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Les Maasaï demandent aux Nations unies d’intervenir au sujet des signalisations de violations des droits de l’homme

  • Lors de la conférence mondiale des Nations unies sur les peuples autochtones, les délégués maasaï ont demandé au forum de faire davantage pression sur le gouvernement tanzanien pour qu'il se penche sur les expulsions, les déplacements forcés et les milliers de bovins saisis dans la zone de conservation de Ngorongoro et à Loliondo.
  • Les litiges fonciers sur ces deux sites durent depuis des années, après que le gouvernement a révélé son intention de louer les terres à une société basée aux Émirats arabes unis afin de créer un corridor pour la chasse aux trophées et le tourisme d'élite.
  • L'année dernière, le conflit a atteint un point de non-retour lorsque les policiers et les autorités tanzaniennes ont frappé et tiré sur des dizaines de villageois maasaï qui manifestaient contre la délimitation de leurs terres ancestrales. Un Maasaï et un policier ont été tués.
  • Lors du forum des Nations unies, un représentant du gouvernement tanzanien a contesté les accusations portées contre le gouvernement, s'appuyant sur une récente décision de justice en sa faveur et sur la visite d'une commission africaine des droits de l'homme.

Cet article est publié dans le cadre du Global Indigenous Affairs Desk, une collaboration entre Grist, High Country News, ICT, Mongabay, et Native News Online.

NEW YORK – En Tanzanie, les Maasaï affirment qu’ils sont confrontés à une campagne violente et sans fin visant à les expulser de leurs terres pour créer des aires protégées et des réserves de chasse. Cette semaine, les Maasaï sont à New York pour demander à l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones (UNPFII) de dire au gouvernement tanzanien de cesser de prendre leur bétail, de retirer ses forces de sécurité, de créer une commission chargée d’enquêter sur les terres contestées et les personnes déplacées, et d’autoriser les observateurs internationaux des droits de l’homme à se rendre sur place sans restrictions.

« Nous, les Maasaï de Loliondo et Ngorongoro en Tanzanie, luttons contre le gouvernement tanzanien et les chasseurs de trophées d’animaux sauvages qui menacent nos moyens de subsistance, notre culture, notre sagesse ancestrale, notre héritage et nos droits fondamentaux », a déclaré Edward Porokwa, directeur exécutif du Forum des organisations pastorales autochtones non-gouvernementales. « Rien ne justifie cette crise créée par le gouvernement ».

Le conflit foncier des Maasaï en Tanzanie se concentre sur deux zones principales : la zone de conservation de Ngorongoro et Loliondo. La zone de conservation de Ngorongoro est un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui attire plus d’un demi-million de visiteurs chaque année pour des safaris à la rencontre des « Big 5 » (éléphants, lions, léopards, buffles et rhinocéros). Environ 80 000 Maasaï vivent dans le parc, mais cela fait des décennies que le gouvernement cherche à les chasser de leurs terres.

Dans une déclaration faite à l’Instance permanente, Porokwa a indiqué que, depuis juin 2022, le gouvernement a fermé quatre écoles maternelles, neuf sources d’eau et six cliniques mobiles. Le gouvernement prétend que les Maasaï quittent volontairement la région pour s’installer sur des sites de réinstallation. Mais les délégués maasaï affirment qu’ils sont en réalité contraints de partir. « Il s’agit d’une réinstallation forcée, car les gens n’ont pas accès aux services de base », a déclaré Porokwa. « Ils vont mourir là ».

À Loliondo, qui est légalement reconnu comme village maasaï, les forces de sécurité de l’État ont tiré sur des villageois en juin dernier lors de manifestations, car la police désire délimiter leurs terres dans le but de créer une réserve pour la chasse aux trophées et pour les safaris. Lors de ces violentes confrontations, des dizaines de Maasaï ont été blessés et nombre d’entre eux ont dû traverser la frontière pour se rendre au Kenya afin d’y recevoir des soins médicaux. Au moins 24 autres ont été arrêtés, tandis que certains n’ont pas été autorisés à quitter leur domicile.

Maasai pastoralists protest move to demarcate ancestral land in Loliondo, Tanzania. Image courtesy of Forest Peoples Programme.
Des éleveurs maasaï lors d’une manifestation contre les expulsions à Loliondo, en Tanzanie, en 2017. En septembre 2018, la Cour de justice de l’Afrique de l’Est a interdit l’expulsion des communautés de cette zone. Image offerte par Forest Peoples Programme.

En juin dernier, neuf experts des Nations unies ont fait part de leurs préoccupations concernant les expulsions forcées et les plans de réinstallation, mais les représentants des Maasaï aux Nations unies affirment que le gouvernement n’a pas changé d’approche.

Les délégués maasaï affirment que depuis juin 2022, la Tanzanie a capturé ou tué plus de 600 000 vaches et exigé plus de 2,5 millions de dollars d’amendes pour le pâturage. Tout cela fait partie de ce que les Maasaï considèrent comme une campagne massive visant à détruire leur mode de vie pastoral.

Lors de l’Instance permanente, un représentant du gouvernement tanzanien a contesté les affirmations des Maasaï, rappelant que la Cour de justice de l’Afrique de l’Est avait rejeté en 2022 une affaire d’expulsion introduite par les Maasaï, déclarant qu’ils n’avaient pas pu prouver leurs affirmations concernant les expulsions violentes. L’Oakland Institute, une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis qui défend les droits des autochtones, a qualifié cette décision de « coup dur pour les droits fonciers des autochtones ». Les représentants tanzaniens de l’UNPFII n’ont pas souhaité faire d’autres commentaires concernant cette affaire.

Le contrôle du gouvernement

En janvier, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a effectué une visite de contrôle pour enquêter sur la situation. Mais les organisations communautaires maasaï ont déclaré que l’ensemble de la visite a été contrôlée par le gouvernement. Les représentants de la Commission ont été encadrés par les forces de sécurité de l’État, qui ont intimidé les Maasaï et les ont exclus de certaines réunions. Certains Maasaï ont attendu des heures pour parler à des membres de la Commission, mais ces derniers ne sont jamais venus.

Bien que dans son rapport final sur la visite, la Commission ait exprimé sa préoccupation quant à la situation, elle a également salué l’engagement de la Tanzanie à protéger les droits de l’homme. Elle a également préconisé de programmer des nouvelles rencontres avec les Maasaï et de répondre à leurs préoccupations concernant le programme de réinstallation.

Des femmes maasaï dans un projet de conservation communautaire au Kenya, image de Joan de la Malla.

En décembre, José Francisco Calí Tzay, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, devait effectuer une visite d’une semaine en Tanzanie, mais celle-ci a été reportée à une date indéfinie. Les dirigeants Maasaï pensent que la visite a été compromise par crainte que le rapporteur spécial ne puisse pas pleinement enquêter. Lors de l’Instance permanente, Calí Tzay a réclamé l’arrêt des expulsions et une rencontre entre le gouvernement et les Maasaï, mais il n’a pas abordé la question du report de la visite.

N’ayant plus d’autre choix, les Maasaï se sont tournés vers l’Instance permanente pour faire part de leurs préoccupations. Brian Keane est directeur de Land is Life, une organisation internationale qui travaille avec les peuples autochtones et qui fournit notamment des fonds pour les voyages, une assistance médicale et des évaluations de sécurité aux Maasaï. Briane Keane affirme que les Nations unies constituent une plate-forme importante pour les Maasaï.

« C’est un endroit où ils peuvent être entendus. Le gouvernement tanzanien ne les écoute pas », a-t-il déclaré.

Les Maasaï espèrent que la pression internationale pourra convaincre le gouvernement de prendre enfin en compte leurs préoccupations. Mais s’exprimer au niveau international comporte aussi des risques. Plusieurs dirigeants qui ont dénoncé des abus du gouvernement ont été contraints de fuir le pays pour assurer leur sécurité.

« Les peuples autochtones font partie des peuples les plus criminalisés au monde », a déclaré Keane. « Des gens sont jetés en prison. Ils font l’objet de menaces. C’est donc très dangereux de défendre ses droits quand on est aussi peu considéré que les Maasaï en Tanzanie ».


 

Image de bannière : Un Maasaï à Maasaï Mara, au Kenya. Image de Kent Yoshimura via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

 
Article original: https://news.mongabay.com/2023/04/indigenous-maasai-ask-the-united-nations-to-intervene-on-reported-human-rights-abuses/

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