- Des défenseurs de l’environnement et des paysans ont restauré en quatre ans de grandes parties de la réserve forestière de Katanino au nord de la Zambie grâce à la régénération naturelle en quatre ans.
- Cette réserve a perdu plus de 58 % de son couvert forestier en 2019, lorsque des dizaines de familles y exploitant des arbres pour faire du charbon de bois ont été expulsées par des agents de l’État.
- Un projet de restauration lancé cette même année par WeForest, un groupe de protection de l’environnement et des partenaires locaux, a utilisé la régénération naturelle assistée, une méthode de restauration forestière impliquant des interventions légères, pour faire repousser plus de 500 hectares du couvert arboré de la réserve.
- Le succès est mitigé par des pertes d’arbres qui se poursuivent sur des exploitations agricoles en dehors de la réserve, alors que WeForest fait la promotion de moyens de subsistance alternatifs pour encourager les paysans à protéger les arbres sur leurs terres.
En 2019, une centaine de familles vivaient dans la réserve forestière de Katanino. Elles coupaient des arbres pour produire du charbon de bois dans des fours en boue et vendaient le combustible en sac à proximité sur une route menant aux grandes villes de la province de la ceinture de cuivre de Zambie. La même année, le groupe de protection de l’environnement WeForest a commencé à travailler avec le Département des forêts zambien et les membres de la communauté locale pour restaurer la réserve. Quatre ans plus tard, des centaines d’hectares de forêt dégradés ont repoussé à partir de souches coupées.
Morton Shanzi, le gestionnaire du projet de restauration des paysages forestiers de Katanino, a dit à Mongabay qu’avant la restauration, les membres de la communauté et les agents du Département des forêts avaient observé une forte baisse des populations animales dans la réserve. Mais, en raison de l’évolution du projet les observations d’oiseaux, de reptiles et de mammifères ont augmenté. « Les registres de nos forces de l’ordre montrent que le nombre de rencontres fortuites d’animaux dans la réserve forestière a augmenté entre 2021 et 2023 », a-t-il dit.
Parmi les espèces notables réapparues, on trouve l’Aigle couronné (Stephanoaetus coronatus), une espèce quasi menacée et la vipère du Gabon (Bitis gabonica), une espèce vulnérable, ainsi que plusieurs espèces de petites antilopes et même des carnivores comme le chacal à flancs rayés (Canis adustus) et l’hyène tâchetée (Crocuta crocuta).
Près d’un demi-million d’hectares de forêt ont été perdus dans la province de la ceinture de cuivre depuis 2001. À l’inverse, des images satellites collectées depuis 2019 montrent que le couvert forestier a augmenté à Katanino, passant de 1 023 à 1 610 hectares sur les 4 372 hectares de la réserve. Ces progrès n’ont pas été réalisés par la plantation laborieuse d’arbres, mais par la régénération naturelle assistée (RNA), qui laisse les arbres se régénérer à partir de leurs souches ou des systèmes racinaires intacts.
« Il n’est pas nécessaire de planter », dit Kenny Helsen, un gestionnaire du suivi et de l’évaluation chez WeForest. « Nous savons que les souches ont une haute capacité de régénération, et les racines sont encore là, alors une grande partie des arbres repoussent simplement tous seuls ».
Parmi les forêts qui ont cette capacité, se trouvent celles qu’on appelle collectivement Miombo, qui est le type le plus courant de forêt en Zambie, recouvrant près de la moitié de la superficie du pays. Le Miombo comprend un mélange riche d’espèces de feuillus à larges feuilles, comme Brachystegia spiciformis. Chaque printemps, ces arbres se parent de nouveaux feuillages éblouissants, vert citron, bordeaux, ocres et rouges.
La RNA est appliquée aux forêts dégradées sur 60 % de la réserve. La plantation de plants issus de pépinières n’a été nécessaire que pour une surface d’environ 9 hectares. Ces plants sont encore petits et n’ont pas été inclus dans les derniers chiffres relatifs à la récupération de la forêt.
« La RNA est une technique utilisée aujourd’hui par de nombreuses organisations de restauration dans le monde entier, car c’est une méthode moins exigeante en ressources que la plantation d’arbres, où vous devez faire pousser tous vos plants en partant de zéro », explique Sybryn Maes, une chercheuse postdoctorante belge, qui étudie la régénération de la forêt Miombo à Katanino et d’autres forêts tropicales sèches en Amérique du Sud.
La RNA convient parfaitement aux forêts Miombo qu’on trouve dans de nombreuses régions du sud de l’Afrique. Quelques mois après avoir été coupée, la souche d’un arbre Miombo ordinaire produira de nouvelles pousses. Malgré ce pouvoir naturel, et la prédominance des forêts Miombo, la RNA n’a toujours pas l’attrait de la plantation d’arbres classique aux yeux du public, dit Maes.
« Ce n’est pas comme si vous pouvez dire “j’ai planté 500 arbres”. Vous devez dire “j’ai aidé 500 jeunes pousses”. Alors, il est beaucoup plus facile de parler de planter des arbres pour la restauration au grand public et que les gens soient enthousiastes », a-t-elle dit à Mongabay dans une interview en 2023.
La restauration rapide de la forêt perdue grâce à cette technique à Katanino (80 % de la réserve étant de la forêt Miombo) est une victoire en matière de conservation, mais l’abattage d’arbres continue en dehors de la réserve, d’après une étude par télédétection réalisée par WeForest, qui cartographie également les changements du couvert arboré dans deux anneaux concentriques autour de la réserve.
Chacun de ces anneaux, appelé zone tampon et zone neutre, fait 5 kilomètres de large et est densément peuplé par des paysans. La perte de forêts dans ces deux zones est d’environ 46 % et 30 % respectivement ces quatre dernières années.
« Nous savons que lorsqu’on interdit aux gens d’aller dans la réserve forestière pour couper des arbres pour produire du charbon, il y a de bonnes chances qu’ils aillent ailleurs », dit Helsen.
Après que 93 familles impliquées dans la production de charbon de bois ont été expulsées de la réserve en 2020, elles ont déménagé dans la zone tampon et ont commencé à couper des arbres sur place, y compris dans certaines parcelles où l’apiculture est favorisée.
À ce moment-là, tous les résidents de la zone tampon inscrits pour l’activité d’apiculture, et la protection des arbres sur leurs exploitations pour y suspendre des ruches et pour fournir des fleurs à butiner pour les abeilles, ne sont pas complètement investis dans cette activité. Cela a changé fin 2020, lorsque les premiers paysans ont commencé à gagner de l’argent grâce au miel.
Plus de 700 paysans de la zone tampon élèvent maintenant des abeilles et les pertes d’arbres sur leurs parcelles sont quatre fois moindres qu’ailleurs dans la zone tampon. WeForest promeut également l’agriculture de conservation, l’élevage de chèvres respectueux des forêts et l’agroforesterie : des solutions pour que les villageois locaux augmentent leurs revenus de manière moins préjudiciable pour l’environnement en coupant des arbres pour faire du charbon de bois.
Helsen dit qu’une priorité du programme de son organisation est de faire en sorte que ces moyens de subsistance alternatifs concurrencent financièrement la production de charbon de bois afin que les paysans ne reprennent pas cette activité dans cinq ans à la fin du projet.
D’après les estimations du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), la production de charbon de bois représente 3 % du PIB de la Zambie et elle emploie environ un demi-million de personnes, principalement en zones rurales. Sachant que 70 % des foyers zambiens dépendent du charbon de bois pour le chauffage et la cuisson, il est peu probable que la demande diminue à court terme.
Felix Kalaba, Doyen actuel de l’École des ressources naturelles de l’université de la ceinture de cuivre de la Zambie, a évalué le stockage de carbone dans les parcelles de forêts Miombo qui récupèrent la production de charbon de bois et d’agriculture ainsi que dans la forêt primaire intacte. Lui et une collègue, Clare Quinn, ont trouvé que les stocks de carbone récupèrent bien avec la repousse de ces forêts, et qu’ils égaleraient ceux de la forêt intacte dans les 20 ans.
« Dans les forêts Miombo, la promotion d’une restauration mosaïque est l’idéal pour les paysans et producteurs de charbon de bois à petite échelle, car les parcelles de forêt font l’objet de différentes utilisations. La restauration mosaïque est appropriée pour des zones présentant des utilisations des terres très différentes (comme l’agriculture, le charbon de bois, les établissements humains et le pâturage) et des populations comprises entre 10 à 100 personnes/km2, lesquelles sont courantes dans les zones rurales de Miombo », écrivent-ils.
L’implication est que la régénération naturelle assistée des forêts comme Katanino mérite d’être incluse dans les programmes REDD+, les crédits carbone représentant potentiellement une nouvelle source de revenus pour les populations locales.
Helsen dit que l’équipe de WeForest partage activement les leçons apprises à Katanino avec d’autres organismes impliqués dans la restauration écologique, et cherche à étendre le projet à d’autres aires protégées ayant subi une dégradation similaire dans la province de la ceinture de cuivre.
Toutefois, une intervention précoce est la clé de la réussite de la restauration.
« Quand vous arrivez dans la zone à temps, le stock racinaire est encore là, les souches sont encore là », explique-t-il à Mongabay.
« Si vous pouvez mettre en place un système avec lequel vous pouvez faire face aux problèmes des communautés et faire en sorte qu’elles n’aient plus besoin de produire autant de charbon de bois, je pense que [la RNA] peut être une réussite dans n’importe quelle forêt Miombo ».
Image de bannière : Des membres de BirdWatch Zambia visitant la réserve forestière de Katanino. Image © WeForest
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Citation :
Nyirenda, V. R., Chewe, F. C., Chisha-Kasumu, E., & Lindsey, P. A. 2016 . Nest sites selection by sympatric cavity-nesting birds in miombo woodlands. Koedoe, 58(1). doi:10.4102/koedoe.v58i1.1359.
Kalaba, F. 2012. Carbon storage, biodiversity and species composition of Miombo woodlands in recovery trajectory after charcoal production and slash and burn agriculture in Zambia’s Copperbelt. Centre for Climate Change Economics and Policy, Working Paper No. 119, Sustainability Research Institute, Paper No. 40.
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