, l’Etat encourage notamment les particuliers à devenir de véritables opérateurs économiques en créant des plantations, qui leur permettent de générer des revenus. En conséquence, on observe une croissance dans la production des éléments issus de ces plantations privées, comme le bois de feu ou les fruits.
De plus, l’administration forestière a formé plus de 700 pépiniéristes à travers le pays, créant des emplois et renforçant les capacités locales. Ensuite, la promotion du reboisement par l’État se concentre principalement sur les forêts classées. Des plantations spécifiques ont été installées dans les forêts classées de Pahou, Sémé et Toffo pour la production du bois de feu, essentiel pour les besoins énergétiques des communautés locales. Enfin, le troisième volet de cette politique est le verdissement des villes. En collaboration avec les communes, l’administration forestière s’emploie à créer des espaces verts urbains. Chaque campagne de reboisement, notamment lors de la Journée Nationale de l’Arbre, renforce cette collaboration, dans le but d’installer des plantations dans les écoles, les centres-villes et les artères publiques.
Depuis 1985, la couverture forestière est quasiment passée de zéro hectare à plus de 400 000 hectares. Près de 70 % des produits de bois exportés proviennent désormais des plantations privées. Pour rappel, face à la dégradation accélérée des écosystèmes forestiers naturels, le gouvernement béninois a adopté en février 2023 la Politique forestière du Bénin 2023-2032, remplaçant celle de 1994, jugée obsolète et inadaptée à la situation actuelle du pays. Cette nouvelle politique prévoit le reboisement de 150 000 hectares de terres d’ici 2030, ainsi que la mise en place d’un système résilient de gestion et d’exploitation des espaces forestiers.
Pour une approche plus scientifique de ces campagnes de reboisement
A la question de savoir comment sont planifiées et exécutées ces campagnes pour garantir des résultats durables et bénéfiques pour l’environnement, le Conservateur de première classe, Simon Awokou, Directeur du reboisement et de l’aménagement de la forêt, répond à Mongabay : « Il n’y a pas d’étude à proprement parler, mais il y a quand même l’avis des experts, il y a l’expertise de l’administration forestière. Il y a aussi la collaboration avec les autorités locales, parce que les sites ne sont jamais choisis par l’administration forestière seule. Elle travaille en tandem avec les mairies pour pouvoir faire le choix des sites. Après cela, il faut voir que d’un département à un autre, on ne reboise jamais les mêmes espèces. En effet, les besoins d’un département à l’autre sont différents. Vous verrez par exemple dans le département de l’Ouémé, qu’il y a plus de plantations de bois de feu, notamment les eucalyptus et les acacias auriculiformis, parce que la population de Porto-Novo est demandeuse de ce bois. Donc, il y a beaucoup de ces plantations-là qui sont mises en place. Alors que lorsque vous vous déportez un peu plus vers le nord du pays, il y a des plantations fruitières, notamment les anacardiers, qui sont mises en place et que nous accompagnons aussi».
Firmin Tape, Environnementaliste, Expert en Gouvernance et Gestion des Aires Protégées et de la biodiversité déclare aussi : « Aucune étude n’est obligatoirement faite pour la seule raison que le reboisement constitue la solution ou l’alternative de compensation et d’atténuation des effets négatifs des émissions de gaz à effet de serre et de destruction de la biodiversité et des écosystèmes, par certaines activités qui ont nécessité des études d’impact environnemental et social avant l’entame. L’essentiel est de s’assurer que l’espèce choisie va répondre sur le sol de destination selon le climat. Par contre, pour certains objectifs spécifiques de reboisement autre que l’amélioration du couvert forestier, des études doivent s’imposer. C’est comme le cas d’une espèce exotique à introduire dans un milieu. Il va falloir s’assurer qu’elle n’a pas un caractère envahissant, dominateur, car une espèce est capable d’envahir son nouveau milieu et de lancer une concurrence avec les existantes voire les éteindre ».
Au Bénin, la loi N° 93 -009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en République du Bénin stipule que le plan d’aménagement forestier élaboré avec la participation des populations riveraines définit les objectifs assignés à la forêt et les moyens permettant de les atteindre : Il est basé sur les principes d’une gestion conservatoire et d’une production soutenue. De même, la loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin (loi N° 98-030 du 1er février 1999) stipule dans les articles 55 et 56 que les forêts, qu’elles soient publiques ou privées, sont un patrimoine national devant être géré en tenant compte des préoccupations environnementales, de sorte que les fonctions de protection des forêts ne soient pas compromises par les utilisations économiques, sociales ou récréatives.
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Image de bannière : Près de 15 hectares aménagés, prêts à accueillir environ 1500 essences végétales. Image par Fiston Wasanga/Cifor Via Flickr CC BY-NC-ND 2.0.