Nouvelles de l'environnement

Élément d’Afrique : l’avancée d’un oléoduc, rivières polluées et régulations minières « désastreuses »

  • Les ONG environnementales s'inquiètent de l'avancée de l'oléoduc Niger-BénLes ONG environnementales s'inquiètent de l'avancée de l'oléoduc Niger-Bénin.in.
  • L’extraction illégale d’or au Ghana pollue les rivières dont dépendent les communautés locales pour l’approvisionnement en eau potable, pour l’hygiène et pour l’agriculture.
  • Une affaire judiciaire contre un chef de village qui aurait vendu la licence d’exploitation minière de la communauté à une société chinoise a mis en lumière ce que les analystes appellent l’état « confus » de la réglementation minière au Nigeria.
  • Élément d’Afrique est le bulletin bi-hebdomadaire de Mongabay qui rassemble de courts articles sur le secteur des matières premières en Afrique.

Plaintes et préoccupations des communautés concernant les écosystèmes alors que l’oléoduc Niger-Bénin progresse

Les travaux de l’oléoduc pour le pétrole nigérien reliant les puits pétroliers du gisement de l’Agadem à l’est du Niger au port de Sémè au sud-est du Bénin ont déjà avancé sur quelque 600 km d’après les autorités nigériennes. Mais ce projet, évalué à des centaines de millions de dollars, n’est pas sans conséquence sur la nature, d’après les ONG de protection de l’environnement.

Le gouvernement nigérien espère exporter 90 000 barils de sa production quotidienne du pétrole à partir de juin 2023. Long de près de 2 000 km, Niamey ambitionne avec cet oléoduc de booster sa production du pétrole, passant de 20 000 à 100 000 barils par jour.

Côté béninois, la construction de pipeline va affecter 17 communes dans quatre régions avec un impact considérable sur des forêts sacrées, des forêts classées, des cultures et des marécages. Plusieurs habitats seront détruits et le projet menace la survie de beaucoup d’espèces animales et végétales.

« Des mammifères, plusieurs oiseaux ainsi que des reptiles font partie des espèces menacées. La biodiversité connaîtra également une régression du fait du déplacement de l’habitat, de la fragmentation des forêts et de la déforestation », déclare Joséa Dossou Bodjrenou, le président du comité national de International Union for Conservation of Nature (UICN) au Bénin.

Cent cinquante-deux villes et villages seront touchés d’après le ministère béninois de l’Environnement. Selon les autorités béninoises, les personnes dont les parcelles sont concernées par les travaux ont reçu, après consultation entre les différentes parties concernées, des frais de compensation.

« À Sèmè Kpodji, le mètre carré est dédommagé à 2 350 francs CFA soit moins de 4 dollars américains, mais les bénéficiaires ne sont pas satisfaits. Beaucoup témoignent avoir accepté malgré eux et une bonne partie des habitants », rapporte Félix Bandjou, chef de village de Kraké Daho.

Le chantier, lancé en 2019, devrait prendre fin en 2022, mais la pandémie de Covid-19 a ralenti l’évolution des travaux selon Nafiou Issaka, le directeur général adjoint de la West African Oil Pipeline Company, le maître d’ouvrage.

Oléoduc Niger-Benin. Image de Rachida Houssou.

L’exploitation minière illégale pollue l’eau des agriculteurs dans les régions productrices d’or du Ghana

Le long de la rivière Debre, dans la région d’Ashanti au Ghana, de plus en plus d’agriculteurs désespèrent d’obtenir de l’eau. En effet, celle de la rivière, auparavant claire et fraîche, est désormais marron et polluée par les activités minières illégales.

Nana Kweku cultive le gombo et l’aubergine africaine (Solanum gilo) dans sa ferme de deux hectares à Kasotie, un village du district d’Atwima Mponua. Durant la saison sèche, il prélève l’eau de la rivière pour irriguer son champ.

« Au lieu de feuilles vertes, certaines de nos plantes sont vert-jaunâtre. Ce n’est pas normal », dit-il. Selon lui, ses récoltes ont chuté de moitié, voire plus.

Les agriculteurs ne peuvent plus non plus utiliser l’eau de la rivière pour boire ou se laver. À la place, les femmes et les enfants doivent parcourir six kilomètres à pied pour acheter de l’eau propre à un puits de captage foré par le conseil du district d’Atwima Mponua et des philanthropes locaux.

Le fleuve Debre au Ghana. Image de Mabel Adorkor Annang.

Nana Kweku utilise parfois cette eau pour irriguer son champ, mais le coût de deux jerricanes est élevé pour un agriculteur avec une famille nombreuse. « Nous allons chercher environ 300 à 450 litres par jour. Parfois, je dois en amener à la ferme pour irriguer les cultures, ce qui fait augmenter la dépense. Si la rivière n’était pas polluée, nous ne serions pas dans cette situation. »

Selon lui, l’eau du puits de captage coûte à sa famille 1 cédi pour 50 litres, soit 3 à 5 dollars par semaine.

« En dehors d’Ashanti, la Birim, l’Ankobra, le Pra et le Densu… parmi tant d’autres rivières, ont été pollués par l’exploitation minière illégale dans le lit des cours d’eau, dont ceux dans la forêt d’Atewa », explique Daryl Bosu, directeur national adjoint de l’organisation de protection de l’environnement A Rocha Ghana, à Mongabay.

Les résidents d’Atwima Mponua affirment avoir peu d’espoir que la rivière soit restaurée à son état normal, considérant l’absence apparente d’action visant à mettre fin à l’exploitation minière illégale.

Orpailleur illégal utilisant une pompe à eau. Image Élodie Toto pour Mongabay.

De mauvaises régulations, une menace pour les communautés face au boom minier du Nigeria

Le 23 janvier, des villageois de l’État nigérian central de Nasarawa ont traduit leur chef de village devant un magistrat. Ils l’accusent d’avoir falsifié des documents transférant la licence minière de la communauté à une société chinoise en échange d’argent.

La communauté d’Ugya avait créé une entreprise et obtenu une petite licence d’exploitation minière. Les membres de la communauté, rapporte le journal Vanguard, affirment toutefois que le chef du village, Musa Adamu, aurait vendu la licence à la société chinoise HSHF Overseas Mining Limited en échange d’une somme non divulguée.

L’affaire d’Ugya met en lumière l’état chaotique des régulations minières au Nigeria. Une situation qui a fréquemment permis aux mineurs de détruire des terres agricoles et de polluer les cours d’eau en toute impunité.

L’État de Nasarawa, dans le centre du Nigeria, possède certaines des plus grandes concentrations de minéraux solides du pays, dont des gisements de tantale et d’étain. Les autorités nigérianes attribuent l’activité minière illégale généralisée à Nasarawa et ailleurs dans le pays aux actions des élites locales et des accapareurs de terres.

La loi prévoit que les gouvernements des 36 États du Nigeria régulent l’accès aux terres tandis que le contrôle sur les ressources minières revient au gouvernement fédéral. Lorsqu’une ressource exploitable est identifiée, ce dernier assume le pouvoir de délivrer des licences d’exploitation, d’examiner les études d’impact environnemental et social, et d’approuver et de surveiller l’atténuation et la réparation des dommages. Les propriétaires et occupants légitimes des terres ont droit à une compensation et les mineurs sont tenus de conclure un accord de développement communautaire avec leurs hôtes.

Les analystes pointent toutefois que la négligence, la corruption et les mauvaises régulations alimentent les activités minières illégales et exposent les résidents à des risques. Dans certains cas, les chefs locaux acceptent des paiements de la part des mineurs et leur accordent illégalement l’accès à la terre sans licence d’exploitation ou étude environnementale. Le 4 janvier, en réponse au nombre grandissant de conflits locaux et de dégâts environnementaux, le gouvernement de Nasarawa a publié une ordonnance interdisant aux communautés de céder des terres pour l’exploitation minière.

« Les communautés d’accueil ont toujours été les victimes des réalités désastreuses qui découlent des activités minières. Des réalités rendues plus compliquées encore par le caractère confus du cadre juridique [de l’exploitation minière] au Nigeria », explique Akintunde Babatunde, qui dirige le programme sur les ressources naturelles et les industries extractives du Centre for Journalism Innovation and Development, un organisme de recherche politique et de médias à but non lucratif basé à Abuja.

Selon lui, si l’ordonnance venait à être appliquée, elle aiderait à protéger les communautés, mais il redoute toutefois qu’elle ne soit pas utile. « Comment s’assurer qu’il n’y aura pas de vache sacrée ? La crainte du manque d’efficacité de cette ordonnance porte davantage sur sa mise en œuvre », conclu-t-il.

Exploitation minière au Nigeria. Image de Gudjohnsen007 via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

De l’or sans trace dans le Sud-Kivu et des milliards de dollars perdus

En 2021, la RDC avait exporté 26 kg d’or issus du secteur artisanal retrouvés par les services publics. Mais en janvier 2023, au cours d’une campagne de cinq jours, la RDC a exporté 28 kg d’or. C’est plus que toute la production de 2021, et cette révélation suppose une fraude de grande nature et un manque à gagner au-delà des estimations.

La fraude se porte ainsi très bien dans le secteur artisanal de l’or, pourtant primordial dans le Sud-Kivu, et de manière générale, en République démocratique du Congo (RDC). De nombreuses initiatives de la société civile et des organisations comme “Or Juste” (d’IMPACT) et d’autres initiatives nationales comme l’Initiative pour la Traçabilité de l’Or artisanal (ITOA) ont milité en faveur de plus de transparence dans le secteur sans succès notable.

Primera Gold DRC SA est une entreprise née du partenariat entre la RDC et les Émirats arabes unis, destination des 28 kg d’or en janvier 2023 pour une nouvelle expérience dans ce domaine. Elle vise à « capter toute la production de l’or de l’exploitation artisanale et d’exporter plus de 15 tonnes annuellement », indique le site ADIAC Congo. C’est grâce au travail de quelque 30 000 mineurs artisanaux identifiés pour fournir de l’or à cette société.

D’après Ancert Mushagalusa, chercheur au Centre d’expertise en gestion minière (CEGEMI) de l’Université Catholique de Bukavu, une forte quantité de la production artisanale d’or part dans les canaux illicites. Elle ne profite donc pas à l’État congolais. La même personne indique à Mongabay, par ailleurs, que le déficit de transparence et le désordre occasionné par le déficit de régulation du secteur artisanal accroît la fragilité, même sur le plan environnemental.

« Les forêts commencent à disparaître. Les creuseurs artisanaux recourent ordinairement au bois pour renforcer les puits afin d’éviter les éboulements. » Or, explique Mushagalusa, le bois utilisé devient rare. « Puisqu’il faut désormais le chercher loin des sites miniers artisanaux. »

Dans ce cas, les artisanaux utilisent d’autres bois de substitution, moins solides. Ceci explique en partie, selon Ancert Mushagalusa, la survenue de nombreux éboulements. Le Sud-Kivu aurait compté jusqu’à une centaine de morts dans les mines artisanales d’or en 2022, indique la même source. Le premier janvier 2023, par exemple, le site Actualite.cd rapportait la mort de 10 creuseurs dans deux éboulements dans la région. Plusieurs autres se sont produits la même année.

D’après le site ADIAC Congo, à ce jour, neuf comptoirs d’or reconnus opèrent dans la région. Mais, par le passé, aucun n’a pu atteindre la performance de janvier 2023.

Selon un rapport, le programme visant à éliminer les « minerais de conflit » ne parvient pas à mettre fin au travail des enfants en RDC

Mabel Adorkor Anang, Didier Makal, et Lawon Olalekan ont participé à la rédaction de ce bulletin.

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