Nouvelles de l'environnement

Cameroun : Les félins en déclin suite au braconnage et aux croyances superstitieuses

hyene tachétée photographiée au Gabon

  • En deux décennies, soit entre 1990 et 2020, dans le parc national de Waza, région de l’Extrême-Nord Cameroun, le braconnage a totalement décimé la population des félins. Seuls 2 lions (Panthera leo), 7 hyènes rayées (Hyaena hyaena) et 2 chats sauvages (Felis silvestris) restent dans cette région, selon une étude de l’Université de Maroua.
  • Une autre raison qui expliquerait la diminution drastique de lions et d’autres félins à Nkongo, une localité située au nord-ouest de Petté, serait les croyances tradi-médicinales et magiques populaires associées à certaines parties des animaux.
  • Les conflits entre humains et animaux causés par la croissance démographique sont aussi l’une des grandes causes de disparition des félins dans certaines parties du Cameroun.
  • Au moins 1500 têtes de bétail doivent brouter dans des parcs chaque jour et cela pousse les bergers à tuer les félins pour qu’ils n’attaquent pas les troupeaux.

En 2023, plusieurs experts estiment qu’il serait difficile de rencontrer des lions et les autres félins au parc national de Waza, notamment le chat sauvage (Felis silvestris), l’hyène (Crocuta crocuta), la panthère (Panthera pardus) et d’autres.

« Les lions sont menacés à l’Extrême-Nord du Cameroun. Actuellement, dans le parc national de Waza et ailleurs, il serait difficile de trouver un lion. Ceci s’explique d’une part par la diminution des effectifs des animaux qui entrent dans le régime alimentaire des grands félins comme des antilopes (artiodactyles) ; les lièvres (Lepus) », explique Ishaga Ndjidda, ingénieur environnementaliste et aménagiste.

Par ailleurs, Inshaga Ndjidda estime que « l’augmentation de la croissance démographique dans les villages limitrophes du parc national de Waza, qui se traduit par une augmentation du volume de prélèvement des ressources ligneuses tels que le bois dans le parc, bien qu’interdit, » est un grand facteur de diminution de la population des félins.

De façon empirique, 90% à 100% de la population installée dans les villages limitrophes du parc national de Waza utilisent principalement le bois de chauffe ramassé dans ce parc, ajoute Ishaga Ndjidda, dans une interview avec Mongabay.

Une panthère sauvée à Lobongo à l’Est ; un lion tué à Makary

Une panthère, « mâle, âgée de 4 à 5 ans », a été découverte prise dans un piège le 23 janvier, d’après un communiqué diffusé par le délégué régional des forêts et de la faune Durand Nna.

L’incident s’est déroulé dans la commune de Salapoumbé, département de la Boumba et Ngoko, au village dit Lobongo, non loin du parc national de Lobéké.

La vie de la panthère a été sauvée des braconniers et trafiquants grâce à l’intervention des agents de la délégation des forêts et de la faune de la région de l’Est et les forces de l’ordre et de sécurité.

En 2021 dans la commune de Makary, un lion adulte a été tué par le commandant de brigade après avoir blessé 21 personnes, dont 10 étaient hospitalisées.

Le félin a été abattu dans le champ du nommé Kaftara, pendant que celui-ci se défendait face aux menaces du félin, estime notre source.

Le parc national de Waza, une réserve biosphérique de l’UNESCO, et l’usage des armes

Le parc national de Waza a connu un changement de statut à travers le temps. C’est en 1968 que la réserve faunique, qui a été créée en 1934, est devenue le parc national de Waza.

Quelques années plus tard en 1982 le parc national de Waza est devenu une réserve biosphère de l’UNESCO, avec la présence des félins bien entendu.

Cependant, l’usage des armes dans la chasse des animaux et surtout les félins a changé pour le pire la vie des animaux dans les parcs au Cameroun et ailleurs.

L’usage des armes de guerre, notamment la Kalachnikov, n’est pas l’unique moyen d’abattage des grands félins à Petté ou ailleurs.

Il existe aussi d’autres moyens plus violents, selon Haman Yaya, un activiste pro environnement qui a réussi à infiltrer plusieurs réseaux de chasseurs.

Pendant plusieurs mois, il a observé d’autres méthodes de braconnage. Il a distingué les « grands chasseurs » dont les nationalités sont nigériennes, tchadiennes, nigérianes…, qui tuent les grands félins et des « chasseurs locaux » qui tuent les petits félins pour la consommation et aussi pour la vente.

« Les grands chasseurs empoisonnent les marres d’eau où les lions ont l’habitude de venir boire. Ils installent aussi des pièges localement appelés arc-en-ciel. Cette méthode consiste à mettre une forte dose de somnifères sur les flèches qu’ils vont utiliser pour immobiliser les lions », raconte l’activiste.

En plus de cette méthode, il y a celle que les chasseurs qualifient d’espionnage. Ici les chasseurs grimpent sur des arbres avec des flèches empoisonnées ou des armes de guerre pendant que d’autres posent à même le sol. On laisse par terre des carcasses d’animaux pour attirer les lions. Ceux-ci viennent pour manger et les chasseurs ouvrent le feu sur les félins, explique Haman Yaya.

 

La plaine du lac Tchad comme lieu de transit des carcasses de lions

Les frontières de 6 pays se joignent au niveau du lac Tchad à savoir le Tchad, le Niger, le Nigéria, la Libye, la République Centrafricaine et le Cameroun.

La plaine du lac Tchad est très riche en biodiversité et c’est aussi la route des trafiquants et des braconniers des espèces fauniques sauvages.

« A cause de l’arrivée des hommes et le braconnage intensif, les lions ont migré vers le bassin du lac Tchad, quelques-uns reviennent, parce qu’ils sont attirés par le bétail pendant la saison des pluies », explique Mahaman Yaya.

Cette zone est très vaste et constitue une plate tournante pour beaucoup de trafic, notamment le trafic des lions, des cheptels, de la drogue et d’autres crimes, selon toujours notre source.

Les chasseurs lourdement armés viennent pour la plupart de cette plaine et souvent ils sont confondus avec les membres de la secte Boko Haram, estime Baraka, point focal du Cercle des amis réunis (CESOQUAR).

Certaines associations qui luttent contre le trafic des espèces fauniques sauvages ne couvrent pas cette plaine du lac Tchad, comme l’a reconnu un responsable d’une ONG active dans plusieurs pays d’Afrique.

 

La réapparition des antilopes dans le parc national de Waza

Des antilopes (Céphalophe) ont été observées dans la commune du Logone Birni dans le département du Logone et Chari, une localité qui se trouve à la frontière avec la République du Tchad, en décembre dernier.

« J’ai vu l’antilope à l’entrée du parc national de Kalamaloué, plus précisément à Maltam », a raconté Ishaga Ndjidda.

La journaliste Alice Bakker de la Fondation Leo a publié un article sur le statut des antilopes dans le parc national de Waza le 5 février 2023 dans lequel elle conclut :

« Avec des interventions de gestions appropriées et rapides, ces populations [antilopes, Ndlr] pourraient se rétablir à un niveau sain, sur lequel les lions et les autres prédateurs pourraient encore prospérer ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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