Nouvelles de l'environnement

L’interconnexion des aires protégées, solution pour la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo

  • Des chercheurs révèlent dans une récente étude que le renforcement de la conservation dans des matrices d’aires protégées interconnectées, peut permettre l’atteinte de l’objectif de protection de 30% de la nature à l’horizon 2030, selon le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
  • Ils qualifient ces matrices de « forteresses de la nature », et en ont identifié 18 dans le bassin du Congo, selon des critères définis par leur étendue, leur interconnexion, leur intégrité écologique et leur gestion efficace et équitable.
  • Le Tri-National de la Sangha, un complexe de plusieurs aires protégées contigües entre le Cameroun, le Congo-Brazzaville et la République Centrafricaine, est une de ces « forteresses de la nature », dont la gestion coordonnée entre les États, grâce à des financements extérieurs, lui garantit une excellente intégrité écologique.
  • Selon le Biologiste Bandiougou Diawara en service au bureau de l’Unesco pour l’Afrique centrale, une aire protégée transfrontalière, gérée de façon collaborative par les États, contribue à renforcer de manière quantitative et qualitative, la conservation de la biodiversité.

Dans une récente étude publiée dans la revue PLOS Biology, un groupe de chercheurs majoritairement affiliés à l’organisation non-gouvernementale World Conservation Society (WCS), propose que, pour atteindre l’objectif 30×30 du Cadre mondial de la biodiversité (CMB) de Kunming-Montréal, c’est-à-dire la protection de 30 % de biodiversité à l’horizon 2030, les aires protégées doivent être suffisamment vastes, interconnectées, gérées efficacement et équitablement, et dotées d’une intégrité écologique très élevée.

La conjugaison de ces critères donne lieu à des matrices d’aires protégées que les chercheurs appellent « forteresses de la nature », qu’ils présentent comme une solution à la « conservation par zone » préconisée par le CMB et essentielle pour la protection de la nature.

Le Professeur John Robinson, Titulaire de la Chaire Joan L. Tweedy en stratégie de la conservation à WCS, a conduit cette étude qui s’est focalisée dans deux zones de conservation dans le monde, en l’occurrence l’Amazonie et le bassin du Congo. Dans un entretien par courriel, il a dit à Mongabay que son équipe a développé « une définition scientifique pour toutes les caractéristiques identifiées dans le Cadre mondial de la biodiversité ». Il précise qu’« il s’agissait d’identifier les zones de grande taille (environ 5 000 km² ou plus) dans les deux bassins, qu’il s’agisse d’APC (aires protégées et de conservation) uniques ou d’agrégations d’APC plus petites. Les agrégations sont souvent contiguës, mais elles peuvent être séparées si elles sont intégrées dans des paysages de conservation plus vastes, qui permettent la connectivité ».

Des éléphants creusent dans une boue riche en sel dans le Dzanga baï de la forêt tropicale de Sangha en République centrafricaine. Image de Jan Teede.

Dans le bassin du Congo, les chercheurs ont identifié 18 « forteresses de la nature » constituées de plusieurs aires protégées uniques ou contigües. Et chaque forteresse est intégrée dans un paysage de conservation, selon les caractéristiques sus-évoquées. Ces « forteresses de la nature » sont également réputées favorables à la prospérité de la faune sauvage. Les chercheurs ont examiné la distribution géographique des éléphants de forêts et des grands singes dans ces vastes zones protégées, et ont constaté que « ces espèces sont présentes de manière disproportionnée dans les bastions », dit Robinson.

L’étude propose, pour une gestion efficace de ces vastes espaces protégés, des partenariats de gestion collaborative de la conservation avec des mécanismes intégrés de gestion entre les gouvernements, les communautés locales, les entités privées et les ONG internationales.

De la gestion intégrée des aires protégées transfrontalières

Parmi les 18 forteresses, figure le Tri-national de la Sangha, un complexe de trois aires protégées contigües, en l’occurrence le Parc national de Lobéké (Cameroun), la réserve de Dzanga-Sangha (République Centrafricaine) et le Parc national de Nouabalé-Ndoki (Congo-Brazzaville). Cette initiative de conservation transfrontalière couvre une superficie d’environ 750 000 hectares, et la gestion coordonnée est définie par les États avec le soutien technique de WCS et de WWF (World Wildlife Fund). Ceci grâce à des financements extérieurs mobilisés par le biais de la Fondation pour le Tri-National de la Sangha (FTNS), un fonds fiduciaire anglais chargé d’assurer un financement à long terme des activités de conservation, d’écodéveloppement et de coopération de ce site classé patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).

Les forêts du bassin du Congo représentent des habitats essentiels pour le gorille des plaines occidentales (Gorilla gorilla gorilla), classé « Espèce en danger de disparition » par l’IUCN. Image de Cristian Samper ©WCS.

Les activités du Tri-national de la Sangha sont menées de manière coordonnée par les différents pays pour améliorer les résultats en matière de conservation de la biodiversité. Par exemple, pour des actions de lutte contre le braconnage, une brigade conjointe a été mise en place avec un mécanisme de gestion rotative entre les pays.

Dans un entretien téléphonique avec Mongabay, Donatien Joseph Guy Biloa, Conservateur du Parc national de Lobeké, déclare que « la brigade opère dans un rayon de 5 km le long de la Sangha (fleuve d’une longueur de 790 km qui prend sa source au Cameroun et traverse la Centrafrique et le Congo-Brazzaville) ». L’Ingénieur des Eaux et Forêts camerounais ajoute que « les actions phares des trois conservateurs visent à limiter au maximum le braconnage ». « On organise mensuellement des opérations de lutte contre le braconnage, et lorsqu’un pays organise, les deux autres viennent en appui », précise-t-il.

Bandiougou Diawara, Biologiste et Chef secteur Sciences exactes et naturelles au bureau de l’Unesco pour l’Afrique centrale, a confié à Mongabay que « pour la création des aires protégées transfrontalières, il faudrait que ces aires bénéficient du statut de protection légale, et ensuite, les États peuvent convenir, au-delà du statut de protection légale, d’un plan de gestion transfrontalière, qui ne nécessite pas forcément la mise en place d’une loi transfrontalière, les lois nationales prévalant ». En effet, la faune n’a pas de frontière et les grands mammifères se déplacent dans la nature au gré des besoins et des opportunités. Pour Diawara, il est plutôt de bon augure, lorsque les États partagent les mêmes écosystèmes, qui abritent les animaux, qui sont dans le même continuum écologique, et décident de joindre leurs efforts pour renforcer la conservation de la nature. « Au-delà de la conservation de la nature, c’est une occasion pour renforcer l’intégration sous-régionale, rapprocher les États, une opportunité pour réaliser des synergies d’actions, une opportunité pour agir à une échelle plus globale. Cela permet d’avoir des impacts meilleurs aux activités, que lorsqu’on est dans une logique de cloisonnement où chaque pays gère ses ressources naturelles, qui sont identiques à celles qui se trouvent au niveau des autres pays », dit-il.

D’après les données du Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo (PFBC), ce bassin compte à ce jour cinq aires protégées transfrontalières, créées depuis l’an 2000 sous la coordination de la Commission des Forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), et reparties entre le Cameroun, le Congo-Brazzaville, la République Démocratique du Congo, la Centrafrique, le Gabon et le Tchad.

Investir pour préserver le colobe rouge et protéger les forêts tropicales africaines

Image de bannière : Des éléphants creusent dans une boue riche en sel dans le Dzanga baï de la forêt tropicale de Sangha en République centrafricaine. Image de Jan Teede.

 

Citation :
Robinson J. G,, LaBruna D,, O’Brien T., Clyne P. J. , Dudley N,, Andelman S. J, & al. (2024). Scaling up area-based conservation to implement the Global Biodiversity Framework’s 30×30 target: The role of Nature’s Strongholds. PLoS Biol 22(5), e3002613,1-23. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3002613

Quitter la version mobile