- Une récente étude fait état de cas d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) liés au réchauffement climatique.
- Plus d’un demi-million de décès par accident vasculaire cérébral dans le monde pourraient être liés au réchauffement climatique.
- L'étude révèle que les épisodes de chaleur plus fréquents causeraient des décès.
- Les experts affirment que les décès liés aux accidents vasculaires cérébraux sont en hausse dans les régions à températures élevées.
Dans une étude publiée le 10 avril 2024 dans la revue Neurology, le changement climatique pourrait induire l’augmentation des décès et des invalidités dus aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans certaines régions du monde. L’étude étendue sur trois décennies, a permis aux chercheurs de découvrir que les températures non optimales, sont les causes des décès et des invalidités dus aux accidents vasculaires cérébraux.
La température est dite optimale quand l’activité métabolique d’un organisme atteint l’homéostasie, c’est-à-dire une certaine stabilisation. Globalement, les températures optimales, idéales ou préférables, vont de 17 °C à 24 °C.
Les chercheurs ont examiné 30 ans de dossiers de santé de plus de 200 pays et territoires. Ils ont examiné le nombre de décès par accident vasculaire cérébral et le fardeau de l’invalidité liée à l’accident vasculaire cérébral en raison de températures non optimales. Ils ont ensuite examiné les différentes régions, pays et territoires, les tranches d’âge et les sexes.
Ils ont découvert que la majorité des cas d’accidents vasculaires cérébraux sont dus à des températures inférieures aux températures optimales. Ils ont également constaté une augmentation des accidents vasculaires cérébraux liés à des températures supérieures aux températures optimales.
Toutefois, l’étude ne prouve pas que le changement climatique provoque des accidents vasculaires cérébraux. Elle montre seulement un lien. L’étude n’a pas non plus examiné d’autres facteurs de risque tels que l’hypertension artérielle et un taux de cholestérol élevé.
Quan Cheng, Chercheur à l’université centrale sud de l’hôpital Xiangya à Changsha, en Chine, et auteur principal de l’étude, a indiqué dans le communiqué de presse diffusé, suite à la publication de la recherche et consulté par Mongabay que « les changements dramatiques de température de ces dernières années ont affecté la santé humaine et suscité une inquiétude généralisée ».
L’étude a révélé qu’à des températures plus basses, les vaisseaux sanguins d’une personne peuvent se contracter, augmentant ainsi la tension artérielle. Et l’hypertension artérielle est un facteur de risque d’accident vasculaire cérébral. Egalement, des températures plus élevées peuvent provoquer une déshydratation, affectant les taux de cholestérol et entraînant un ralentissement du flux sanguin, facteur pouvant également conduire à un accident vasculaire cérébral.
« Notre étude a révélé que ces températures changeantes pourraient augmenter le fardeau des accidents vasculaires cérébraux dans le monde entier, en particulier dans les populations plus âgées et dans les zones présentant davantage de disparités en matière de soins de santé», affirme Quan Cheng.
L’étude rapporte qu’en 2019, il y a eu 521 031 décès par accident vasculaire cérébral liés à des températures non optimales. Les chercheurs ont découvert que le taux de décès par accident vasculaire cérébral dû aux changements de température chez les participants masculins est de 7,7 pour 100 000, contre 5,9 pour 100 000 chez les participantes.
Des recherches supplémentaires à cette étude sont préconisées par l’équipe de chercheurs pour déterminer l’impact du changement de température sur les accidents vasculaires cérébraux et cibler des solutions pour lutter contre les inégalités en matière de santé.
Ces recherches futures devraient viser à réduire cette menace en trouvant des politiques de santé efficaces qui s’attaquent aux causes potentielles du changement climatique, telles que l’utilisation de combustibles fossiles, la déforestation et les processus industriels.
« La démarche la plus logique et la plus simple serait d’établir une covariance. Voir l’évolution du nombre d’accidents vasculaires cérébraux en rapport avec la variation de la température. Ensuite, on ne peut même pas établir une relation linéaire entre ces phénomènes qui sont tous non linéaires », indique à Mongabay le Professeur N’dji dit Jacques Dembélé, de l’Université́ des sciences sociales et de gestion de Bamako (Mali).
Des cas de décès dénombrés au Sahel liés à un pic de chaleur
En Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, un des pays du Sahel, d’après plusieurs médias, des températures extrêmes ont été notées dès mars 2024. Les thermomètres se sont affolés, dépassant les 40 °C et des cas de décès massifs sont dénombrés dans le pays.
«Les températures extrêmes ont causé des décès, en particulier parmi les personnes âgées et les populations vulnérables. Cette situation alarmante affecte gravement la vie quotidienne des habitants, menaçant leur santé et leur bien-être», a indiqué Zeïnaba Narabène Farka, Présidente du Réseau des jeunes Sahéliens pour le climat au Mali, dans un entretien à Mongabay.
Contacté, le Professeur Djibo Mahamane Diango, Chef du département de la médecine d’urgence et d’anesthésie du Centre hospitalier universitaire (CHU) Gabriel Touré, le plus grand hôpital du Mali, où du 1er au 4 avril 2024, 102 décès ont été constatés à l’arrivée aux urgences pendant la période de canicule, n’a pas souhaité répondre à Mongabay.
Toutefois, dans un point de presse au lendemain de ces décès qui ont mis en émoi le pays, Diango, indique que plus de 60 % de ces cas de décès sont des patients qui ont un âge supérieur à 60 ans et estime qu’il ne faut pas tout reporter sur la canicule qui va décompenser une pathologie qui existe déjà ; une maladie qui existe déjà comme le diabète, l’hypertension artérielle qu’on voit beaucoup au-delà de la soixantaine chez ce type de patients.
Durant cette période, la fréquentation des urgences au Mali est passée de 70 à 100 patients. Le pays connaissait des coupures de courant électrique et tendait à la fin du mois du jeûne de Ramadan.
« On peut établir qu’il y a un lien entre les conclusions de cette étude et les cas de décès qui ont été constatés durant la période d’avril », soutient Ousmane Birama Konaté, Ingénieur en environnement et développement durable au Mali. Aussi bien chez les humains que les végétaux, il relève qu’il y a des conditions optimums pour la survie dont la température, au-delà ou en deçà desquelles leur vie devient critique.
Au Tchad, les fortes chaleurs de ces derniers mois ont eu des conséquences visibles sur la santé des populations. Depuis près de 2 mois, les morgues du pays sont pleines suivant les informations recueillies par Mongabay. Les parents des victimes sont constamment invités à retirer les corps dans les 48-72 heures.
Parmi les décès constatés, il y en a qui meurent dans les hôpitaux, mais aussi beaucoup meurent à la maison sans explications. Les victimes sont majoritairement des personnes âgées, parfois avec un état de santé apparemment parfait. Le ministère de la Santé a sonné l’alarme, recommandant à la population d’éviter de sortir entre 10 et 15 heures.
« J’ai eu beaucoup de cas d’accidents vasculaires cérébraux et autres pathologies neurologiques qui sont décédés lors de leur hospitalisation, souvent dans un contexte de fièvre au-delà de 40 °C. Cependant, je n’ai pas eu des cas provoqués par la forte chaleur.
D’ailleurs, la période de chaleur continue, mais actuellement dans mon service, les cas d’accidents vasculaires cérébraux ont diminué », déclare dans un entretien accordé à Mongabay, Dr Foksouna Sakadi, Chef de service de Neurologie au centre hospitalier universitaire de N’djaména au Tchad et Président de la Société tchadienne de neurologie. Toutefois, Sakadi, n’exclut pas complètement que la forte chaleur puisse être un facteur important de risque d’AVC. Notamment du fait du mal-être que cela peut causer, surtout avec l’absence de l’électricité comme c’est le cas du Tchad.
« Il est possible que les fortes chaleurs puissent entraîner des déshydratations, l’insuffisance rénale, le choc hypovolémique, la coagulation intravasculaire disséminée ou encore la défaillance multiviscérale » indique cet Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences de la santé humaine de l’université de N’djaména. Des affections qui pourraient conduire à un AVC ou à un décès fait-il observer.
Avis perplexes sur des risques d’AVC dus aux fortes chaleurs
Dès le début de l’année 2024, le mercure n’a cessé de grimper au Sahel comme sur la côte ouest-africaine. En Côte d’Ivoire, le pic de la vague de chaleur est intervenu le 11 février. Au Bénin, la situation est identique avec des vagues de chaleur depuis le mois de janvier où les températures qui sont enregistrées ne sont pas conformes à la normale.
Le Professeur Michel Boko, Climatologue à l’université d’Abomey-Calavi (Bénin) et, prix Nobel de la paix en 2007, co-reçu à travers le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), avec l’ancien Vice-président américain Albert Arnold (Al) Gore, note que ces fortes chaleurs que connaissent l’Afrique de l’Ouest ont des impacts sur la santé humaine et sur les végétaux.
Il explique, sur les ondes de Peace FM, 99.3 MHz à Cotonou, que chez l’Homme, sous l’effet de la chaleur, c’est-à-dire avec 41 °C de température intérieure, la déshydratation peut entraîner un arrêt du cœur et la mort. Quant aux accidents vasculaires cérébraux, il y a des températures au-delà desquelles la vie des patients devient de plus en plus critique, soutient Konaté.
A Cotonou, trois médecins dont un généraliste, un spécialiste des maladies vasculaires et un neurologue ont confié à Mongabay, n’avoir pas eu d’observations particulières suites aux vagues de chaleurs observées dans le pays en lien à des accidents vasculaires cérébraux.
« Aujourd’hui, la médecine est fondée sur des preuves qui sont données par des études scientifiques. Je ne connais pas d’études qui aient abordé la relation entre les fortes températures et la survenue d’AVC », a indiqué le neurologue Octave Houannou de la Clinique du Cœur après avoir pris connaissance de l’étude publiée dans la revue Neurology. Même réaction chez Alfred Hounsa, médecin généraliste au Centre hospitalier universitaire Hubert Maga de Cotonou, l’hôpital de référence du pays.
L’homme et la biodiversité sous la menace de la chaleur en Afrique de l’Ouest
Citations:
Qu C., Chen Y., Liu C., Hu Z., Zhang J., Yan L., Zhang H., Liu Y ;, Liu W., Cheng Q., Luo P., Liu Z. (2024). Burden of Stroke Attributable to Nonoptimal Temperature in 204 Countries and Territories: A Population-Based Study, 1990-2019. Neurology, 102(9), 209-299. doi: 10.1212/WNL.0000000000209299.
Image de bannière : Des patients bénéficiant de soins dans un hôpital à Cotonou au Bénin. Image de Gratien Capo.