Nouvelles de l'environnement

Les groupes autochtones soutiennent le programme REDD+, malgré ses faiblesses

  • Une lettre publiée le 9 mai et signée par un groupe d'organisations autochtones soutient un mécanisme de compensation en échange d'efforts de protection des forêts, connu sous le nom de REDD+, acronyme de « réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts ».
  • L'objectif de REDD+ est de fournir un financement basé sur les résultats pour le développement économique lié à ces efforts de protection. Ce financement provient de crédits vendus aux entreprises et aux particuliers pour comptabiliser leurs émissions de carbone.
  • Mais les critiques remettent en cause la façon dont les crédits carbone sont calculés, et d'autres s'inquiètent du manque de consentement et de participation des communautés autochtones et locales les plus touchées par les travaux de REDD+.
  • La lettre affirme que REDD+, malgré ses faiblesses, est l'un des rares fournisseurs directs de financement des communautés pour les travaux liés au climat, et appelle à une plus grande inclusion dans la conversation, plus large, sur REDD+, les crédits carbone et les compensations.

Le 9 mai, un groupe d’organisations autochtones a publié une lettre soutenant les efforts de protection des forêts, connus sous le nom de REDD+.

Ils affirment que REDD+, acronyme de « réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts », fournit un financement indispensable au développement économique et aux travaux liés au climat. Ils notent également que le point de vue des autochtones et des communautés concernant ce mécanisme a été pratiquement occulté lors du débat actuel sur l’action climatique et le financement d’actions contre le changement climatique.

Le projet REDD vise à encourager les communautés à préserver les forêts, en leur effectuant des paiements en échange du respect de certaines normes. (Le signe plus a été ajouté après la création de REDD par les Nations unies en 2005 afin de mettre davantage l’accent sur la conservation des réserves de carbone forestier, la gestion durable des forêts et l’accroissement des stocks de carbone forestier).

L’objectif est de vendre à des entreprises et à des particuliers des crédits issus du carbone en surplus maintenu hors de l’atmosphère grâce à ces efforts, souvent pour compenser les émissions provenant d’activités telles que l’industrie ou les voyages. Ces crédits fournissent à leur tour un flux de financement à ces organisations et à ces communautés.

Mais les processus par lesquels ces quantités de carbone sont calculées ont récemment fait l’objet d’un examen approfondi. Une série d’articles publiés en début d’année 2023 par le journal britannique The Guardian, l’hebdomadaire allemand Die Zeit et l’organisme journalistique à but non lucratif Source Material ont soulevé la question de savoir si ces crédits contribuent réellement à lutter contre le changement climatique. Les analyses des journalistes ainsi que les recherches scientifiques ont laissé entendre que de nombreux crédits pourraient être basés sur des calculs douteux.

A farm with the forest in the distance near a REDD+ project.
Une ferme avec une forêt au loin près d’un projet REDD+ au Cambodge. Image de John Cannon/Mongabay.

Leur rapport a également révélé que des communautés au Pérou ont été chassées de leurs terres ancestrales, qui entrent dans le cadre des projets REDD+, dont on vante la réduction de la déforestation qu’ils ont entraînée. Les craintes soulevées s’ajoutent à celles des ONG qui ont réclamé des exigences plus strictes pour intégrer les points de vue des communautés dont les terres ancestrales sont susceptibles d’être affectées par les projets REDD+, conformément au principe de consentement libre, préalable et éclairé reconnu dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Ces critiques ont attisé le débat au sein de la communauté de la conservation et du secteur des droits des autochtones au sujet de la vente des crédits carbone, allant parfois jusqu’à se demander si les marchés du carbone et les structures telles que REDD+ doivent être maintenus.

De nombreux observateurs saluent l’occasion d’améliorer la comptabilisation du carbone et de renforcer l’intégrité des crédits disponibles à l’achat.

Lors d’une conférence de presse tenue avant la publication de la lettre, Sandeep Roy Choudhury, cofondateur de VNV Advisory Services, qui travaille avec des organisations en Asie et en Afrique pour accéder au financement climatique, a déclaré : « Une conversation constructive ne peut qu’être bénéfique pour le secteur, étant donné l’importance des besoins en matière de conservation communautaire ».

Mais il a ajouté que, « ce qui manque, ce sont les voix des pays du Sud, les voix des professionnels ou des personnes qui ont parcouru ce chemin, qui en ont vu les hauts et les bas, et qui ont vraiment été confrontés au poids de ce qui se passe dans les cercles de la déforestation et de la dégradation des forêts ».

A REDD+-supported school.
Une école financée par un projet REDD+ au Cambodge. Image de John Cannon/Mongabay.

Quatre organisations autochtones ont signé la lettre : la Fondation Indigène FSC, le Comité de coordination des peuples autochtones d’Afrique, le Partenariat des peuples des forêts et l’Alliance méso-américaine des peuples et des forêts, connue sous le sigle espagnol AMPB. D’autres organisations, dont VNV Advisory Services, ont cosigné en soutien à cette lettre.

Ses auteurs affirment que la conversation en cours entre les experts en conservation, les consultants et les ONG de défense des droits des autochtones est inachevée sans les voix des membres des communautés qui sont en contact direct avec les projets REDD+. Ils ajoutent que le point de vue de ces communautés est particulièrement important car nombre d’entre elles sont déjà confrontées aux graves conséquences du changement climatique alors que, paradoxalement, elles n’en sont pas responsables.

« Ceux qui souhaitent connaître les impacts des projets REDD+ devraient prendre en compte nos connaissances et nos observations dans leurs analyses afin d’obtenir un tableau precis », poursuivent-ils.

Selon un rapport de 2020 de l’Initiative des droits et ressources, une coalition mondiale d’organisations, les communautés autochtones et locales sont responsables de la gestion d’au moins la moitié des forêts destinées à des travaux liés au climat, tels que la restauration. Les recherches scientifiques ont constamment démontré que les forêts et autres écosystèmes se portent mieux lorsque les droits de ces communautés sont reconnus. Une étude récente sur l’Amazonie a révélé que la déforestation était moins importante dans les territoires autochtones que dans les zones protégées, et que ces zones protégées ainsi que les territoires autochtones n’avaient perdu qu’environ un tiers de la forêt primaire par rapport à la diminution observée en dehors de ces zones entre 2017 et 2021.

Choudhury a déclaré que « les peuples autochtones protègent la terre depuis très, très longtemps et je pense qu’il est temps que nous le reconnaissions ».

Members of Indigenous communities and groups, including the Mesoamerican Alliance of Peoples and Forests, participating in climate negotiation in the COP23 sessions.
Des membres de communautés et groupes autochtones, dont l’Alliance méso-américaine des peuples et des forêts, participant aux négociations climat lors de la COP23. Image de Jochen Tack via Flickr (CC BY-NC 2.0).

D’autres recherches ont révélé que le financement destiné à aider les communautés autochtones et locales en matière de sécurité foncière et de lutte contre le changement climatique ne leur parvient que dans une très faible mesure. Et les dirigeants des communautés ont confirmé ces propos.

En excluant la contribution de ces groupes aux projets REDD+ et aux projets liés au climat, « nous allons mettre un frein à … l’une des solutions que nous pourrions avoir pour valoriser la contribution des peuples indigènes », a déclaré Francisco Souza, directeur général de la Fondation indigène FSC, lors de la réunion d’information. Souza est également membre de la communauté autochtone apurinã de l’Amazonie brésilienne.

La lettre souligne que le programme REDD+ est l’un des rares moyens permettant de faire parvenir de l’argent à ces groupes. Mais selon un récent article d’opinion rédigé par Robert Nasi, directeur général par intérim du CIFOR-ICRAF, et par Pham Thu Thuy, scientifique principal au CIFOR-ICRAF, ce financement peut être lent et difficile à obtenir. Le Centre de recherche forestière internationale et Centre international pour la recherche en agroforesterie, ou CIFOR-ICRAF, est un groupe scientifique à but non lucratif dont les sièges se trouvent à Bogor, en Indonésie, et à Nairobi, au Kenya.

« Les pays et les communautés REDD+ ont assumé une grande partie du coût de la mise en œuvre de projets REDD+, mais leurs contributions ne sont pas reconnues », ont écrit Nasi et Thuy dans l’article d’opinion publié par Mongabay, en citant une étude réalisée en 2016 par le CIFOR.

Les craintes concernant l’augmentation du financement destiné directement aux communautés autochtones et locales sont importantes. Cependant, REDD+ a également servi « d’outil de dialogue entre les gouvernements et les peuples autochtones », a déclaré Levi Sucre Romero, coordinateur de l’AMPB, dans un message vocal adressé à Mongabay. Sucre est également chef de la communauté Bribri au Costa Rica.

Les auteurs de la lettre soulignent que les projets ont également apporté des avantages concrets, ainsi qu’un « impact démontrable sur la réduction de la déforestation ».

Evans, a ranger for the REDD+ project Wildlife Works in Kenya's Kasigau Corridor.
Evans, garde forestier pour le projet REDD+ Wildlife Works dans le corridor de Kasigau au Kenya. Image de Geoff Livingston via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

Grâce au projet REDD+ de Kasigau, dans le sud du Kenya, les fournisseurs de financement se sont multipliés, ce qui a permis d’améliorer l’accès à l’eau potable et d’offrir des dizaines de milliers de bourses d’études, a déclaré Joseph Mwakima, responsable des relations avec les communautés du projet REDD+ Wildlife Works de Kasigau, lors de la réunion d’information.

Aujourd’hui, les investissements réalisés depuis le début du projet, il y a plus de dix ans, commencent à porter leurs fruits pour les communautés, a déclaré Mwakima. Certains jeunes qui étaient partis étudier ont commencé à revenir « en tant qu’enseignants, médecins, infirmiers et hommes d’affaires ».

Selon les auteurs de la lettre, sans ce type de projets, la déforestation augmentera.

« Si vous ne prenez pas en compte les projets REDD+ lorsqu’il s’agit de préserver les écosystèmes forestiers, vous laisserez un vide immense dans les flux financiers », a déclaré Choudhury.

Deborah Sanchez, coordinatrice des forêts, du climat et de la biodiversité à l’AMPB, a déclaré lors de la réunion d’information qu’une telle perte effacerait le travail accompli par ces communautés pour lutter contre le changement climatique. « Je ne pense pas que ce soit juste », a-t-elle ajouté.

Pour inclure ces communautés, il est essentiel d’écouter et de respecter leurs souhaits, a déclaré Mwakima. Concernant les décisions prises dans le cadre du projet REDD+ de Kasigau, « s’ils disent oui, c’est oui. S’ils disent non, c’est non », a-t-il ajouté.

Récemment, lors d’un débat organisé par la Fondation Skoll au sujet des marchés du carbone, Sucre a déclaré : « Toute action en faveur du climat doit être une question de justice ».

Il a fait remarquer que, dans le cadre des efforts déployés pour obtenir des crédits carbone à plus haute intégrité, des consultants, souvent originaires des pays du Nord, sont appelés à évaluer le travail des communautés et à « nous dire comment prendre soin d’une forêt, alors qu’ils n’y ont jamais vécu ».

« Sur cette planète, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser certaines personnes vivre aux dépens de la mort d’autres personnes », a déclaré Sucre. Essayons d’affronter le [changement climatique] ensemble, et non pas en disant : « Je vous donne de l’argent, et [vous] trouvez la solution à ma place ».

 
Image de bannière : Le groupe de femmes de Bungule, où elles s’engagent dans des activités entrepreneuriales telles que la production d’art et d’artisanat vendus aux États-Unis sous les auspices du projet REDD+ Wildlife Works. Image de Geoff Livingston via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0). Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

 
Article original: https://news.mongabay.com/2023/05/indigenous-groups-voice-support-for-redd-despite-flaws/

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