- Au Burkina Faso, des agriculteurs utilisent les bio-fertilisants et bio-intrants pour augmenter leur rendement.
- L’agroécologie s’est répandue au Burkina Faso ces 10 dernières années. Cela s’explique en partie par les avantages qu’offre cette pratique agricole.
- Pour mieux réussir cette agriculture moderne, les agro écologistes utilisent les bio-fertilisants et bio-intrants.
- L’usage des bio-intrants se répand de localité en localité, certains paysans se forment à la fabrication de cet engrais organique.
Dans le champ de deux hectares de Rasack Belemviré, situé dans la région du plateau central, à environ 25 km de la ville de Ouagadougou, les fruits et légumes ont des airs de magazine : parfaits en apparence, prêts à être photographiés. Maïs, papaye, banane, salade, oignon, choux, piment ou encore aubergines… pas moins d’une dizaine de variétés de fruits et légumes y sont cultivés. Pour le producteur burkinabè de 35 ans, « c’est le résultat de l’application des bio-intrants et bio-fertilisants ». « Si vous voyez que mon champ a une parfaite apparence, c’est parce que je ne fais pas usage des pesticides chimiques. Tout ce que j’utilise comme pesticide ici est bio. En les utilisant, je gagne à plusieurs niveaux : en qualité, en quantité et en plus je n’impacte pas sur les êtres vivants. C’est ça l’agroécologie : produire sans impacter les êtres vivants végétaux ou animaux », explique Rasack.
L’expansion de l’utilisation des bio-intrants et bio-fertilisants permet d’accroître la production et d’augmenter les rendements agricoles au Burkina Faso. « Les bio-intrants regroupent les pesticides et les engrais biologiques. Ce sont des engrais solides et liquides qui entrent dans la production animale ou végétale. Ils sont fabriqués exclusivement à base de matières naturelles et non synthétiques. Ils permettent de lutter contre les ravageurs et développer les productions. Quant aux bio-fertilisants, ils sont des engrais biologiques qui contribuent à nourrir le sol. Ce sont des éléments qui contiennent des micro-organismes qui améliorent la qualité des plantes permettant ainsi d’optimiser les fonctions du sol et sa fertilité », explique Noufou Ouédraogo, Agronome et chercheur à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles du Burkina Faso (INERA).
A travers l’usage des bio-intrants, Rasack arrive ainsi à augmenter de façon qualitative et quantitative ses rendements – ce qui était impossible dans sa pratique ancienne.
En effet, pour la seule année 2023, il dit avoir récolté plus de 100 sacs de choux et de piments. Il a aussi obtenu plus 50 voyages (moto-taxi) de tomates et plus de 2 tonnes de maïs, contrairement aux années où il ne faisait pas usage des bio-intrants et fertilisants.
En plus de la consommation, il vend ses produits avec des commerçants grossistes ou détaillants à ROOD-WOOKO, le plus grand marché de Ouagadougou. « Je fais de bonnes affaires avec la pratique de l’usage des bio-intrants dans mon champ. Je gagne ma vie à travers la vente de mes produits. L’année dernière, en 2023, c’est plus de 10 000 dollars, soit environs 5 000 000 de FCFA que j’ai gagnés en termes de bénéfice. Je contribue aussi à la préservation de la biodiversité car en utilisant les pesticides bios, je contribue à rendre le sol riche et fertile » dit-il, sourire aux lèvres.
Avec les bio-fertilisants, pas besoin de détruire la végétation initiale
L’une des particularités dans ce champ agroécologique, c’est la présence en grand nombre des arbres locaux. On peut citer entre autres, (le Nimier, le detaruim, le baobab, la liane sauvage, le goyavier ou encore le tamarinier). « Avec les bio-intrants et bio-fertilisants, nous ne détruisons pas les espèces vivantes. On utilise des espèces aromatiques qui dégagent une certaine odeur et qui sont répulsives, côté olfactif ; ce qui dérange certains insectes mais qui ne les tue pas. Cela permet donc la régénération et une bonne rentabilité agricole », affirme Rasack.
La nature semble avoir repris ses droits sur cet espace agro écologique de Razack, la flore a recouvert les lieux et la faune aussi. « Ici vous pouvez constater la présence de quelques animaux sauvages tels que les rats, les lièvres et les mangoustes. Il y a même des tortures et des escargots. Les oiseaux, eux, chantent toujours ici sur les arbres ».
Une pratique en vogue dans la région du plateau central
A Betta, village situé à 55 km de Ouagadougou, Ablassé Compaoré est un adepte de l’agroécologie. Il a plusieurs champs dans ce village où vivent plus de 200 âmes. Dans ce village, on l’appelle le génie de l’agriculture ou encore l’homme qui cultive sur des rochers. Nous le retrouvons à l’ombre d’un grand baobab où il est allongé après une demi-journée de dur labeur. Depuis 2007, il fait de la récupération des terres dégradées au moyen des bio-intrants et bio-fertilisants son cheval de bataille. « Je suis un enfant de paysan dans un pays sahélien. Je n’ai pas le choix que de cultiver pour vivre, moi et ma famille. Comme les terres sont arides, il nous faut adopter des techniques pour régénérer la terre. C’est ce que je fais dans ce village avec les bio-intrants et bio-fertilisants », a laissé entendre Compaoré.
Coordonnateur de l’Association Interzone pour le développement en milieu rurale, Compaoré a lui seul dans ce village plus de 5 hectares de production agricole. Bien que l’espace ne soit pas favorable à la production agricole, il l’a récupéré et l’a ensuite transformé. « Vous voyez, tout cet espace est rempli de rochers. Il vaut 5 hectares et personne ne le veut dans ce village. Je suis le seul qui l’occupe et je pratique l’agroécologie et ça marche bien pour moi », dit-il.
Véritable passionné de l’environnement, il décide d’exploiter le champ sans influer sur les espèces végétales et animales. Pour lui, la régénération de cette terre aride passe nécessairement par la protection et la préservation de la biodiversité. « Quand j’ai acquis l’espace en 2007, j’ai décidé de l’exploiter sans détruire les espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales. Je cultive donc en faisant beaucoup attention aux espèces. Pour la qualité de mes rendements, j’utilise les bio-intrants et bio-fertilisants, ce qui me permet d’avoir des rendements importants tout en contribuant à la préservation de la biodiversité », ajoute Compaoré.
Les bio-intrants et bio-fertilisants ont beaucoup contribué à la régénération de cet espace qui était autrefois aride et inutilisable. Grâce à leur usage, Compaoré a pu augmenter sa production et, en conséquence, ses gains économiques ont considérablement accru contrairement aux années antérieures où il faisait usage des pesticides conventionnels.
En 2023, il a fait un bénéfice de 12 000 dollars soit environ 7 500 000 f CFA grâce à la vente de ses productions, constituées de maïs, de sésames, de tomates, d’oignons et de piments. Il fait également la production des arbres fruitiers comme le goyavier, le papayer et le manguier. « La quantité et la qualité de mes récoltes résultent de l’utilisation des bio-intrants et bio-fertilisants. Vous ne verrez jamais de pesticides chimiques dans mes champs, tout est bio ici », dit –il. Il ajoute : « Vous voyez, je fais aussi de l’élevage sur le site. Il y a des moutons en reproduction, de la volaille, des vaches, des tortues et des lapins. L’élevage et l’agriculture vont de pair en agroécologique. Les déchets issus des animaux peuvent être utilisés pour faire le compost. »
Les techniques de fabrication des bio-intrants et bio-fertilisants, une priorité pour les agriculteurs
Dans le village de Loumbila, Salfou Ouedraogo, Inspecteur général des Eaux et forêts a décidé de former les producteurs du village à la fabrication des bio-intrants et bio-fertilisants à ses heures perdues. « J’ai décidé de venir leur montrer comment il faut produire des pesticides bio pour accroître leur rendement agricole », dit-il.
Environ huit paysans et des élèves d’un lycée technique agricole et d’élevage participent ce jour-là à cette formation. Ils vont apprendre à faire un ensemble de mélange de piments, de sel, d’oignons, de sucre, d’ails, d’œufs pourris, de savons et d’huiles végétales pour enfin donner une fonction répulsive aux ravageurs plutôt que de les éliminer. Ce qui contribue en même temps à enrichir les sols cultivables et régénérer la nature, selon Ouedraogo.
« La farine de niébé, l’urine et la bouse de vache, le sucre et les feuilles de neem, sont des bio-intrants qui sont utilisables aussi bien dans l’agriculture que dans l’arboriculture. On peut utiliser l’urine humaine comme fertilisant biologique, comme cela se fait dans certains pays comme le Kenya et même en Europe », affirme Ouedraogo.
Face aux effets néfastes des changements climatiques qui occasionnent la pauvreté des sols et impactent les rendements agricoles au Burkina Faso, le monde paysan tend donc à adopter ces solutions durables en matière de production agricole. L’usage des bio-intrants et bio-fertilisants dans les productions contribue à accroître les rendements et donc participe à la lutte contre l’insécurité alimentaire. Cette pratique est encouragée par le ministère burkinabè en charge de l’agriculture, qui invite les producteurs à aller vers les pesticides bios au détriment des pesticides conventionnels qui ont un impact négatif sur les plantes et le sol.
Image de bannière : Un groupe de personnes au Burkina Faso se consacre à la production de bio-fertilisants à base de produits naturels. Image de Global Water partnership.