Nouvelles de l'environnement

Ouganda : Le lac Victoria menacé par des exploitations anarchiques aurifères illégales

Une à ciel ouvert en RDC

Une à ciel ouvert en RDC

  • L’Ouganda est un pays d’Afrique de l’Est et qui fait aussi partie de la région du rift avec une population estimée à plus de 49 millions en 2021. Ses habitants sont répartis, en grande partie, dans les grandes villes, dont Kampala, qui est habitée par au moins 9 millions d’individus.
  • Ce pays d’une superficie de 241.038km2 - soit presque la moitié de celle de la France - possède des gisements importants des minerais, dont ceux situés sur les rives du lac Victoria où l’exploitation reste anarchique, selon les autorités ougandaises.
  • Selon l’Agence d’Investissement ougandaise, plus de 80% du pays ont été étudiés pour déterminer la quantité et les emplacements des minéraux. De nouvelles données géographiques montrent que l'Ouganda possède d'importants gisements miniers sous-exploités d'or, de pétrole, d'étain à haute teneur, de tungstène/wolfram, de sel, de béryllium, de cobalt, de kaolin, de minerai de fer, de sable de verre, de vermiculite, de phosphates (engrais agricole), d'uranium et de terres rares.
  • Malgré ce potentiel minier de l’Ouganda et sa stabilité politico-sécuritaire, des sites miniers illégaux liés, entre autres, à l’exploitation de l’or naissent en désordre sur les rives du lacVictoria. Leurs exploitants déversent même des déchets dans ce lac qui abrite plus de 4 500 espèces de poissons.

Dans le lac Victoria, des bateaux se succèdent pour relier des îles, presqu’îles et autres rives lointaines de ce plus large lac d’Afrique.

Selon les activistes et les autorités ougandaises, l’or a été trouvé pour la première fois dans cette localité aux abords de Victoria en 1932, durant la colonisation britannique.

Les villages de Tiira, Makina, Amonikakine et Osapiri, sont depuis les endroits aurifères où les activités extractives sont nombreuses.

À l’exception de Tira et d’Amonikakine, où l’or est extrait de récifs constitués de roches dures, la majeure partie de l’or est extraite de matériaux alluvionnaires par des mineurs artisanaux et à petite échelle.

Des sites aurifères s’improvisent

Selon les activistes basés aux abords du lac Victoria,  « des ruées vers le lac  ont été signalées dans les minesd’or de Bude, Nakudi et Busuma à Namayingo ».

Ssengendo Abdallah, activiste basé non loin de Namayingo, affirme que ces trois sites miniers, situés à Namayingo, au bord du lac Victoria du côté de l’Ouganda, font face à des coulées composées d’un mélange de boue et d’autres acides dont les noms ne sont pas encore connus. Il n’écarte pas la possibilité de présence de cyanure dans ces boues qui se déversent dans le lac.

Le gouvernement parle

David Ssebagala, inspecteur principal des mines au ministère de l’Énergie et du Développement minier en Ouganda, s’est exprimé dans les colonnes du Monitor.

Il a affirmé que la majorité des personnes qui exploitent des mines dans son pays sur les rives du lac Victoria, surtout à Namayingo, le font illégalement.

« En regardant le cadastre minier à Namayingo, autour des rives du lac Victoria et de Sigula, nous avons constaté que nous n’y avions délivré aucune licence minière », déclare l’inspecteur des mines ougandaises.

Mais cet officiel de l’Etat ougandais dit que le gouvernement est au courant que des dizaines de mineurs artisanaux utilisent des outils rudimentaires pour chercher de l’or sans autorisation des autorités compétentes.

Selon la loi sur les mines en Ouganda – promulguée par le président Museveni en octobre dernier – ces mineurs artisanaux ont été autorisés à travailler moyennant un versement de 380 millions de Shilling ougandais. Mais ce montant est tellement élevé que les orpailleurs ne peuvent pas s’en acquitter, surtout qu’ils sont déjà frappés par pauvreté, selon l’activiste Sssengendo.

En juillet dernier, le Président ougandais Yoweli Kaguta Museveni a annoncé que ce pays d’Afrique de l’Est venait d’effectuer des enquêtes qui ont abouti à la découverte d’énormes quantités d’or.

Sans préciser la quantité, Musevei au pouvoir depuis 1985, a néanmoins confirmé que les réserves d’or de son pays avaient une valeur nette de $12,000 milliards.

Cette annonce semble, selon certaines sources des organisations de la société civile ougandaise, accélérer la course vers les sites et la création de nouveaux sites miniers destinés recherche de l’or illégalement.

L’usage du mercure

Le mercure, dont l’utilisation est interdite par les lois, reste visible dans les mines d’or en Ouganda.

Un activiste, Mike Ngeza, dit qu’il y a quelques mois des organisations humanitaires avaient voulu pomper de l’eau du lac Victoria pour les besoins des habitants des environs. Mais le projet avait été annulé suite à la présence de mercure dans l’eau du lac.

« Lorsqu’il pleut, une partie de ces déchets toxiques provenant de ces activités d’extraction de l’or est souvent emportée dans le lac Victoria », déplore Mike Ngeza. Il ajoute que la biodiversité du Lac Victoria est menacée par ce mélange toxique.

L’activiste explique aussi qu’il y a eu des réunions de sensibilisation contre l’usage du mercure avec les orpailleurs mais malheureusement ces efforts sont restés sans effet.

« Certains des orpailleurs artisanaux me disent souvent qu’ils savent que le mercure est dangereux, mais qu’ils sont obligés de l’utiliser au lieu du borax autorisé par le gouvernement ougandais », explique-t-il. Il ajoute que le borax n’est pas accepté par les orpailleurs.

Selon Ssebagala, officiel du ministère de tutelle, le gouvernement a aussi fait de la sensibilisation contre l’usage du mercure. Mais il ne dévoile cependant pas les résultats de la sensibilisation.

D’autre part, le gouvernement encourage les orpailleurs artisanaux à rendre formelle leurs activités. Une formalité que ces derniers ne veulent pas entendre, car elle est très couteuse, selon eux.

« Nous essayons de promouvoir l’utilisation de la technologie du borax dans la récupération de l’or, qui est moins dangereuse pour l’environnement et qui ne provoque pas à la libération de mercure dans l’environnement », a déclaré M. Ssebagala.

Carte miniere de l'Ouganda qui montre la concentration des activités minières au bord du Lac Victoria
Carte miniere de l’Ouganda qui montre la concentration des activités minières au bord du Lac Victoria/ Carte issue de https://www.ugandainvest.go.ug/wp-content/uploads/2020/01/Mineral-occurence-map-of-Uganda_A3.pdf

Les mineurs sont cependant contre cette alternative.

Malgré les initiatives gouvernementales contre l’usage du mercure, des informations obtenues auprès des orpailleurs eux-mêmes disent que ce produit, pourtant interdit, est disponible dans les kiosques de Kampala ou dans d’autres villes du pays.

Cette capitale ougandaise abriterait des shops uniquement réservées à cette vente et les usagers, dont les orpailleurs d’Ouganda et du Congo, peuvent facilement s’en procurer, selon des sources anonymes.

D’autres sources disent qu’il y a des circuits des commerçants spécialisés dans la vente du mercure qui relient le Kenya à l’Ouganda.

Une fois sur le sol Ougandais, le mercure est transporté sans problème et la marchandise devient disponible dans la ville de Kampala, capitale politico-économique du pays.

L’une des personnes impliquées dans ce commerce témoigne que les mineurs préfèrent le mercure qui est moins cher par rapport au borax

Par ailleurs, l’utilité du borax est bien différente de celle du mercure lors du processus de séparation de l’or de la boue, a-t-il ajouté.

« Je vends du mercure parce qu’il s’écoule facilement. Le borax est utilisé, mais pas au même niveau que le mercure. Je sais ce que je dis ! J’assume ! D’ailleurs personne n’est venu m’interdire ce commerce, car je paie même des taxes à la municipalité de Kampala », a déclaré une source proche du commerce du mercure.

Certains des mineurs et orpailleurs trouvent que le borax dont l’usage est encouragé par le gouvernement ougandais n’a pas les mêmes fonctions que le mercure. Ils soulignent, sans pour autant dévoiler les prix, que le mercure est facilement accessible à tout opérateur aurifère qui le souhaite.

« Le mercure est le moins cher pour les mineurs artisanaux », ajoute l’homme d’une cinquantaine d’années qui dit d’ailleurs exercer ce commerce depuis 20 ans. Il ajoute que le mercure « est plus facilement disponible et facile à utiliser, car il raccourcit le temps de travail par rapport au borax ».

Le commerce des produits extractifs interdits se fait remarquer dans la région de Tiira, située à la frontière avec le Kenya.

Selon des sources anonymes, à Tiira, un commerce illégal s’installe entre des contrebandiers des deux pays ; c’est-à-dire ceux de l’Ouganda d’un côté et ceux du Kenya de l’autre.

Certaines des organisations locales minières disent avoir constaté avec amertume la présence de réseaux de contrebandiers impliqués dans le commerce du mercure et ont fait immédiatement appel au gouvernement pour qu’il agisse.

Pour certaines organisations, la loi dite Nema qui interdit le commerce de certains produits nocifs, n’est pas claire à propos du mercure. Ceci, selon Anthony Mukandi activiste ougandais, pousse les commerçants mal intentionnés à s’impliquer dans ce commerce visiblement rentable, bien qu’il soit néfaste pour l’environnement.

Cependant, un espoir semble naître dans les cœurs de certains activistes. En effet, en octobre dernier, gouvernement ougandais a mis en place une loi après vote au parlement qui interdit « l’importation et la commercialisation du mercure sur le sol ougandais ».

Cet effort, selon Anthony Mukandi, ne suffit pas à lui seul parce que dans certaines villes du pays, notamment Kampala, les trafiquants du mercure et d’autres produits nocifs ne sont pas inquiétés. Il faut, selon lui détruire par force ce commerce.

 

Quitter la version mobile