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Le primate le plus petit du monde est en train de disparaître, selon les scientifiques

  • Le microcèbe de madame Berthe (Microcebus berthae) pourrait bientôt disparaître alors que l’empreinte humaine s’accroît sur son habitat forestier dans l’ouest de Madagascar.
  • Une autre équipe de chercheurs alerte que le propithèque de Milne-Edwards (Propithecus edwardsi), une espèce indigène des forêts tropicales de l’est de Madagascar pourrait s’éteindre dans les 25 prochaines années.
  • « Le risque d’extinction augmente dramatiquement lorsque l’on prend en compte la déforestation et les conditions climatiques extrêmes » a dit Eric Isai Ameca y Juárez, un spécialiste de la perte de biodiversité et du changement climatique à l’université normale de Pékin, mais il a ajouté que la déforestation par elle seule pourrait décimer les propithèques.
  • Environ un tiers du couvert forestier du parc national de Menabe Antimena, où le microcèbe de madame Berthe vit, a disparu depuis 2015.

Le primate le plus petit du monde, le microcèbe de madame Berthe (Microcebus berthae), un animal suffisamment petit pour tenir dans un poing humain, pourrait bientôt disparaître alors que l’empreinte humaine s’accroît sur son habitat forestier.

Depuis 2018, des observateurs déployés dans l’habitat préféré du lémurien dans les forêts de l’ouest de Madagascar n’ont pas réussi à repérer l’animal, renforçant les craintes que le lémurien, décrit il y a seulement 30 ans, est déjà en voie d’extinction.

Les lémuriens sont indigènes à Madagascar, qui en abrite une variété incroyable : plus de 100 espèces ont été identifiées par la science. Mais la plupart de ces espèces occupent des niches écologiques très petites, ce qui amplifie le risque de perte de leur habitat. La quasi-totalité des 107 espèces de lémuriens sur la liste rouge de l’UICN est en voie d’extinction, 103 d’entre elles se trouvant dans les catégories en danger ou en danger critique.

Indiquant une aggravation de la crise écologique dans un haut lieu de biodiversité, une autre équipe de chercheurs alerte que le propithèque de Milne-Edwards (Propithecus edwardsi), une espèce indigène des forêts tropicales de l’est de Madagascar pourrait s’éteindre dans les 25 prochaines années.

Des chercheurs ont averti qu’en raison de la déforestation et des conditions climatiques extrêmes, le propithèque de Milne-Edwards (Propithecus edwardsi), une espèce indigène des forêts tropicales de l’est de Madagascar pourrait s’éteindre dans les 25 prochaines années. Image fournie par Patricia Wright/Centre ValBio.

« Le risque d’extinction augmente dramatiquement lorsque l’on prend en compte la déforestation et les conditions climatiques extrêmes » a dit Eric Isai Ameca y Juárez, un spécialiste de la perte de biodiversité et du changement climatique à Université normale de Pékin. L’équipe, qui inclut des chercheurs du Centre ValBio, dans le parc national de Ranomafana à Madagascar, a publié ses résultats dans la revue Biological Conservation.

Ces forêts pluviales qui s’étendent le long du flanc est de Madagascar sont vulnérables face aux cyclones qui frappent régulièrement le littoral est du pays et apportent dans les terres de fortes pluies qui entraînent une dégradation des habitats. Les tempêtes endommagent la végétation et dégradent les habitats. Mais, ce sont les sécheresses qui ont les effets les plus insidieux. Des conditions anormalement sèches peuvent se traduire par une faible fécondité des propithèques de Milne-Edwards et provoquer une mortalité infantile élevée chez les lémuriens.

Toutefois, Juárez a dit que la réduction de leur habitat est le plus grand danger pour les propithèques.

La superficie des aires protégées de Madagascar a été multipliée par plus de quatre au cours des vingt dernières années, et elles représentent environ 8 % de sa surface terrestre. Un grand nombre de ces aires de conservation protègent les forêts tropicales et sèches restantes, qui abritent un nombre impressionnant d’organismes vivants. Toutefois, les aires protégées ont rencontré un succès limité sur l’île.

Ce qui joue en la faveur de P. edwardsi, c’est qu’une partie de son habitat se trouve à l’intérieur du parc national de Ranomafana, le plus vieux parc national de Madagascar et l’un des parcs les mieux préservés du pays. Les taux de déforestation à l’intérieur de ses limites sont significativement inférieurs à ceux observés en dehors, où des villageois défrichent des forêts pour cultiver de la nourriture comme du riz ou coupent des arbres pour produire du charbon de bois.

A Madame Berthe’s mouse lemur
Un microcèbe de madame Berthe dans la réserve forestière de Kirindy à Madagascar. La plupart des espèces de lémuriens occupent des niches écologiques très petites, ce qui amplifie le risque de perte de leur habitat. Image par FC Casuario via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

L’aire protégée de Menabe Antimena, connue sous son acronyme français d’APMA, est le seul habitat connu du microcèbe de madame Berthe et elle subit des pertes forestières massives. Environ un tiers du couvert forestier du parc qui s’étale sur 210 300 hectares a été défriché depuis 2015, où il est devenu une aire protégée.

Les forêts sèches de feuillus de Kirindy et Ambadira à l’intérieur de l’APMA sont censées abriter les populations de microcèbes de madame Berthe. Depuis des décennies, la forêt de Kirindy a subi une intense pression de déforestation à mesure que des plantations de cultures vivrières comme le maïs ou de cultures commerciales comme les cacahuètes entament les forêts centenaires.

Même si la pauvreté alimente une bonne partie de cette destruction, de nombreux experts, y compris Matthias Markolf, un biologiste spécialiste en conservation à l’université de Göttingen, disent qu’une mauvaise application des règlements environnementaux joue également un rôle. Markolf et ses collègues du Centre allemand des primates à Göttingen ont publié une étude dans la revue Conservation Science and Practice des relevés liés au lémurien M. berthae.

Une carte indiquant les changements du couvert forestier dans l’aire protégée de Menabe Antimena réalisée avec les données de l’article écrit par Hansen et ses collègues (2013), de l’université du Maryland, Google, du Service géologique des États-Unis et de la NASA. Le couvert forestier pour 2020 est dérivé de donnée d’imagerie du programme Landsat. Les zones en vert clair représentent les forêts sèches. Cartes créées par le Durrell Wildlife Conservation Trust.

Les forêts de Menabe Antimena sont soumises à une plus forte pression, car de nombreux citoyens malgaches émigrant du sud du pays asséché à la recherche de moyens de subsistance s’installent dans la région. Des conditions de sécheresse prolongée ont fait que les communautés manquent cruellement de nourriture, et pour beaucoup, migrer vers de plus gros villages au nord est le seul moyen d’échapper à une pauvreté écrasante.

« Sans une stratégie stricte et de fortes alternatives économiques pour toutes les communautés qui émigrent chaque année, le problème ne se réglera pas », a dit Tiana Andriamanana, directrice générale de Fanamby, l’une des organisations à but non lucratif gérant l’aire protégée de Menabe Antimena. « Nous ne pouvons pas satisfaire tous les besoins. »

Les perturbations liées à la pandémie qui durent depuis plusieurs années n’ont fait qu’empirer les choses, et ont eu un effet sur Menabe Antimena et Ranomafana, où une forte baisse des revenus touristiques a perturbé les économies locales. Cette source de revenus finance également des organismes gouvernementaux impliqués dans le travail de conservation qui font déjà face à une situation persistante de pénurie en matière de ressources financières et humaines.

Parc national de Ranomafana. Image fournie par Eric Isai Ameca y Juárez.

Il n’existe pas de programme d’État pour surveiller les populations de lémuriens même au sein des aires protégées. Le gouvernement malgache partage la responsabilité de la gestion du réseau d’aires protégées avec une agence semi-autonome, des associations communautaires locales, et un grand nombre d’ONG internationales et locales.

La situation critique du microcèbe de madame Berthe a été révélée, car des scientifiques sont partis à la recherche du lémurien emblématique dans un parc célèbre. Pour de nombreuses autres espèces, il n’existe aucune surveillance comparable. Au cours des dernières années seulement, plusieurs espèces de lémuriens ont été ajoutées à celles que comptent Madagascar, y compris un microcèbe, Microcebus jonahi, en 2020. Nous ne savons que peu de choses les concernant, ou concernant la distribution de leur population, leur écologie et leur façon de faire face aux impacts humains, a dit Markolf.

Une lueur d’espoir existe pour les microcèbes de madame Berthe. Les relevés réalisés par le Centre allemand des primates cette année suggèrent que des individus sont présents dans d’autres poches de l’habitat du lémurien. « Il est plus qu’urgent de protéger l’habitat potentiel restant », a dit Markolf.

 
Image de bannière : Le microcèbe de madame Berthe est suffisamment petit tenir dans un poing humain. Image par Matthias Markolf.

Article original: https://news.mongabay.com/2022/09/worlds-smallest-primate-is-fading-into-extinction-scientists-fear/

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