- Les forêts denses humides, comme Gilbertiodendron dewevrei, renferment plus de 65 % du stock de carbone.
- La forêt de G. dewevrei dans le Trinational de Sangha au Congo présente une particularité, notamment pour ses arbres à la propriété extraordinaire.
- Grâce aux efforts entrepris, les populations locales participent activement aux initiatives de conservation, y compris la préservation de la forêt de G. dewevrei en particulier.
- Mettre en place des parcelles dans la forêt de G. dewevrei, qui permettront de mesurer les impacts de changement climatique sur des ressources forestières.
Une équipe de chercheurs vient de démontrer, que les forêts naturelles à Gilbertiodendron dewevrei, une espèce d’arbres fréquemment rencontrée dans le bassin du Congo, contient une communauté unique de plantes et peut stocker plus de carbone que d’autres forêts d’espèces mélangées en Afrique centrale.
Le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) estime le stock de carbone dans le bassin du Congo à 46 016 millions de tonnes.
Les forêts denses humides, comme Gilbertiodendron dewevrei, renferment plus de 65 % de stock de carbone contre 35 % pour les autres écosystèmes.
Pour cette raison, les experts de la Société pour la Conservation de la Vie sauvage (WCS, sigle en anglais), basée à New York, et du Jardin Botanique Royal d’Édimbourg, un centre d’expérimentation et de conservation de la nature au Royaume Uni, pensent que la forêt à G. dewevrei au Congo devrait être considérée séparément dans la planification de la conservation et le calcul des stocks de carbone.
Les experts rappellent qu’une meilleure compréhension de ses caractéristiques, exige de mieux protéger et mieux contribuer à la conservation de la biodiversité de cette forêt également connue sous le nom de forêt « Bemba » ou « Limbali » et répartie sur une zone de 8 400 km² entre le nord de la République du Congo, le sud de la République centrafricaine et dans certaines parties du Cameroun et de la République démocratique du Congo (RDC). « Les espèces d’arbres associées à G. dewevrei semblent être influencées par la tolérance à l’ombre, mais des facteurs supplémentaires tels que la capacité à pousser sur des sols infertiles peuvent également jouer un rôle », affirme Dr. David Harris, Chercheur au Jardin Botanique Royal d’Édimbourg et co-auteur de cette étude.
Une forêt riche en biodiversité
Alors que parmi les différents types de végétations recensées dans cette forêt, il y a dans l’ensemble les arbres, arbustes, plantes grimpantes, herbes et parasites. L’étude montre que la forêt de G. dewevrei dans le Trinational de Sangha au Congo, présente une particularité, notamment pour ses arbres à la propriété extraordinaire.
Au-delà de ses habitats nombreux et divers tels que des forêts tropicales constituées d’espèces capables de résister à des conditions de stress hydrique et de pauvreté en nutriments de sol, Sangha abrite également de grands prédateurs et d’espèces rares et en danger comme les éléphants de forêt, les gorilles, les chimpanzés et plusieurs espèces d’antilopes telles que le sitatunga (Tragelaphus spekii) et l’emblématique bongo (Tragelaphus eurycerus). Selon Harris, ce qui importe le plus est d’éviter de traiter la forêt mono-dominante de la même manière que la forêt mixte habituelle. « Nous suggérons une extrême prudence lors de l’exploitation de la forêt de G. dewevrei en raison notamment de son statut apparent de vieille forêt », explique-t-il dans une interview accordée à Mongabay.
Le trinational de la Sangha, situé dans le nord-ouest du bassin du Congo, au point de rencontre du Cameroun, du Congo et de la République centrafricaine, comprend trois parcs nationaux contigus, couvrant une superficie totale de 750 000 hectares, très peu affectés par l’activité humaine.
L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) estime dans un récent rapport que cette mosaïque d’écosystèmes protège un grand nombre d’espèces d’arbres qui sont, ailleurs, lourdement exploitées pour le commerce, dont notamment le mukulungu (Autranella congolensis), qui en danger critique d’extinction.
D’après l’Unesco, la flore de cette forêt naturelle est enrichie par des espèces, que l’on trouve exclusivement dans les nombreux types de clairières forestières. « Les espèces d’arbres associées à G. dewevrei semblent, non seulement être influencées par la tolérance à l’ombre, mais aussi par d’autres facteurs supplémentaires tels que leur caractéristique propre à pousser sur des sols infertiles », a dit Harris dans cette étude publiée dans la revue « Plant Ecology and Evolution ».
Une autre considération importante est que les forestiers doivent entreprendre des études de durabilité avant que les gouvernements ne fixent des quotas d’exploitation pour G. dewevrei en raison des taux de croissance lents de cette espèce et de son taux de dispersion extrêmement faible, notent les chercheurs. Pour lutter contre cette tendance, les auteurs de l’étude affirment que l’une des pistes à suivre est de mettre en place des parcelles dans la forêt de G. dewevrei, qui permettront de mesurer les impacts de changement climatique sur des ressources forestières.
Participation communautaire
«Montrer la valeur de cette forêt aux populations locales s’avère primordial », dit Estienne Vittoria, Chef du Département de la Recherche et du Suivi de la Société pour la Conservation de la Vie sauvage (WCS, sigle en anglais) au sein du Parc National de Nouabalé-Ndoki, situé dans le nord du Congo. Ce parc, d’une superficie de 4 000 kilomètres carrés couvrant des zones tropicales humides en Afrique Centrale, abrite plusieurs espèces d’animaux sauvages, qui ont eu peu ou pas de contact avec les humains.
Vittoria montre notamment que, grâce aux efforts entrepris, les populations locales participent activement aux initiatives de conservation, y compris la préservation de la forêt de G. dewevrei en particulier là ils sont notamment recrutés comme gardes forestiers dans cette zone transformée en aire naturelle protégée. « La participation communautaire dans la gestion de cette foret a été est un sujet crucial pour la préservation de la forêt de G. dewevrei en particulier», a affirmé Vittoria dans une interview à Mongabay.
Au Congo-Brazzaville, le projet mis en œuvre, par la Société pour la Conservation de la Vie sauvage, focalise l’attention sur les initiatives communautaires en vue de promouvoir une gestion forestière responsable et éthique, afin d’éviter toute activité visant la destruction de cette foret naturelle. Les estimations officielles montrent que 80 % des ménages de Bomassa, un village situé à proximité de cette forêt naturelle, comptent au moins un membre du personnel du parc, ce qui indique une forte participation communautaire dans la gestion forestière. Dans la forêt tropicale de G. dewevrei au Congo, les stocks de carbone se localisent principalement dans la biomasse, mais les chercheurs recommandent une étude plus détaillée pour mesurer à la fois la hauteur de l’arbre et le diamètre de la tige afin de comprendre la variation des stocks de carbone dans les différents types de forêts du bassin du Congo.
Pour eux, l’un des grands défis pour la gestion durable de cette foret réside dans le fait que G. dewevrei est parfois confondue par les algorithmes de classification avec d’autres types de forêts mono-dominantes. « Les forêts de Gilbertiodendron dewevrei fournissent des produits forestiers non ligneux dans tout le bassin du Congo, mais cela n’est pas encore documenté », affirme Dr Harris, qui a mis en évidence les domaines dans lesquels ces forêts mono-dominantes sont importantes pour l’adaptation des communautés locales.
Très peu affectés par l’activité humaine, ces écosystèmes fournissent d’importants services qui peuvent aider les populations à s’adapter à la variabilité et au changement climatiques.
Selon Harris, l’implication de la population locale dans la gestion permet à ces communautés de bénéficier des avantages des forêts et des terres sans épuiser les ressources naturelles.
Image de bannière : Les forêts denses humides comme Gilbertiodendron dewevrei, renferment plus de 65 % du stock de carbone contre 35 % pour les autres écosystèmes dans le Bassin du Congo. Image de CIFOR.
Citation :
Heimpel E., Ahrends A., Dexter K.G., Hall J.S., Mamboueni J., Medjibe V.P., Morgan D., Sanz C. & Harris D. J. 2024. Floristic and structural distinctness of monodominant Gilbertiodendron dewevrei forest in the western Congo Basin. Plant Ecology and Evolution, 157(1): 55-74. https://doi.org/10.5091/plecevo.111539 .