Nouvelles de l'environnement

Selon une étude, les bonobos acceptent facilement les individus étrangers

  • Les bonobos sont connus pour leurs relations paisibles entre groupes familiaux. Il n’y a toutefois pas de véritable consensus scientifique quant à leur tolérance envers les individus extérieurs.
  • Une étude récente s’est penchée sur cette question en observant les membres de communautés de bonobos habituées à la présence humaine en République démocratique du Congo. Leur comportement a ensuite été comparé à celui de groupes de chimpanzés du parc national de Kibale en Ouganda.
  • Les chercheurs ont ainsi découvert que, par rapport aux chimpanzés, les bonobos maintiennent des sous-groupes distincts aux liens forts, qui entretiennent des relations pacifiques entre eux.
  • Ces résultats permettent aux défenseurs de l’environnement de mieux comprendre le comportement social des bonobos, ce qui peut contribuer aux actions de conservation de l’espèce.

Les bonobos, parfois considérés comme étant des « hippies » parmi les grands singes, sont connus depuis longtemps pour leurs relations relativement paisibles entre groupes familiaux. Mais il n’existe pas de véritable consensus sur le pacifisme des interactions des bonobos (Pan paniscus) avec les membres d’autres structures familiales.

Une étude récente s’est attachée à mesurer leur tolérance envers les individus perçus comme appartenant à un groupe extérieur, un comportement qui a très souvent été débattu en raison du manque de données sur la dynamique sociale de l’espèce.

Les chercheurs ont suivi des groupes de bonobos habitués à la présence humaine de la réserve naturelle de bonobos de Kokolopori et ont comparé leur comportement à celui de groupes de chimpanzés du parc naturel de Kibale, en Ouganda.

D’après leur article, publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, les bonobos forment des groupes distincts et stables, mais sont également flexibles dans leurs associations. En outre, les interactions marquées par la tolérance et la coopération entre groupes sont fréquentes.

Shared grooming among bonobos
Chez les bonobos, le toilettage mutuel est une interaction indicatrice des dynamiques du groupe, qui incluent tolérance et coopération. Image reproduite avec l’autorisation de Martin Surbeck.

Des interactions fréquentes et paisibles

Dr Liran Samuni, première autrice de l’article, est primatologue à l’université d’Harvard. Dans un courriel adressé à Mongabay, elle explique que les bonobos semblent tolérants envers les individus qui leur sont inconnus. La recherche actuelle ne permet toutefois pas de déterminer s’ils les perçoivent comme appartenant à un « hors groupe » socialement distinct ou simplement en tant que membre d’une communauté plus large et moins définie.

« C’est la question qui nous intéressait le plus : les bonobos forment-ils des groupes socialement distincts les uns des autres ? Ce que nous observons est-elle une tolérance entre “quartiers” d’une même grande communauté, sans distinction entre groupe d’appartenance et groupe extérieur ? »

Entre janvier 2017 et décembre 2019, les chercheurs ont suivi des groupes de bonobos au quotidien, du lever au coucher du soleil, et ont enregistré leur comportement afin de caractériser leur structure sociale.

Ils ont ainsi collecté 1 000 jours de données d’observation sur les adultes et les adolescents de plus de 10 ans de la communauté d’Ekalakala, 1 075 jours pour ceux de Kokoalongo, et 257 jours pour ceux de Fekako. Ils se sont principalement concentrés sur combien de temps les individus passent ensemble, avec qui et ce qu’ils font.

Ils ont ensuite comparé ces données à celles collectées à Kibale, où la communauté de chimpanzé de Ngogo est sous constante observation depuis 1995.

Chimpanzees
Des chimpanzés au parc national de Kibale. Image de Kent MacElwee depuis Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Les chercheurs ont découvert que les bonobos retournaient systématiquement au même groupe bien défini, tout en interagissant fréquemment avec les membres d’autres groupes.

Tout comme dans les autres populations de bonobos, les jeunes femelles de Kokolopori bougeaient souvent d’un groupe à l’autre. En outre, les bonobos mâles semblent avoir plus de flexibilité dans leurs mouvements inter-groupes que leurs cousins chimpanzés. Ils ont également constaté que, en dépit de ces interactions extérieures fréquentes, l’appartenance au groupe était plus forte chez les bonobos que chez les chimpanzés :

« L’appartenance à un groupe chez les bonobos était constante et stable sur la durée, malgré les relations récurrentes et prolongées entre différents groupes, allant de quelques heures à deux semaines », affirme l’étude.

Ces découvertes suggèrent la présence d’une organisation sociale chez les bonobos qui comprend une distinction claire entre le groupe d’appartenance et ceux extérieurs, sans exclure une tolérance envers ces derniers. En d’autres termes, les chercheurs ont conclu que les bonobos forment en effet des groupes bien définis au sein de la communauté, tout en interagissant fréquemment et paisiblement avec les individus d’autres groupes.

Bonobo family.
Les chercheurs se sont principalement concentrés sur combien de temps les individus passent ensemble, avec qui et ce qu’ils font. Image de Pierre Fidenci depuis Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.5).

Une espèce confrontée à de nombreux défis

L’étude a fait face à plusieurs défis. En effet, au nombre réduit de bonobos vivant en liberté s’ajoutent l’instabilité politique de la RDC et la perte d’habitat.

« En outre, ne pouvoir étudier qu’une poignée de populations de bonobos limite notre compréhension de la diversité des comportements et de leurs variations d’une population à l’autre », déplore Dr Samuni.

L’étude s’avère néanmoins vitale en ce qu’elle pourrait aider les efforts de conservation de l’espèce, affirme Philip Muruthi, vice-président de l’African Wildlife Foundation (AWF) et spécialiste des espèces et de la conservation.

Selon lui, comprendre le comportement social des bonobos et d’autres espèces animales sauvages est un premier pas vers une meilleure gestion de leur habitat et donc de leur protection. Connaître leur comportement social donne une idée des activités susceptibles de perturber leur société et leur écosystème, et d’affecter leur survie ou leur durabilité.

« Les études telles que celle-ci nous aident à comprendre comment ils socialisent, comment ils se nourrissent, où ils préfèrent dormir et l’espace dont ils ont besoin. Comprendre ces éléments est essentiel à la gestion de leur habitat et, à terme, à leur conservation », explique M Muruthi.

Ces connaissances, ajoute-t-il, sont également essentielles, d’une manière générale, pour prévenir les conflits entre l’homme et l’animal et pour réintroduire des espèces lorsque cela est nécessaire.

 

Image de bannière : Les bonobos, parfois considérés comme étant des « hippies » parmi les grands singes, sont connus pour leurs relations relativement paisibles entre groupes familiaux. Image de Zweer de Bruin depuis Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Référence :

Samuni, L., Langergraber, K. E., & Surbeck, M. H. (2022, June 21). Characterization of Pan social systems reveals in-group/out-group distinction and out-group tolerance in bonobos. Proceedings of the National Academy of Sciences, 119(26). doi:10.1073/pnas.2201122119

 
Article original: https://news.mongabay.com/2022/10/easygoing-bonobos-accepting-of-outsiders-study-says/

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